A croire que l'on marche sur la tête. Devant des autorités si promptes à occuper le devant de la scène en période de drame, lorsque leurs propres familles sont concernées au premier chef. Ou lorsque la vie de touristes ou d’étrangers est en jeu. Indignation sélective ?
L'on a encore en mémoire, en avril 2017, le drame de Bettenty, du nom de ce village insulaire de la commune de Toubacouta dans le département de Foundiougne. Consternation au niveau national, mais pas au point de mobiliser toute la République et faire déplacer un chef de l'Etat en pleine nuit. Avec un bilan macabre de 17 femmes mortes noyées suite au chavirement de la pirogue qui les transportait au retour de la cueillette d'huîtres pour nourrir leurs progénitures. Seul le ministre Oumar Guèye avait fait le déplacement le lendemain.
Par contre, dans la nuit du 16 au 17 septembre, suite au naufrage qui a fait, au large des îles de la Madeleine, 4 morts et 38 rescapés (des Sénégalais dont des enfants de certaines autorités et des Européens) selon la version officielle, la république s'est mise, sens dessus, sens dessous. Le président Macky Sall himself, le ministre de l'Intérieur, le Directeur général de la police nationale et d'autres autorités ont dû tout interrompre pour se rendre d'urgence à la corniche ouest pour s’enquérir de la situation. Une situation qui rappelle un autre naufrage sur ce même îlot Sarpan (île des Madeleines), sous un autre régime, en 2011, lorsque dans la nuit du 27 au 28 août, une pirogue transportant onze (11) touristes américains (trois hommes, six femmes et deux enfants) se rendant à l'île des Madeleines, heurtait un rocher. L'Etat s'était alors surpassé en déployant les gros moyens pour les sauver : deux colonels de la Direction des parcs nationaux (DPN), des sapeurs-pompiers et sous-chefs d’état-major de l'armée avaient été dépêchés. Suivis du ministre de l'Intérieur d'alors Bécaye Diop, du ministre de l’Environnement, feu Djibo Leyti Ka, qui avaient rallié les lieux à bord d'un hélicoptère M17 de l'armée de l'air à 6 h du matin. Les rescapés acheminés par hélicoptère. Tout ceci, pour démontrer à l'opinion internationale, que le Sénégal ne joue pas avec la vie des étrangers coincés sur un site touristique protégé.
Pourtant, en octobre 2010, des agents forestiers sénégalais censés protéger ce même site, n’ont pas hésité à tirer et à blesser mortellement, un pêcheur sénégalais, un certain Moussa Sarr. Il a reçu les balles en pleine poitrine et est mort sur le coup. Son seul crime a été de chercher à gagner sa vie, en pêchant dans une zone interdite. Ses collègues, amis et proches qui protestaient contre sa mort en bloquant la Corniche ouest, avaient fait l'objet d'une répression policière, dispersés avec des balles en blanc et des tirs de grenades lacrymogènes.
Dans la banlieue de Dakar, les victimes des inondations suites aux pluies diluviennes de cet hivernage, avec leur lot de sinistres, n'ont pas reçu autant d'attention et de réconfort moral. Tout au plus le Directeur de l'Onas, en belle costume et cravate, fait le tour des médias pour se dédouaner et culpabiliser les citoyens au lieu d'être sur le terrain avec ses équipes pour décanter la situation. Sélective indignation.
En avril 2017, le naufrage de Bettenty, malgré le nombre de familles éplorées et endeuillées, malgré le nombre d’époux, de pères et d'enfants qui ont perdu épouses, filles et mères, tout ce beau monde n'a pas eu le privilège de bénéficier des services d'un psychologue. Idem à Joal Fadjouth où les pêcheurs et familles des 4 pêcheurs portés disparus lundi dernier, n'ont pas eu ce privilège. Les recherches se poursuivent, rassure-t-on. Et leur cas est loin de devenir une affaire d'Etat, puisque les pêcheurs qui meurent en haute mer, c'est devenu monnaie courante au Sénégal. L'émoi est grand avec des âmes perdues, la tristesse est à son comble mais chaque vie est égale à une autre. Nos autorités actuelles et futures ont l’obligation de faire preuve d’empathie envers les « hôtes étrangers vivant parmi nous ». De surcroît envers les citoyens du pays qui les accueille, les « autochtones » pour emprunter un langage d'autrefois.
6 Commentaires
M Bidou
En Septembre, 2019 (20:13 PM)Pa
En Septembre, 2019 (21:30 PM)Participer à la Discussion