Vendredi 29 Mars, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Sport

Révélations d'Amara Traoré sur l'épopée des «Lions» en 2002 : «L’avion ralliant la Corée au Japon avait eu un trou d’air»

Single Post
Révélations d'Amara Traoré sur l'épopée des «Lions» en 2002 : «L’avion ralliant la Corée au Japon avait eu un trou d’air»
Du gamin de Saint-Louis, Amara Traoré possède la technique pure de la rue. C’est-à-dire ce toucher de velours inné qui, à coups de dribbles, lui permettait d'esquiver, d'éliminer ses adversaires. A 45 ans, cet homme des missions impossibles est devenu sélectionneur national de l'équipe A du Sénégal. Rencontré hier matin dans sa villa nichée à Liberté VI, le nouveau patron du banc de touche de la ‘Tanière’ conte et raconte à Wal Fadjri sa vie de A à Z.

A : COMME AMARA, SON PRENOM

‘Je m’appelle Amara Traoré. Je suis né le 25 septembre 1965 à Guet Ndar, un quartier qui se trouve dans la ville de Saint-Louis du Sénégal. J’ai fait l’école française et l’école coranique où j’ai bouclé mes études religieuses. Très jeune, j’alternais l’école coranique et française. Je partais à 5 h du matin à l’école coranique et à 7 h, je continuais à l’école française. A partir de 12 h, je retournais à l’école coranique jusqu’à 14 h, avant de rentrer à la maison pour déjeuner.’

B : BALLON

‘J’ai très tôt commencé à jouer au football. Je n’avais pas cours les mercredi et jeudi et j’en profitais pour jouer au football. Mon père n’était pas d’accord pour que je joue au foot. Pour lui, les études étaient prioritaires. Je me cachais alors. Je cachais même mes maillots pour aller au terrain. Et le jour où il a vu ma photo dans le quotidien Le Soleil, il m’a beaucoup frappé. Je jouais en cadet à l’époque.’

C : CAN ET COUPE DU MONDE 2002

‘J’ai gardé beaucoup de souvenirs de ces deux compétitions. Vous m’avez même vu pleurer à la télévision. Ce sont des images et des couleurs très fortes que je retiens. Ce sont des rencontres qui nous ont permis d’échanger avec le monde. Il y avait des anecdotes entre les joueurs ou le staff technique de l’équipe nationale. Mais il y avait surtout une union et cela nous a poussé à aller de l’avant. La grande force de l’équipe de 2002 était son caractère. Une équipe qui n’avait pas de complexe. On pouvait même confondre une séance d’entraînement à un match, tellement cette équipe ne lâchait rien. Elle était capable d’élever son niveau de jeu à tout moment devant n’importe quel adversaire. On l’a vu pendant la durée de la compétition, le premier match en Ouganda, contre le Maroc à l’aller et retour, puis l’Egypte.’

D : DEFAITE

‘Quand j’étais jeune, j’ai été surclassé et j’ai fait perdre mon équipe en demi-finale parce que j’avais bénéficié d’un double sur-classement. On préparait la finale. Les joueurs se regroupaient et c’est en ce moment que les dirigeants de la zone nous ont apporté un procès-verbal pour notifier notre défaite. Cela s’expliquait par la réserve que l’équipe adverse avait portée sur moi. C’est une défaite que je garde en moi, même si c’était un match de ‘navétane’ Et ce jour-là, le gars qui avait amené le Pv, a été bien tabassé par les dirigeants. Quand je croise cette personne, on se le rappelle ! Il y a aussi la défaite du Sénégal face au Cameroun, en finale de la Can 2002. D’ailleurs, tout le monde m’a vu pleurer ce jour-là.’

