ENTRETIEN AVEC…Henryk Kasperczak, sélectionneur des Lions : «L’annulation du match contre le Nigeria a été dure à avaler»

Dans les couloirs de la Fédération de football, Henryk Kasperczak nous sert la main et prévient tout sourire : «Je vous donne 5 minutes.» La démarche lourde, le sélectionneur national, vêtu d’un sweatshirt noir, jette le regard sur sa montre. Son vol pour la France, prévu en début de soirée, n’attend pas. Mais, quand il s’agit de l’Equipe nationale et de ses Lions, Kasperczak s’emballe sans s’en rendre compte et dépasse largement les 5 minutes d’interview. Quoique passablement déçu de ne pas jouer «son match» contre le Nigeria, il n’en a pas l’œil moins rivé sur l’avenir. Le Franco-Polonais revient sur le cas Jean Michel Badiane (Sedan, Ligue 1 française) et rouvre le dossier Bakary Sagna (Auxerre, Ligue 1). Il ne s’en cache plus : il prépare la relève dans la «tanière».

Comment vous avez vécu l’annulation de ce match Sénégal-Nigeria ?

L’annulation du match, je l’ai vécue comme une déception, on regrette beaucoup qu’on ne puisse pas jouer ce match. Car, ce qui était intéressant surtout pour nous, c’était de se revoir, retravailler et puis jouer un match contre une équipe comme le Nigeria. L’annulation a été une déception générale. Personnellement, je regrette que cela se passe comme ça, mais on fait avec.

Sur le plan sportif, ça doit être dur à avaler…

Oui. C’est dur à avaler, mais je crois que c’est une bonne leçon, il faut souhaiter que cela ne se reproduise pas la prochaine fois. Ce que je regrette dans cette histoire, c’est de ne pas jouer pour plusieurs aspects : d’abord l’adversaire était de qualité, la deuxième chose c’est qu’on voulait se voir, car on n’a pas beaucoup de dates libres pour se retrouver et jouer des matches amicaux. C’est toujours bon d’avoir une bonne préparation et puis pour construire quelque chose.

C’est un coup dur pour votre plan de relance de la sélection…

Cela perturbe toujours. D’abord, j’avais convoqué de nouveaux joueurs, il y a Ibrahima Sonko (Reading, Premiership) qui devait venir. Il y avait aussi l’arrivée de Jean-Michel Badiane (Sedan, Ligue 1 française) et le retour de Souleymane Diawara (Charlton, Premiership). Pour Badiane, par exemple, j’ai lu dans deux journaux qu’il ne pouvait pas jouer pour l’Equipe nationale et je tiens à préciser qu’il peut jouer.

Mais, il a déjà joué avec les Espoirs en France et lui-même dit qu’il est dans l’impossibilité de jouer avec le Sénégal…

Mais, il est Sénégalais, il peut jouer les matches amicaux et tous les matches officiels. C’est vrai qu’il a joué avec l’Equipe espoirs de la France. Msaintenant, il faut qu’il démontre sur le plan administratif qu’il veut jouer avec le Sénégal. Il est Sénégalais, il a le passeport de son pays, il peut jouer.

Mais, il a 23 ans et le règlement de la Fifa s’applique à ceux qui ont 21 ans ?

Non ! Cela dépend du contexte, car le règlement prévoit de voir combien de fois, il a joué avec la France ? Il y a des critères certes, mais il a choisi de jouer pour le Sénégal et cela, il faut le préciser, il peut jouer les matches amicaux. Il n’y a pas de problèmes et puis on a pensé faire le travail administratif pour voir si on peut compter sur lui.

En le sélectionnant pour le match, étiez-vous au courant de tous ces aspects ?

Bien sûr ! Tout a été bien analysé sur la liste que j’ai publiée. Je ne comprends pas que les gens ne m’aient pas demandé mon avis sur le cas de ce jeune garçon.

Mais c’est lui qui a dit qu’il ne pouvait pas jouer pour le Sénégal ?

Il n’a peut-être pas compris le règlement. J’ai parlé avec lui et il m’avait donné son accord qu’il serait ravi de jouer avec l’Equipe sénégalaise. Donc, c’était bien de le convoquer en match amical. Car il était prévu qu’il devait rejoindre le groupe pour le match annulé contre le Nigeria. Mais il y a un problème administratif qui reste à régler pour jouer avec l’Equipe nationale du Sénégal.

Allez-vous le convoquer pour le prochain match ?

Pourquoi pas ? Il peut jouer tous les matches amicaux. Même si sur le plan administratif, on est en train de préparer un dossier (pour la Fifa). Mais, je veux le voir dans l’Equipe nationale. Je dois le voir, c’est comme avec Bakary Sagna (Auxerre), comme avec n’importe quel joueur, j’ai le droit de les voir. C’est vrai qu’ils ont déjà joué avec l’Equipe nationale de France, mais il faut demander l’accord de la Fifa.

Est-ce que ce sera la même démarche pour tous les autres Sénégalais qui ont déjà joué avec une autre sélection en Espoirs ?

Tout à fait. Il y a des joueurs qui veulent régler ce problème avant, mais bon pour Michel, il n’y avait pas de problèmes.

Avec l’annulation de ce match, quelle est maintenant la prochaine étape pour préparer la Tanzanie en mars 2007 ?

