UCAD: Caserne militaire ou campus universitaire ?

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ressemble maintenant à une caserne. Gendarmes et GMI se disputent un espace habituellement réservé à l’élite estudiantine. Quatre jours après les violents affrontements qui ont opposé les forces de l’ordre et les étudiants, un calme apparent prévaut dans ce « temple du savoir ». Si le calme semble bel et bien régner dans le campus, la grogne est tout de même présente chez les étudiants.

Craignant pour leur sécurité, nombre d’étudiants avisés, ont préféré regagner le domicile familial, le temps que la situation revienne à la normale. En témoignent les pavillons quasi-désertiques et les deux restaurants fermés, le « Self » et « l’Argentin », où la découverte d’une nourriture avariée a été la goutte qui a fait déborder le vase. Au pavillon G, l’atmosphère et l’état des lieux renseignent sur l’ampleur de la violence. Des chambres fracassées et brûlées, donnent une idée précise du déchaînement de violence, avec comme « symbole », la chambre 71, complètement calcinée. Matelas couverts de cendres, brûlés par les bombes lacrymogènes et installations électriques complètement bousillées. Il faudrait être téméraire pour oser s’aventurer dans le pavillon qui a été la cible principale des affrontements de vendredi dernier. C’est au pavillon mixte Q que nous avons pu dénicher des étudiants prêts à nous faire partager leurs impressions et leurs appréhensions sur la situation. Le constat est unanime. Tous indexent les forces de l’ordre. L’indignation est le sentiment le mieux partagé. Selon Doudou Faye, « on ne peut concevoir le fait qu’elles soient là pour rétablir l’ordre. Elles se positionnent plus en forces du désordre ». Même son de cloche chez ces nombreux colocataires d’origines diverses. En effet, ce Congolais, étudiant en médecine vétérinaire, se dit « personnellement frustré par de tels événements. On s’était terré dans des chambres comme des animaux. On suivait la scène depuis nos fenêtres. C’était vraiment une atmosphère de guerre et la police a patrouillé toute la nuit », se souvient-il. Les répercussions se font aussi sentir dans le voisinage immédiat des étudiants qui estime que ces derniers sont « responsables » des actes de violence perpétrés à l’université. « Et le pire, c’est que dans nos propres quartiers, on nous traite d’impolis et de fauteurs de trouble », lance, laconique, Doudou Faye. Malgré les promesses de retrait progressif des forces de l’ordre, ces dernières sont encore bien présentes sur le campus. Des camions blindés et une trentaine de GMI patrouillant dans le campus et les facultés constituent dorénavant le décor pittoresque de l’Université Cheikh Anta Diop. Surpopulation dans les chambres Si la nourriture pourrie a été la cause des récentes violences, la vie sociale du campus n’en est pas moins « innocentée ». Le campus universitaire constitue un terreau fertile pour tout genre de mécontentements. En effet, il y a des réalités bien estudiantines : 12 personnes partageant une chambre de trois lits, une salubrité douteuse et une alimentation parfois malsaine… Le système clandestin dans les chambres est monnaie courante. À la chambre 27 du pavillon mixte Q, l’inter culturalité a bien sa place. Dans cette chambre de 12 personnes cohabitent deux Ivoiriens, un Congolais, un Burkinabé et huit Sénégalais. Quid de la cohabitation ? Le « président » des lieux, l’Ivoirien Kouakou Loukou Gérard, avance que la cohabitation se passe très bien. « On a tenu des réunions pour harmoniser la colocation. Le compromis et les concessions sont notre leitmotiv ». Un fort sentiment de solidarité marque leurs relations. Il leur serait inconcevable de jeter à la rue un des leurs venant par exemple de Kolda. « Nous sommes comme une grande famille, tout ce qui manque, ce sont les parents ! Nous avons même une journée d’intégration dans le couloir. »