EQUIPE NATIONALE - Sélection pour Sénégal-Côte d’Ivoire (match amical, 16 août) : Khadim Faye, pour quel but ?

Henryk Kasperczak a, à la surprise générale, convoqué Khadim Faye, 36 ans, pour le match amical Sénégal-Côte d’Ivoire du 16 août prochain à Tours (France). Le nouveau coach des Lions envisage de promouvoir le troisième gardien de Boavista (Portugal) comme première doublure de Tony Sylva. Un curieux pari.

L’inopiné come-back appartiendra pour l’éternité à l’histoire sénégalaise de Henryk Kasperczak : Khadim Faye, longiligne gardien (1m,96), longtemps oublié dans l’anonymat de son exil portugais, a agrippé ses mains tentaculaires sur le train d’une sélection nationale qui l’avait laissé à quai dix ans plus tôt. Une suffocante après-midi de juin 1996, dans le désarroi d’un stade Amitié (actuel Léopold Senghor) qui le maudit d’avoir encaissé un funeste coup-franc togolais, synonyme d’élimination des Lions du Mondial 98 (Sénégal-Togo : 1-1). Un jour sombre qui l’avait envoyé au cimetière des désillusions nationales avant l’incroyable clin d’œil du Franco-Polonais qui, pour sa première sélection, est allé «exhumer» un des derniers symboles en activité du «Sénégal qui perd».

Ce matin encore, la critique use sa science autour d’une seule question : le sélectionneur national avait-il les bonnes infos au moment de sélectionner Khadim Faye pour le match amical du 16 août contre la Côte d’Ivoire à Tours (France) ? A écouter le Franco-Polonais encenser le gardien de Boavista, âgé de 36 ans, un doute sur la qualité de ses «sources» s’est instillé. A défaut de s’installer : «Un gardien peut jouer jusqu’à l’âge de 42 ans. On a besoin de Khadim par rapport à tout ce qu’il a vécu et son expérience, s’est justifié Kasperczak. J’ai parlé avec lui, il travaille beaucoup avec son club. Je crois que Khadim est un garçon d’expérience et la saison dernière, il a réalisé un très grand championnat et une saison exceptionnelle.»

«Saison exceptionnelle.» Le débat galopant sur la méconnaissance par le Polonais des réalités du quotidien portugais de Khadim Faye a trouvé son terreau dans cette affirmation gratuite. En effet, l’ancien gardien du Jaraaf de Dakar, point titulaire avec son club, a eu très peu d’opportunités pour plonger chercher ce qualificatif trop pompeux pour sa saison 2005-2006. L’ancien sociétaire du Jaraaf a, en effet, un statut de…troisième gardien à Boavista. Le gardien titulaire du deuxième club de la ville de Porto se nomme Peter Jehle, citoyen de Liechenstein. Il est secondé par le papy Camerounais, William Andem. Les rares fois que Khadim a débuté dans les buts, c’est parce que ses deux coéquipiers étaient indisponibles. Les propos que l’ancien sociétaire des «Vert-blanc» a tenus dans les colonnes du Quotidien d’hier sonnent comme un aveu, confirmant, si besoin en était, son statut de «joueur de complément» à Boavista : «Dans mon club, parfois je suis titulaire, parfois deuxième ou troisième gardien. Je réussis à avoir dix matches par saison dans le championnat.»

En fait, disputer dix (10) petits matches pour un championnat portugais qui déroule 34 journées, cela peut s’avérer peu. Trop peu pour réussir une «saison exceptionnelle», trop juste pour se voir ouvrir les portes d’une « tanière» qu’on retrouve...10 ans après. Et l’aveu laisse comprendre sa propre surprise quand il déclare avoir cru à «une blague» quand Kasperczak lui a annoncé sa sélection.

Le gênant dans ce choix est qu’il n’offre aucune perspective au panorama de la sélection. Préparer le futur en faisant la promotion d’un «papy», qui se retourne pour apercevoir ses plus belles années, invoque une certaine «logique des contraires» qui a rarement fait la gloire du football. Le poste de gardien a beau revendiquer une certaine spécificité, Khadim Faye, tout près de la retraite, pourrait être difficilement considéré comme le meilleur investissement pour une Equipe nationale qui ambitionne de monter sur le toit de l’Afrique au Ghana. En 2008.

Le pari sur l’avenir (la Can 2008 voire le Mondial 2010) avait laissé croire qu’il serait accompagné par l’éclosion de jeunes pousses. Une manière linéaire d’anticiper sur la relève, de préparer une équipe sénégalaise en fin de cycle, qui va devoir se séparer, en cours de route, de beaucoup de ses anciens cadres, de quelques-uns de ses «historiques», qui ont déjà un pied en dehors de la «tanière». A l’instar de Ferdinand Coly et Amdy Moustapha Faye, pour ne citer que les plus velléitaires à fermer la parenthèse internationale de leur carrière.

L’argumentaire qui justifie le rappel de Khadim Faye dans la «tanière» donne beaucoup à l’expérience avérée d’un garçon qui a vécu «Sénégal 92» sur le banc. Mais le métier de Tony Sylva, numéro un en sélection, offre déjà une gage dans ce domaine. Et le réflexe judicieux n’aurait-il pas été de l’accompagner par une jeunesse talentueuse qui viendrait peu à peu le bousculer, tout en sacrifiant à l’apprentissage du très haut niveau à ses côtés ?

In fine, le choix de Kasperczak pourrait se révéler comme une solution d’urgence pour offrir une meilleure étoffe à la doublure de Tony Sylva. Mais avec Khadim Faye, troisième gardien à Boavista, que Kasperczak a révélé vouloir en faire un 2e gardien, et Cheikh Tidiane Ndiaye, lui aussi… troisième gardien à Rennes, le portier de Lille n’en sort pas lui couvert. Il n’aura pas plus de garanties qu’avant pour surveiller ses arrières. Des adjoints en manque de compétitions, c’est loin d’être la sécurité sociale.