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VIOL, INCESTE, MALFORMATION ET AVORTEMENT : La révision de la loi sur la Santé de la reproduction agitée

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VIOL, INCESTE, MALFORMATION ET AVORTEMENT : La révision de la loi sur la Santé de la reproduction agitée

L’intégration de l’avortement avait retardé le vote de la loi sur la Santé de la reproduction. Finalement, cet aspect a été extirpé de la proposition de loi devenue, par la suite, un projet de loi. Mais, aujourd’hui, la révision de ce texte est agitée. Les différents acteurs, qui se prononcent, à cet effet, plaident pour que l’avortement soit autorisé en cas de viol, d’inceste ou de malformation.

« L’Interruption volontaire de grossesse est interdite sauf lorsqu’elle est autorisée par la loi. En aucun cas, elle ne saurait être considérée comme une méthode contraceptive ».

Ainsi est libellé l’article 15 de la loi sur la Santé de la reproduction adoptée, en 2005, au Sénégal. Donc, l’avortement est autorisé, uniquement, quand la santé de la mère est menacée. Il s’agit de l’avortement thérapeutique.

D’ailleurs, la législation sénégalaise considère l’avortement provoqué comme une infraction pénale. Et les dispositions de l’article 305 du Code pénal prévoient contre leurs auteurs des peines d’emprisonnement allant de six mois à trois ans et/ou des amendes de 50.000 à un million de FCfa.

La loi sur la Santé de la reproduction ne devrait-elle pas être révisée ? Cette question a été agitée lors de l’atelier organisé par l’Ong américaine Population reference bureau (Prb) en collaboration avec l’Association sénégalaise pour le bien-être familial (Asbef) sur : « Cadre législatif et réglementaire en Santé de la reproduction et l’implication des hommes dans la Planification familiale ». « L’intégration de l’avortement avait retardé le vote de la loi sur la Santé de la reproduction », rappelle l’ex-parlementaire Famara Sarr, qui a joué un rôle déterminant pour l’adoption de ce texte.

« Nous avions estimé qu’en cas d’inceste, de viol, l’interruption volontaire de grossesse pourrait être faite. Mais, cela n’a pas été retenu. Et, nous n’avons pu adopter la loi sur la Santé de la reproduction qu’en 2005 », soutient M. Sarr.

Pourtant, le Mali et le Burkina Faso qui, comme le Sénégal, sont partis d’une même loi type sur la Santé de la reproduction, ont intégré l’avortement dans leur loi sur la Santé de la reproduction. Et, ils appartiennent tous au même environnement socioculturel.

Pour le Dr El Hadji Ousseynou Faye, gynécologue-obstétricien à la Division de la Santé de la reproduction du ministère de la Santé, quand on a voulu intégrer l’avortement dans la loi sur la Santé de la reproduction, « il y avait une levée de boucliers. Les religieux étaient contre ». Ce sont les parlementaires qui devaient porter la loi, « finalement le viol et l’inceste ont été enlevés et la proposition de loi est devenue un projet de loi porté par le ministère de la Santé », indique le Dr Faye qui fait savoir que si la décision d’enlever l’avortement a été prise, c’est parce qu’il y avait beaucoup d’avancées dans la Santé de la reproduction des adolescents, la Planification familiale, etc. Mais, maintenant la révision de cette loi relève d’un défi, lance-t-il.

Si, aujourd’hui, l’Interruption volontaire de grossesse (Ivg), qui avait retardé le vote de la loi sur la Santé de la reproduction, est évoquée, c’est notamment à cause des drames que continuent de poser les avortements provoqués clandestins auxquels recourent de nombreuses femmes, notamment en cas de viol et d’inceste.

13.719 cas d’avortement en 2007

Selon le Dr El Hadj Ousseynou Faye, gynécologue-obstétricien à la Division de la Santé de la reproduction du ministère de la Santé, 13.719 cas d’avortement ont été pris en charge dans les structures sanitaires sénégalaises en 2007. Mais, ce chiffre est sous-estimé. Il constitue l’arbre qui cache la forêt, car les avortements non traités en milieu hospitalier sont de loin supérieurs à ceux qui sont pris en charge dans les structures de Santé. Etant exécutés dans la clandestinité, leurs auteurs se cachent pour ne pas être inquiétés. Et, selon les statistiques du Service national d’information sanitaire (Snis), « 4 % des décès maternels sont liés aux avortements ».

D’ailleurs, les femmes condamnées pour infanticide, invoquent souvent le viol ou l’inceste pour justifier leur acte. Et, avant d’en arriver à l’infanticide, elles recourent souvent à des tentatives d’avortement. Selon les explications du Dr El Hadj Ousseynou Faye, « au plan médical, il y a une frontière entre avortement et infanticide ».

