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TISSERANDS, BIJOUTIERS, FORGERONS ET CORDONNIERS … Quand les nobles font le travail des castes

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TISSERANDS, BIJOUTIERS, FORGERONS ET CORDONNIERS … Quand les nobles font le travail des castes

A l’image de la noblesse, de la bourgeoisie et du prolétariat qui constituaient les classes sociales dans les sociétés occidentales, la société africaine en général et Sénégalaise en particulier, est constituée de deux classes. L’une est dite noble et est au dessus de l’autre dite castée. Si la première est constituée des descendants des lignés princiers, la deuxième classe elle, est formée des forgerons, des griots, des tisserands, des bijoutiers des cordonniers et de l’ensemble de tous ceux qui exerçaient un métier peu rentable et dont la majeure partie de la production était destinée au roi.

Ainsi, on pouvait distinguer la classe des nobles de celle des castes. L’appartenance ethnique de l’individu se définissait le plus souvent à travers les métiers exercés. Certains métiers, à l’image de celui du forgeron, du tisserand, du bijoutier et du cordonnier, étaient réservés aux castes, une classe dite moyenne. Cette classe devait soumission à l’autre classe, celle des nobles, considérée comme supérieure. A l’origine, ces métiers se transmettaient de père en fils, selon l’ethnie qui les pratiquait. Ainsi la forge était l’affaire des forgerons, les cordonniers effectuaient le tannage, les tisserands étaient chargés de tisser les étoffes et les bijoutiers travaillaient l’or et ses dérivés.

Aujourd’hui, tel un couperet, les temps ont changé et le coin du voile est levé. La transition s’est faite peut être même pour échapper aux rigueurs de le vie. Ces métiers ne sont plus une affaire de caste dictée par une tradition sans raison, mais une profession, voire un gagne pain pour les différentes couches de la société. Le mystère étant ainsi découvert ; nobles et castés s’adonnent à l’apprentissage et la pratique de ces métiers aujourd’hui plus est devenue rentable dans le monde du travail.

De nos jours est forgeron qui veut

« Le forgeron portait la poisse. Même le griot était plus considéré. On disait de nous, que nous sommes comme le fer noir que nous travaillons, sans grande intérêt », nous souffle un forgeron sous le couvert de l’anonymat. Aujourd’hui le forgeron partage son métier avec les nobles qui n’hésitent pas à solliciter ses services pour apprendre le métier.

Derrière le mur du lycée Saidou Nourou Tall, Ibrahima Thiam, la quarantaine dépassée tient sa forge. A cette heure de la journée où le soleil est au zénith, le forgeron Thiam bat le fer qui brindille car rougi par le feu ardent qu’est en train d’attiser son homonyme. « Ibrahima Sarr est l’enfant de notre chef de village. Il me l’a confié pour que je lui apprenne le métier de la forge », nous dit Thiam.

Pour celui qui est chargé de former le jeune Ibrahima, « il n’y a pas de mal à apprendre un métier, l’essentiel est de connaître ses origines et respecter son prochain ». Pour le jeune apprenti, noble qui apprend un métier jadis interdit à sa lignée « ce qui importe c’est de gagner sa vie et de façon honnête ». Il pense qu’il n’y a pas de sot métier même si ses voisins n’hésitent pas à lui lancer des piques du genre petit « forgeron en devenir » ou « sale noble caste ». « Cela me laisse indifférent parce que si le métier était mauvais, mon père ne me l’aurait pas recommandé d’autant plus que j’y gagne ma vie et qu’auparavant, j’ai peiné à trouver du travail dans cette ville avant d’embrasser le métier de forgeron », renchérit-il. Du coté de Sandaga, c’est tout à fait le contraire que l’on note dans l’atelier de « Ndiaye ancien ». Ce dernier est un noble de pure souche qui tient sa propre forge depuis 10 ans. Dans son atelier où le fer est battu à chaud tous ses jeunes frères gagnent leur pain. « J’ai appris le métier parce que rien ne le différencie des autres métiers, je ne crois pas aux problèmes de caste », affirme t-il. Toutefois sa thèse n’est pas partagée. Selon Amina Faye, « même le fait d’être tressé par les femmes de cette caste fait chuter les cheveux et partager les mêmes habits aussi porte la poisse ». Pourtant les conditions s’améliorent parce que les forgerons sont de moins en moins sous estimés par la société.

Bijoutiers ou pas, l’or est maintenant l’affaire de tous

Au marché Tilenne Alpha Thiam vend des bijoux en or. « Je suis membre d’une famille de bijoutier qui travail l’or et ses dérivés et je suis chargé de la vente du produit fini »dit –il. Cependant il affirme que le marché national de l’or est devenu saturé parce que l’autre classe dite noble a découvert le mystére de cette marchandise qui rapporte plus que toute autre au monde. « Ces princes sont nos principaux concurrents aujourd’hui. Je crois que les temps ont véritablement changé et qu’ils comprennent maintenant que leurs anciennes croyances étaient infondées et sans justification aucune », explique Alpha.