Il reste maintenant à préparer d’autres matches amicaux, on a déjà des propositions que j’ai soulignées lors de la dernière conférence de presse. On a des propositions pour jouer contre le Cameroun, mais on va voir. Vous savez dans l’organisation de ces matches amicaux, il faut résoudre le problème avant et non après. Pour vous dire qu’avant de publier la liste le vendredi, j’ai parlé avec le Président de la Fédé Mbaye Ndoye et il m’avait dit : «Il n’y a aucun problème, on va jouer contre le Nigeria.» Puis samedi, la décision a été négative et la Fédération de football a sorti un communiqué pour dire que le match a été annulé. Maintenant, c’est terminé.

Vous avez parlé entre temps avec certains joueurs, quelle a été leur réaction ?

Sur le principe, tout le monde regrette que le match soit annulé. Mais que faire ? on avait pensé que le contrat puisse être signé, mais ce n’était pas le cas. Et certainement, les joueurs ont été déçus de ne pas se retrouver à Beauvais.

Certains ont annoncé que vous étiez tellement déçus de l’annulation du match que vous avez pensé démissionner ?

(Il coupe) Arrêtez ! Jamais, je n’ai pensé démissionner à cause de cela. Je connais ma situation, cela arrive dans tous les pays. C’est une annulation d’un match amical, c’est tout. J’ai regretté, comme les joueurs, que le match n’ait pas lieu. Mais, je n’en fais pas tout un tas de problèmes. C’est une négociation qui n’a pas abouti, c’est tout.

Quel est maintenant le programme pour la suite ?

Pour la suite, on prépare le match suivant, c’est le 6-7 février.

Contre le Cameroun ?

Ce n’est pas encore sûr ! (Il sourit tout en se balançant sur sa chaise), ce ne sont encore que des propositions. On avait dit le Cameroun, parce que c’est intéressant de jouer les grandes équipes. Parmi les équipes intéressées, on a le Cameroun pour le moment. Il n’y a rien de fait pour l’instant. Il y a juste des possibilités.

Le fait de vouloir jouer avec les grandes équipes ne complique-t-il pas les choses ?

Cela ne complique rien du tout. Il y a plusieurs dates qui sont fixées par la Fifa et pour nous, ce sont des dates importantes à jouer. Surtout après cette défaite contre le Burkina Faso (0-1), il était important de voir les joueurs, discuter avec eux, travailler, jouer. C’était important.

Et pour ce voyage en France, vous allez continuer à convaincre Bakary Sagna ? Maintenant, avec Bakary, ça y est ! On a eu une discussion, on est tombés d’accord. Maintenant, sur le plan administratif, on va voir s’il pourra jouer. Pour l’instant, Issiar Dia (Nancy) qui a joué récemment avec l’Equipe nationale espoirs de la France, il a désiré jouer avec la France. Peut-etre que dans l’avenir, on va revoir son cas.

Sur votre traitement salarial, êtes-vous payés régulièrement ?

(Presque irrité) J’avais dit que je ne parle pas de mon salaire. Ça, c’est mon problème personnel, je ne parle pas de ça.

Allez-vous mettre à profit votre voyage pour discuter avec d’autres Sénégalais qui sont dans les championnats étrangers ?

Pour ce voyage, je vais en profiter pour voir Pape Mamadou Sougou (Leiria, D1 portugaise). Et puis, je vais sillonner en France comme je connais un peu tout le monde maintenant. Ce sera toujours intéressant d’être en contact avec les joueurs.

Malgré le couac au Burkina, allez-vous toujours privilégier le même système de jeu ?

Oui. Mais, généralement, ce n’est pas le système de jeu qui est en cause. Ce sont les rendements qui ont été en cause, il faut être présent, en forme. Il faut donner plus par rapport à la qualité de chacun au service de l’équipe. Ce qui n’était pas le cas, contre le Burkina. On ne s’est pas beaucoup créé d’occasions franches pour faire le but.

Vous avez déploré une fois qu’un milieu de terrain, comme Diagne Faye, joue dans l’axe dans son club. Votre avis n’a toujours pas changé ?

Au départ, je pensais qu’il était intéressant qu’il joue au milieu, malheureusement il a décroché complètement avec Bolton. Finalement, il faut le considérer comme un stoppeur. Car, contre le Burkina (1-0) Diagne Faye, qui jouait au milieu de terrain, a eu quelques difficultés parce que, dans son club, il joue stoppeur. Donc, la prochaine fois que Diagne Faye sera convoqué en Equipe nationale, c’est mieux qu’il joue stoppeur plutôt que milieu de terrain.

Au fil des sorties, vous convoquez souvent des joueurs espoirs. N’êtes-vous pas en train de révolutionner la «tanière» à pas de velours ?

Je pense que c’est important de changer quelque chose. Maintenant, je ne sais pas si tous les joueurs ont le même état d’esprit avec les succès qu’ils ont connus. Certains joueurs ont beaucoup fait pour cette Equipe du Sénégal et ce qui me tracasse un peu, c’est de savoir s’ils ont toujours faim ? Alors, il ne faut pas hésiter à mettre de nouveaux joueurs.

Pape Waïgo Ndiaye (Cesena, Serie B Italie) et Badara Sène (Sochaux) ont-ils été de bons ambassadeurs de la nouvelle vague auprès de vous ?

Oui. Je pense que Badara Sène a gagné sa place à Sochaux. Qui aurait pu penser que Malick Bâ pourrait nous donner autant de satisfactions contre le Mozambique, alors qu’il n’avait joué qu’une mi-temps contre la Côte d’Ivoire (1-0 à Tours) ? Ce sont peut-être les garçons de l’avenir. Bien entendu, il y a d’autres joueurs, il faut continuer à chercher. En Ligue 2 déjà, il y a de jeunes joueurs comme Babacar Guèye et Papis Cissé, à Marseille, pareil. Mais je pense toujours faire des résultats, car c’est avec de bons résultats que l’on construit.