Se référant à l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), il fait savoir qu’on parle d’avortement jusqu’à 20 semaines d’aménorrhée, alors que l’infanticide est évoqué après la naissance de l’enfant.

Pour éviter d’en arriver aux situations dramatiques que sont l’avortement et l’infanticide, le Dr Balla Moussa Diédhiou, directeur exécutif de l’Association sénégalaise pour le bien-être familial (Asbef) plaide pour « qu’on réfléchisse sur les cas particuliers pour lesquels on peut recourir à l’avortement ». Il fait surtout allusion aux cas de « viol de jeunes filles, d’inceste et de malformation ».

Dans ce cadre, s’interroge le Dr Bocar Daff, chef de la Division de la Santé de la reproduction (Dsr) du ministère de la Santé, « la femme qui tombe enceinte des suites d’un viol, d’un inceste, n’a-t-elle pas le droit d’avorter pour retrouver sa dignité ? » Cela d’autant qu’en cas de viol ou d’inceste, la femme n’est pas responsable. C’est pourquoi, « elle doit être sauvée pour qu’elle ne soit pas punie toute sa vie », estime-t-il.

Quid du doit ? Le Dr Balla Moussa Diédhiou, qui fustige la politique consistant à promouvoir les soins après avortement et à refuser l’avortement, avance que l’avortement doit être bien considéré comme un droit, « d’autant qu’il est stipulé que tout citoyen a droit à la santé », rappelle-t-il, insistant sur ces cas particuliers, notifiés auparavant, lesquels doivent pousser le législateur à prendre des mesures.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS DES FEMMES : Des organisations de la société s’engagent

Plusieurs organisations féminines, comme le Grefels (Groupe de recherche sur les femmes et les lois au Sénégal), ont essayé d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur le taux élevé de la mortalité maternelle causée par les avortements provoqués clandestins.

Car, « l’avortement constitue, au Sénégal, la cinquième cause de mortalité maternelle », renseigne Codou Bop, coordonnatrice du Grefels. Selon elle, « cette situation est un déni de la jouissance par les femmes de leurs droits sexuels et reproductifs ».

Pour cette raison, elle avance : « la revendication porte sur l’harmonisation du Droit sénégalais avec l’article 14 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Pcadhp) adopté à Maputo, le 11 juillet 2003 et ratifié par le Sénégal en décembre 2004, qui demande aux Etats d’autoriser l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé morale et physique de la mère, ou la vie de la mère ou du fœtus ».

Tout comme le Grefels, l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) mène un plaidoyer pour la révision de certaines dispositions du Code pénal, afin de permettre aux jeunes filles victimes de viol et d’inceste de pouvoir recourir à une Interruption volontaire de grossesse (Ivg). Cet appel a été lancé lors du forum sur la prise en charge sanitaire et judiciaire des victimes de violences basées sur le genre tenu le 12 juillet 2010 à Dakar.

La coordonnatrice du Grefels de révéler, également, « qu’en 2008, Ipas, une organisation internationale, dont le siège africain se trouve à Nairobi, s’est impliquée dans le plaidoyer en faveur de la reforme de la loi qui réprime l’avortement ». Le problème, selon Codou Bop, est que : « la volonté politique de l’Etat sénégalais de promouvoir les droits reproductifs des femmes en autorisant l’avortement médicalisé reste faible et qu’un grand nombre de professionnels de la Santé sont aussi contre l’avortement ».

Et d’ajouter : « la majorité des Sénégalais estime que l’avortement est, totalement, interdit par la religion musulmane. Or, si le terme infanticide se trouve dans le Coran, le terme avortement n’y figure pas ».

Au contraire, souligne la coordonnatrice du Grefels : « le Coran s’est davantage intéressé à la question des étapes de développement de la vie dans l’utérus qui évolue de la goutte de sperme à l’adhérence, puis à l’embryon. Chaque étape dure 40 jours. Au terme de ces transformations (120 jours), l’âme est insufflée. En se fondant sur le Coran, l’avortement pourrait être autorisé, jusqu’au 120e jour de grossesse, ce qui correspond à la vision médicale ».

INTÉGRATION DE L’AVORTEMENT DANS LA LOI SUR LA SR : Une démarche participative pour susciter une prise de conscience

Lors de l’élaboration de la loi sur la Sr, la position des populations n’a pas été prise en compte. C’est pourquoi, pour la révision de ce texte, l’avis des différentes couches de la société est sollicité. C’est l’objectif de l’évaluation menée par la Division de la Santé de la reproduction et qui sera restituée prochainement.