E : ETATS-UNIS D’AMERIQUE

‘C’est le pays où l’on sent une forte union, malgré les différends politiques internes. Les Américains sont unis dès qu’ils sont à l’extérieur. Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est que je n’ai pas vu le corps d’un seul Américain après l’attentat des deux tours jumelles de World Trade Center. Pourtant, c’est un pays dit de la liberté, mais ils ont décidé comme un seul homme de garder cette image triste. Les citoyens américains savent s’unir pour protéger l’image de leur pays. Nous aussi au Sénégal, on doit faire la même chose. Dans la vie, il y a toujours des contradictions, mais il faut que cela soit des contradictions positives’

F : FERDINAND

‘C’est quelqu’un qui va apporter beaucoup de métier. Il a fini de confirmer son talent et le Sénégal a besoin de lui pour reconstruire son football. Ferdinand va apporter quelque chose de plus, en étant un joueur de haut niveau comme moi. Il est un modèle pour beaucoup de jeunes garçons et surtout pour les jeunes footballeurs. Tous les joueurs l’apprécient aussi. Même au niveau des défenseurs, il pourra dire quelque chose sur ces détails surtout du côté de la rigueur défensive.’

G : GUEUGNON

‘Une équipe qui m’a beaucoup marqué pour avoir remporté avec elle la Coupe de la Ligue française de football. J’ai été le premier Africain à remporter cette Coupe en tant que capitaine en 2000. Et j’avais reçu le trophée des mains du Premier ministre français d’alors, Lionel Jospin. Quand je suis arrivé à Gueugnon, un journaliste a demandé au président du club, s’il ne s’était pas trompé de recrue. Parce que je revenais d’une blessure et j’avais pris du poids. Et le président lui a dit : ’Attendez, vous allez voir qu’on ne s’est pas trompé de cible. C’est un bon joueur.’ Le championnat avait démarré en fin juillet et je suis arrivé en fin octobre. En ce moment, l’équipe plafonnait au bas du classement. Nous étions classés 18 e et il fallait être parmi les dix premiers pour se maintenir en D2. Et lors de mon premier match, j’avais marqué deux buts et, à la fin du championnat, je me suis retrouvé avec 17 buts au compteur. Ainsi, le journaliste est retourné dire à mon président qu’il s’était lourdement trompé. L’année suivante, on s’est aussi battu pour se maintenir. Et durant la troisième année, je suis arrivé a mi-saison parce qu’il y avait des clubs qui me voulaient. Le président m’a dit : ‘Traoré, il y a Nice qui te veut, on fait quoi ?’ Je lui ai dit que je vais nulle part parce qu’on va monter en D1 l’année prochaine. Il m’a dit : tu aimes beaucoup le club, mais ce n’est pas possible. J’y ai cru et j’y suis resté.’

H : HEXAGONE

‘J’y ai gardé de très beaux souvenirs. Quand je suis arrivé en France avec Mamadou Faye de Bastia, on avait du mal à manger le ‘thiébu dieun’ (riz au poisson, Ndlr). Après les entraînements, nous sommes allés dans un restaurant, mais il n’y avait pas de ‘thiébu dieun’. Il nous fallait manger ce plat. Mais le serveur nous a dit qu’il n’y en avait pas. Et j’ai pris le riz blanc que j’ai mélangé avec le ‘nététou’ (ingrédient alimentaire que l’on prépare avec le riz au poisson, Ndlr)

‘J’ai gardé aussi un souvenir avec Gueugnon. C’est quand une foudre a failli nous emporter durant les préparations hivernales. Nous étions en stage en France et ce jour-là, on était sur le terrain. Il pleuvait beaucoup. Tout à coup, la foudre est tombée sur nous et tout le monde était par terre. On croyait que c’était la fin du monde.’

I : INGENIEUR EN GENIE CIVIL

‘Dès le bas âge, j’ambitionnais de devenir ingénieur en génie civil. C’est un métier dont je rêvais beaucoup. Comme mon père ne voulait pas que je joue au foot, il insistait sur mes études, mais finalement, le football m’a emporté. Et je suis parvenu à devenir aujourd’hui entraîneur de la sélection A. Mais j’avoue que si je n’étais pas footballeur, je serais aujourd’hui dans mon bureau comme un ingénieur en génie civil.’