A coté de sa cantine il nous désigne un de ses voisins « voici le profil type de la personne dont je fais allusion, c’est un descendant direct de la lignée princière du Cayor ». Sourire aux lèvres Alioune Diop lance, « les princes étaient tout simplement mal éveillés pour laisser le travail de l’or, la plus grande richesse du monde à une classe dite castée .Une chose qui n’émane ni du Coran ni du bon sens ». Pour ce descendant direct de Lat Dior, « si l’Afrique est encore dans la pauvreté, c’est à cause de ces futilités qu’elle a imposé à sa société. Moi je ne crois pas en ces choses non fondées. J’ai appris le métier, je le transmets à qui le veux et je sais que beaucoup de ceux qui l’ont hérité, ne le font pas mieux que moi. »

Aujourd’hui, les nobles sont aussi des tisserands

Le métier de tisserand était l’affaire des manjacks et ou des griots de l’ethnie Sérères. Ces derniers étaient chargés de tisser les pagnes des rois et de leurs familles. Ils étaient recrutés comme tisserand du roi et de la reine et ne tissaient que pour des occasions spéciales. Ces temps sont révolus.

Aujourd’hui, les nobles apprennent le métier non pas pour une utilisation quelconque, mais dans le but de vendre pour assouvir leurs besoins sociaux. René Gomis, un tisserand manjack confirme : « j’ai appris le métier de tisserand à plusieurs personnes qui ne sont ni de mon ethnie ni griot sérères. » Pour lui, « il n’y a pas de métier qui ne soit un héritage. Le monde évolue, les mentalités avec. Tout un chacun cherche à gagner sa vie convenablement ». Selon Mara Sané, « le métier de tisserand est aujourd’hui pratiqué par plus de nobles que de griots ou manjack. C’est pourquoi, seuls ceux qui veulent identifier la personne par son métier risquent de se tromper. Même si cela était possible dans les temps, il ne l’est plus aujourd’hui : il n’y a plus de travail donné pour une personne donnée ».

« Cordonnier ou pas, je travaille le cuir mieux que quiconque »

La cordonnerie n’est pas non plus épargnée par le phénomène de la transhumance. En effet, à l’origine, ce métier était l’affaire d’une communauté qui transformait les peaux des gibiers en nattes, en récipients pour la conservation des denrées et parfois en chaussures et même en habits. Aujourd’hui, des nobles en ont fait leur profession. Maha Ndiaye est un jeune walo-walo qui confectionne chaussures, ceintures, sacs, et autres accessoires semblables. Il a appris le métier de cordonnier après avoir chercher en vain un travail à Dakar. Actuellement, il nourrit sa famille avec le fruit de son travail. Portant à ses débuts son père s’était opposé à ce genre de métier qui selon lui, « ne lui était pas destinée vu son appartenance ». Finalement son pater s’est résigné, et lui envoi cousins et neveux pour qu’il assure leur formation.

La famille, bien que noble, compte beaucoup de cordonniers. « Nous le sommes de métiers et non de naissance » continue t-il. Moustapha Sylla lui, a commencé par le design « je m’inspirais des chaussures des Chinois pour dessiner pour les cordonniers qui me payaient de façon dérisoire et gagnaient pourtant beaucoup », informe t-il. C’est ainsi que le monsieur a côtoyé ces derniers pour devenir ensuite un fabricant.

Aujourd’hui, il est un cordonnier et pourtant sa noblesse est sans contestation. Pour ceux qui ont hérité ce métier c’est un phénomène face auquel, ils ont trop souffert parce qu’ils étaient sous estimé et vivaient pourtant de la sueur de leur front. Face à tous ces faits, se poser la question de savoir si une société sans classe est possible dans le long terme ? En tout cas, du coté des métiers, le complexe est en train de disparaître petit à petit.

Aujourd’hui, sous le couvert de l’art, plusieurs jeunes de la classe des nobles l’ont infiltré, le monde des griots à travers la musique et ses métiers. Pourtant à l’origine, le métier était réservé aux griots qui aussi ne faisaient que chanter les louanges des rois et étaient leurs propres griots, sources de motivations, pendant les guerres inter royaumes et autres batailles pour la liberté. Nombreux sont les musiciens qui ont soutenu que leurs parents se sont opposés pour un premier temps à ce qu’ils fassent la musique avant de finir par leur donner le feu vert sans doute pour la plupart, malgré soit.

Toutefois, le mariage entre castés et, nobles n’est pas toujours accepté. Il cause d’énormes difficultés et parfois même brise des familles. Mais si les nobles acceptent aujourd’hui de pratiquer les métiers qui étaient destinés aux castés et leur mènent une dure concurrence dans le monde du travail, pourquoi de la même façon, n’acceptent ils pas de s’unir dans les liens sacrés du mariage puisque nous dit-on, aucune des religions pratiquées au Sénégal ne le bannisse.



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