Mercredi 24 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Sport

Selon le sociologue Djibril DIAKHATE : Seul ' un raccourci mythologique ' peut permettre au Sénégal de gagner la Can 2008

Single Post
Selon le sociologue Djibril DIAKHATE : Seul ' un raccourci mythologique ' peut permettre au Sénégal de gagner la Can 2008

Le Sénégal n’a ni les ressources humaines, ni l’administration, ni l’encadrement qui lui permettent de remporter la 26e Coupe d’Afrique des nations (Can) qui se déroulera au Ghana, du 20 janvier au 10 février prochain. L’affirmation est du sociologue Djibril Diakhaté. Selon lui, si le Sénégal doit arriver à un tel résultat, ce serait par un raccourci mythologique. Evoquant, par ailleurs, le cas des footballeurs africains qui préfèrent rester dans leurs clubs que de venir défendre les couleurs de leur pays, Djibril Diakhaté martèle qu’il appartient aux Africains de se faire respecter devant l’instance dirigeante du football mondiale (la Fifa). Entretien…

Wal Fadjri : Le Sénégal va pour, une énième fois, à la Coupe d’Afrique des nations (Can). Après avoir atteint les quarts de finale, les demi-finales et même, une finale en 2002, le rêve est-il permis pour cette équipe ?

Djibril DIAKHATE : C’est un souhait que formule tout bon Sénégalais. Nous souhaitons tous en effet que le Sénégal revienne du Ghana avec la coupe. Mais, pour être sincère, je trouve que le Sénégal n’a ni les ressources humaines, ni l’organisation, ni l’administration, ni l’encadrement qui nous permettent d’en arriver à un tel résultat. Si on devrait y arriver, je crois plutôt que ce serait par un raccourci mythologique. C’est-à-dire, qu’on va mobiliser tous les marabouts possibles et imaginables qui nous permettront d’obtenir des résultats qui ne reflètent pas le niveau actuel du football sénégalais. Si on doit être objectif, il faut reconnaître qu’on va vers une coupe d’Afrique sur fond d’un conflit entre la tutelle et l’encadrement technique. De même qu’on a des joueurs qui, de moins en moins, jouent des rôles moins importants dans leurs clubs respectifs. Ce qui est loin d’être le cas en 2002. Il y a un véritable recul à ce niveau. Les ressources humaines ne sont plus dans cette équipe nationale du Sénégal. De même que l’administration et l’encadrement posent problème. Par conséquent, je ne pense pas qu’objectivement, le Sénégal peut faire une opposition acceptable à de grosses pointures du football africain comme la Côte d’Ivoire, l’Egypte, le Nigeria… Le match amical, livré le 21 novembre dernier contre le Ghana, a montré qu’on a une équipe très prenable. C’est la vérité. J’ai entendu quelques-uns dire que c’est un match qui ne doit pas nous faire oublier le match joué, en août dernier, contre le Ghana… Ce débat est faussé dès le départ. Il faut simplement accepter qu’on a une équipe qui présente beaucoup de lacunes. Nous avons certes, quelques éclaircies. Mais, ils ne sont pas suffisants pour jouer les premiers rôles au Ghana. N’empêche, il faut continuer à prier. A mobiliser les ressources occultes dont nous disposons pour espérer revenir de Ghana avec le trophée continental.

Wal Fadjri : C’est une vision assez pessimiste de votre part ?

Djibril DIAKHATE : Nullement. C’est là, une triste réalité qu’il faut oser avouer. Le Sénégal peut réussir une participation honorable au Ghana, mais pas revenir avec la coupe d’Afrique. C’est malheureux, qu’on ait tendance à régler les problèmes à partir du haut en oubliant le bas. Les clubs sénégalais ne vont jamais très loin dans les coupes d’Afrique auxquelles ils sont engagés. C’est juste le premier tour. Et après, ils rentrent aussitôt. Tout cela veut dire qu’il y a un travail à commencer par le bas tout en continuant de se concentrer sur l’équipe nationale pour faire en sorte qu’elle ait une participation honorable au niveau de cette Coupe d’Afrique. A laquelle, il faut vraiment partir avec des ambitions raisonnables. Certains pays ont mis les moyens qu’il fallait pour mettre leur football dans de bonnes conditions. Nous n’en sommes pas encore à ce niveau. En conséquence, il faut être raisonnable. Il ne faut pas chercher une place dont on sait, dès le départ, qu’elle ne nous revient pas. Par ailleurs, il faut que les gens arrêtent de croire que si on ne va pas à un certain niveau, c’est à cause de l’entraîneur qui est mauvais… Le niveau de notre équipe nationale ne nous permet pas, objectivement, d’arriver au plus haut sommet du football africain.