« D’une façon générale, le Sénégalais reste contre l’avortement ». Ces propos du Dr Bocar Daff, chef de la Division de la Santé de la reproduction (Dsr) témoignent de la difficulté à intégrer l’avortement dans la loi sur la Santé de la reproduction. Seulement, une approche participative est en train d’être initiée pour faire prendre conscience de la nécessité de réviser cette loi. Et, cette volonté de prendre en compte l’opinion des citoyens est en voie de matérialisation. « Nous avons travaillé sur l’amélioration de la santé des adolescentes, parce qu’elles sont plus concernées par l’avortement ; ce sont elles qui sont surtout victimes de viol, d’inceste », renseigne le Dr Daff qui informe que, dans le cadre de cette évaluation, différentes couches de la population ont été ciblées. « Nous avons rencontré les imams, prêtres, le ministère de la Justice, la Police, les enseignants, les médecins, les parlementaires... ».

De ces consultations découlent les tendances suivantes : « pour certains, la décision d’avortement est avant tout le problème des médecins. D’autres soutiennent que, même si la loi interdit l’avortement, en cas de viol, d’inceste, on devrait l’autoriser. Ils pensent que la loi sur la Santé de la reproduction devrait être révisée, car c’est indépendant de la volonté de la femme », explique le patron de la Dsr, qui avance aussi les arguments brandis par d’autres personnes ciblées par cette étude.

« Ils disent qu’on ne doit pas emprisonner une femme qui fait un avortement provoqué. Ce serait une double punition », relate le Dr Daff, soulignant que c’est à la population de trancher cette question.

« Nous sommes en train de faire une analyse beaucoup plus approfondie que nous soumettrons aux acteurs pour voir comment intégrer l’avortement dans la loi sur la Santé de reproduction en cas de viol et d’inceste », indique le Dr Bocar Daff, qui estime qu’on ne peut pas dire que les populations sont réticentes, parce que leur position n’a pas été prise en compte.

Seulement, « à partir de l’évaluation qui est en train d’être réalisée, les vraies questions seront posées, l’objectif étant d’arriver à une approche consensuelle, à ce que veulent les populations », déclare-t-il.

Selon lui, l’ultime étape consistera à soumettre toutes ces questions aux populations. « Avec le débat, les choses seront tranchées. Notre mission est d’attirer l’attention des uns et des autres sur ces questions fondamentales. On va se pencher sur les décisions à prendre. L’accent sera mis sur la responsabilité de chacun et les solutions que chaque entité va proposer », déclare le chef de la Dsr, qui fait savoir qu’ils vont s’appuyer sur les parlementaires pour qu’ils portent le plaidoyer afin qu’on révise la loi, d’une manière générale.

Cette opinion est partagée par le Dr Balla Moussa Diédhiou, directeur exécutif de l’Asbef, qui pense qu’il est nécessaire de réunir les parlementaires et tous les autres acteurs qui gravitent autour de cette loi.

Criminaliser le viol

Dans ce cadre, souligne Ngoné Ndoye, présidente de la commission Santé du Sénat : « la question de l’avortement est dans le paquet que nous avons commencé à élaborer pour la Santé de la reproduction. Nous avons émis l’idée de l’interruption volontaire de grossesse. Nous avons aussi intégré la répression violente contre les viols, parce que le viol n’est pas encore criminalisé, alors que, pour nous, c’est un acte criminel ». Poursuivant, elle avance : « ce sont des questions très sensibles, mais la commission Santé du Sénat veut en faire une proposition de loi qui émane du Parlement et que nous allons présenter auprès du gouvernement ».

Selon la sénatrice, ce travail sera fait en rapport avec les techniciens de la Santé et les représentants sociaux pour voir la meilleure formule pour l’introduire comme proposition de loi.

Le Dr Bocar Daff de préciser que l’intégration de l’avortement dans la loi sur la Santé de la reproduction n’est nullement une façon de dire aux femmes qu’elles ont la possibilité d’avorter, mais d’avoir une vie sexuelle saine. Selon lui, il faut faire en sorte que les conditions d’avortement à risque n’existent plus. « Les femmes doivent se protéger contre les maladies, on doit aussi les aider pour la Planification familiale. Si jamais elles ont un rapport sexuel à risque, elles doivent savoir qu’elles ont la possibilité de recourir à la contraception d’urgence. Tout cela pour les aider à éviter les grossesses non désirées », soutient le patron de la Dsr, rappelant qu’on doit agir en amont, en permettant aux femmes d’avoir une méthode contraceptive ou de recourir à la contraception d’urgence.



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