J : JOE DIOP

‘Joe Diop m’a beaucoup fatigué. Il était très exigeant. Il fût mon entraîneur à l’Etics de Mboro. Et en ce moment, il ne me donnait pas le temps de relaxe. C’est un entraîneur qui a du talent et du caractère. Il aime beaucoup ce qu’il faisait et je le remercie beaucoup.’

K : KENNEDY

‘Il ne faut jamais se demander ce que mon pays doit faire pour moi, mais plus tôt ce que je dois faire pour mon pays.’ C’est une situation de l’ex-président américain, à laquelle je me réfère pour participer au développement de mon pays. Et je pense que tout citoyen doit veiller à cela.’

L : LECTURE

‘La lecture fait partie de mon quotidien. J’aime beaucoup lire. D’ailleurs, vous m’avez trouvé en train de lire le bouquin (Mes étoiles noires de Lucy à Barack Obama Ndlr) de Lilian Thuram. Le matin, je fais la revue de presse, j’essaie de voir ce qui se passe dans le pays et à l’étranger.’

M : MAREME FALL, SA MAMAN

‘Elle a tout fait pour moi. Elle m’a mis au monde et m’a éduqué. Elle me protège jusqu’à présent. Il m’arrive parfois d’aller au cimetière et de ne pas vouloir en sortir. J’étais à Saint-Louis vendredi dernier et je me suis rendu au cimetière… (il coupe). A chaque fois que j’y vais, c’est vraiment difficile…(Il pleure, l’entretien s’arrête durant quelques secondes, Ndlr).’

N : NICE

‘Le club de Nice voulait m’embaucher pendant que Gueugnon souffrait pour monter en D1. Le président du club est venu et m’a demandé mon avis sur l’offre de Nice. Je lui ai dit : ‘Prézi, je ne veux pas quitter ce club parce que je pense qu’ensemble, on arrivera à faire monter le club en D1.’ Et finalement, on avait réussi le pari. Souvent, je suis l’homme des missions difficiles, voir même impossibles. J’aime bien quand c’est difficile. Il y a des étapes à franchir pour arriver à un certain niveau. Quand j’étais joueur, on m’a toujours demandé de prouver pour mériter quelque chose. Aujourd’hui, c’est ce qui fait ma force de caractère. C’est pourquoi je prouverai toujours jusqu’au dernier souffle de ma vie.’

O : OBJECTIF

‘Il faut travailler dur, être rigoureux et discipliné pour remporter des titres. Mais, il faut être aussi patient. Le football est comme toutes les autres étapes de la vie. Pour devenir un président de la République, on passe par des étapes. On fera la même chose pour remporter des titres. Il faut qu’on arrive à analyser les résultats. De 2000 à 2006, on a fait le minimum en arrivant en quarts de finale de la Can, mais il y a eu un peu de ‘cassure’. Parce que tout n’était pas mauvais dans la non-qualification. Cela nous a permis de réfléchir. Maintenant, il faut qu’on change d’expérience et ne pas faire les mêmes erreurs. En football, tout est possible mais, si et seulement si, les choses tournent autour d’une bonne organisation. Et pour gagner, il faut avoir une vision et des règles.’

P : PERFORMANCE

‘La performance collective fait partie des bases essentielles pour la reconstruction du football sénégalais. Par rapport au mécanisme de l’entraînement notamment, le savoir technique et le savoir tactique, on peut avancer. Quand on maîtrise ces deux volets, on peut aller loin... Mais, il ne faut pas seulement avoir les ambitions dans les paroles. Il faut les traduire par les actes. Aujourd’hui, je ne peux pas hésiter à aller entraîner une équipe de la D2. Le football sénégalais, on peut le servir partout.’

Q : QUART DE FINALE COUPE DU MONDE 2002

‘Ce jour-là, on sentait qu’on était en demi-finale pour marquer l’histoire. Et sur le plan du jeu, l’équipe avait beaucoup donné. Dans les matches de poule, le Sénégal avait tellement donné que c’était difficile de jouer les prolongations. Mais, dès fois, ce sont des choses qui arrivent dans la vie. C’est un match qui m’a beaucoup marqué.’