Wal Fadjri : Votre argumentaire est quand bien même assez inquiétant…

Djibril DIAKHATE : (Il observe le silence). L’équipe nationale du Sénégal est un mirage. Il faut dire les choses telles quelles se présentent pour ne pas tromper les gens. Il faut qu’on nous montre notre jeu dans sa laideur pour que l’on sache le niveau exact de notre équipe nationale. C’est par cette démarche qu’on pourra apporter des solutions alternatives à même de changer les choses. Il n’y a aucun joueur local sénégalais qui partira à cette Can. Le sport est une industrie aujourd’hui. Par conséquent, si on veut avoir des parts de marché de plus en plus importantes dans le monde, il va falloir développer la production locale. En détectant les jeunes génies qui ne manquent pas au Sénégal. Il faut seulement chercher à mettre ces jeunes dans des conditions qui leur permettent d’exploser leur talent. Ce travail doit toutefois être accompagné par une bonne stratégie de communication. Malheureusement, il n’y a aucune communication élaborée à cet effet. A la place, on nous montre plutôt des oppositions entre les fédérations et les clubs… Ou des discours des ministres, des présidents sur le football. Mais, jamais la production footbalistique en tant que telle. Il est préférable de montrer au grand public le niveau actuel de notre jeu pour que l’on sache où se situent les lacunes. Cela permettrait de voir comment il faut faire pour apporter des solutions à ces lacunes. C’est dans ce sens qu’ont travaillé tous les pays africains, qui ont atteint aujourd’hui un niveau assez important dans le football. Ces pays ont détecté les jeunes génies. Ils leur ont donné des conditions qui les ont permis de faire exploser leur talent. Si on veut faire, aujourd’hui, une union sacrée autour du football, il faut que les gens sachent ce qui est en train de se faire avec le football. Malheureusement, on se rend compte qu’il y a toute une nébuleuse qui accompagne la gestion du football sénégalais. C’est la réalité. Tout se fait dans la non transparence la plus totale. Et puis on demande au public de venir apposer sa signature. Ceci est inadmissible. Parce que les gens ne peuvent pas adhérer à des choses qu’ils ne comprennent pas. Et auxquelles, ils ne sont associés, ni dans la conception, ni dans l’élaboration, ni dans exécution. Le problème dans notre pays, et à tous les niveaux, c’est qu’on parle de système participatif mais, on continue à être dirigiste et vertical. C’est-à-dire, on prend des décisions entre quatre murs sans pour autant associer les principaux acteurs. C’est ce qui explique toutes les difficultés que rencontre le football sénégalais.

Wal Fadjri : L’équipe nationale du Sénégal n’est-elle pas aussi confrontée à un problème d’harmonie avec notamment la difficulté qu’on éprouve à intégrer les jeunes ?

Djibril DIAKHATE : C’est justement là, une seconde analyse qu’on peut faire du comportement des joueurs de cette équipe nationale du Sénégal. C’est ce qu’on appelle le complexe d’infériorité et la volonté de puissance. Puisque, chaque joueur se prend comme l’élément le plus important, le plus indispensable de l’équipe du Sénégal. Chaque joueur se dit ‘sans moi, l’équipe sera pratiquement abattue. Elle ne sera pas battue mais abattue’. Dans ce cas de figure, vous allez avoir une équipe qui fonctionne à deux vitesses. Il y a ceux-là que l’on appelle les cadres et les autres qui ont une présence accessoire et intermittente. Le fait de développer cet esprit au niveau de l’équipe est de nature à faire de certains joueurs des appoints. Des joueurs qui ne se considèrent pas comme des éléments centraux de l’équipe. Si dans une équipe il y a une logique de faction, cela veut dire qu’il manque une cohésion dans l’équipe. Il y a des lignes de fracture au niveau de l’équipe. Le bloc d’équipe, comme disent les entraîneurs, n’est pas suffisamment bien soudé. Et à partir de ce moment, cela va se répercuter sur les jeunes. Parce que, ce manque de cohésion externe au champ de jeu va se répercuter sur le champ de jeu en tant que tel. Par conséquent, on note véritablement, dans cette équipe du Sénégal, cette fracture entre les lignes. Il y a un certain complexe de certains joueurs devant d’autres qui sont considérés et qui se considèrent comme des cadres. Ces jeunes joueurs se considèrent comme des joueurs de seconde zone qui ne doivent prendre aucune initiative dans le jeu. Quand une équipe fonctionne ainsi, on ne peut pas la considérer comme une équipe. Parce qu’une équipe suppose la cohésion, l’interconnexion entre les différents éléments qui la composent.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui explique, à votre avis, le refus manifeste de ces joueurs africains de servir, de façon spontanée, leur pays d’origine ?