R : RELIGION

‘Comme tout bon musulman, je pratique la religion à la lettre. Quand je suis arrivé en France, je demandais où se trouvait l’est. Mais les gens avaient du mal à comprendre que je voulais prier et me prenaient pour un fou. Et finalement, j’ai acheté un tapis de prière qui avait une boussole. Et cela m’a aidé, mais j’avoue que c’est très difficile.

S : SENEGAL

‘Le Sénégal a un potentiel qu’il n’a pas exploité. Le football, c’est des étapes différentes. Et notre pays a toujours eu des footballeurs qui n’ont pas démontré tout leur talent. Il y avait des joueurs, mais il manquait du professionnalisme. Par moments, on avait des joueurs, mais il manquait une bonne administration. Et quand on a eu une bonne administration, il manquait les joueurs. Et maintenant, nous avons un potentiel énorme. Si on se réfère aux valeurs intrinsèques de l’équipe du Sénégal, joueur après joueur, ligne après ligne, elle peut rivaliser avec n’importe quelle équipe au monde.’

T : TERRAIN

‘C’est au terrain de ‘Maracana’ à Saint Louis que j’ai appris à jouer au football. Je garde beaucoup de souvenirs de ce lieu. Quand j’y jouais, beaucoup d’équipes me couraient derrière, parce que je marquais beaucoup de buts. On organisait des tournois et l’on mettait en jeu des pots de lait qui coûtaient 15 francs Cfa. J’imposais mon gabarit et je réussissais à faire la différence.’

U : UNION

‘En 2002, il y avait une union au Sénégal. Je me rappelle, lors de la qualification à la Can et au Mondial, tous les Sénégalais étaient debout comme un seul homme. Tous les hommes politiques étaient derrière nous et on n’arrivait pas à faire le distinguo entre opposants et régime en place. Tous les leaders politiques étaient venus nous soutenir au Palais présidentiel. Et je garderai toujours cette image en moi. J’ai même gardé un journal de la place qui en a fait sa Une.’

V : VOYAGE

‘C’était lors de la Coupe du monde 2002. On a effectué un voyage que je n’oublierai jamais de ma vie. On devait quitter la Corée pour aller au Japon et l’avion a eu un trou d’air. Il y a eu ce jour-là des gens qui se sont blessés sur leurs doigts. Et il y avait beaucoup de sang dans l’avion. C’était la panique, tout le monde criait. On croyait que c’était la fin du monde.’

W : WADE

‘Le président Wade, c’est quelqu’un que j’ai beaucoup côtoyé pendant la Coupe du monde, notamment la grande époque de 2002. Il a été très déterminant, surtout quand on partait en Namibie. Il a accompagné l’équipe. En 2002, l’équipe demandait beaucoup de moyens. Et le président Wade a beaucoup apporté. Je suis un témoin privilégié.’

X : XENOPHOBIE

‘Contrairement à beaucoup de joueurs, je ne me rappelle pas avoir vécu de la xénophobie en France ou en Europe. Mais, les Blancs me disaient souvent que je ne suis pas africain. Quand je leur demandais pourquoi, ils me répondaient : ‘Parce que tu es ponctuel, un homme de parole et vous argumentez toujours vos propos comme un Blanc’

Y : YOUSSOU NDOUR

‘J’écoute beaucoup la musique sénégalaise. D’ailleurs, quand j’étais en France, j’écoutais beaucoup Youssou Ndour, surtout pendant les longs voyages. Sa musique me rappelait beaucoup de souvenirs du Sénégal.’

Z : ZINEDINE ZIDANE

‘J’étais très content quand j’ai su que Zidane était forfait pour le match d’ouverture de la Coupe du monde 2002 en Corée et au Japon. On voulait gagner et Zidane pouvait nous poser des problèmes. Quand on a appris que Zidane n’était pas là, tout le monde était content. Zidane, c’est Zidane. Sa vitesse de perception et de réalisation en une fraction de seconde pouvait changer le match. Mais, rien ne pouvait arrêter cette équipe du Sénégal devant la France. Parce que c’était une équipe survoltée...’



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email