Djibril DIAKHATE : La relation entre l’Occident et l’Afrique est une relation verticale qui se manifeste avec plus d’inquiétude au haut niveau du sport. Il faut noter que les pays africains sont insuffisamment représentés au niveau de la Coupe du monde. Où il n’y a que cinq à six équipes pour représenter tout un continent. Cette grande compétition internationale ne doit pas être appelée Coupe du monde mais, plutôt une coupe d’Europe ouverte à certains continents. Ces pays du continent africain, asiatique et sud américain viennent à cette Coupe du monde pour seulement jouer un rôle cosmétique de décoration. Ces pays ne vont pas être des artisans sérieux du dispositif de l’organisation de cette compétition. Par conséquent, il y a un sérieux travail à faire, à ce niveau, pour équilibrer les données. De même qu’on se rend, très souvent, compte que lorsque les pays africains ont besoin de leurs joueurs, les clubs européens refusent de les libérer. En brandissant des motifs qui sont, dès fois, contre la législation de la Fédération internationale du football amateur (Fifa). Alors que ce problème ne se pose pas avec les pays latino-américains. Cela veut dire qu’il y a aussi un sérieux problème à ce niveau. Parce qu’il y a un manque de respect flagrant dont sont victimes les Africains. C’est cette injustice que les dirigeants des clubs européens ont réussie à faire accepter aux joueurs d’origine africaine. On se rend, en effet, compte que les footballeurs africains développent plus le mercantilisme que le patriotisme. Ils mettent l’accent sur le caractère mercantile en gagnant beaucoup d’argent avec leurs clubs respectifs. Ils s’arrangent pour participer à des matches pour avoir des primes plutôt que de venir pour tenir la dragée haute pour leur propre pays. Cela veut dire qu’ils mettent plus l’accent sur l’aspect commercial, mercantile que sur l’aspect patriotique qui consiste à défendre la nation même si on doit tout perdre. Par conséquent, tout ceci veut dire que les relations entre les pays occidentaux et ceux de l’Afrique sont des relations particulièrement inégalitaires. De sorte qu’il va falloir revenir à une plus grande orthodoxie qui consisterait à respecter davantage les pays africains. Mais cela ne peut se faire que si les pays africains, eux-mêmes, commencent par se respecter. Notamment dans la formulation des discours des dirigeants, dans les systèmes éducatifs, dans les options politiques et économiques. En somme, il y a un certain dispositif qu’il faut établir pour montrer qu’il y a une présence africaine. Malheureusement, il est regrettable de constater qu’il y a un certain nombre de tâtonnements à ce niveau. Les Africains gagneraient à exiger à la Fifa d’augmenter le quota des pays devant représenter le continent à la Coupe du monde. A défaut, refuser de participer à une Coupe du monde. La non participation de l’Afrique à cette Coupe du monde constituerait une véritable claque à la Fifa.

Wal Fadjri : Avec tous les manquements que vous venez d’évoquer sur le football sénégalais, est-il possible de tendre, dès l’année prochaine, vers une réforme du football sénégalais comme le prétendent certains fédéraux ?

Djibril DIAKHATE : Il est tout à fait possible d’aller vers une réforme du football sénégalais. Si on veut être présent dans le concert des grandes nations de football, si on veut avoir des parts de marché très importantes, il faut forcément aller vers une réforme sérieuse du football sénégalais. Il faudra toutefois qu’on associe, qu’on implique les acteurs du football. Si on sent la nécessité d’aller vers une réforme, il faut qu’il y ait, au préalable, une documentation de cette réforme. Encore une fois, ce qu’il faut éviter, c’est de prendre des décisions sans pour autant les documenter, au préalable. Par conséquent, il y a un travail à faire en amont, qui consiste à impliquer tous ceux qui sont intéressés par le football…Il faut que les gens se mettent ensemble autour d’une table afin de trouver le chemin le plus rentable pour le football sénégalais. Parce qu’on se rend compte, de plus en plus, que notre football est en train de reculer. Que ce soit en club ou en sélection nationale, dans toutes les catégories, il y a des régressions qui ont été notées. Par conséquent, il y a tout un travail qui doit être effectué, non pas, par les bureaucrates du football, mais par tous ceux qui sont intéressés par cette discipline.

Wal Fadjri : Qu’entendez-vous par ‘bureaucrate du football’ ?

Djibril DIAKHATE : Au Sénégal, il y a des gens qui s’accaparent de tout. Des gens qui sont des bureaucrates de toute chose. Alors qu’ils ne maîtrisent rien. Il y a, par contre, d’autres qui sont sur le terrain, dans toutes les régions. Des gens à même de mettre le football sénégalais sur les rails. Il suffit de les détecter afin de les réunir autour d’une table. Ces gens sont à mesure de capitaliser toute une réflexion sur le football. Par conséquent, il est parfaitement possible de réussir cette démarche. Parce que les ressources humaines et la volonté ne manquent pas dans ce pays. Il suffit juste de mettre les gens à la place qu’il faut. C’est en quoi, il est bien possible d’aller vers une réforme du football sénégalais. Il suffit juste de créer les conditions. A l’instar des fédéraux, le ministère des Sports devrait réfléchir sur un comité à mettre en place pour essayer de voir le cahier de charges autour duquel ces rencontres vont être organisées.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email