Comment avez-vous authentifié le texte ?
La note émane d'un "prisonnier indigène récemment libéré", "professeur agrégé dans un lycée de Paris". Senghor était le premier et à l'époque le seul Sénégalais avec une agrégation. Il enseignait dans la banlieue de Paris, au lycée Marcelin-Berthelot, à Saint-Maur-des-Fossés, et il habitait Paris. Il était aussi connu que Senghor avait été dans les deux camps cités et qu'il avait été réformé à Saint-Médard, en février 1942, en simulant une maladie tropicale. D'ailleurs, j'ai trouvé son nom sur les listes de prisonniers dressées par les Allemands pour ces camps.
Le docteur Bonnaud, chef du bureau des inspections des camps, a remis ce texte au cabinet d'études de la Mission Scapini (le service diplomatique des prisonniers de guerre) le 27 juin 1942, et en a fait faire une copie qu'il a envoyée au ministère de la guerre, qui est, elle, conservée aux archives de l'armée de terre à Vincennes.
En quoi cette période de sa vie a-t-elle marqué la carrière littéraire de Senghor ?
Les biographes sont unanimes sur l'importance de la captivité dans la pensée et l'oeuvre poétique de Senghor. La lecture, dans les camps, d'écrivains allemands universalistes comme Goethe, et le contraste avec l'exclusivité meurtrière du nazisme l'ont mené à définir le concept de négritude plus largement et ont nourri sa conception d'une civilisation de l'universel. En outre, sa rencontre avec des soldats de toutes les régions de l'Afrique occidentale française (AOF) dans les camps a inspiré le cycle de poèmes Hosties noires, publié en 1948, dont plusieurs ont été écrits dans les camps. Je pense que le rapport de captivité aide aussi à expliquer l'intense attachement de Senghor à la France et à sa civilisation.
Senghor se montre sévère envers les prisonniers maghrébins. Pourquoi ?
Il faut comprendre les remarques de Senghor sur les prisonniers nord-africains dans le contexte précis de 1940-1942 où il semblait possible, peut-être même probable, que l'Allemagne allait gagner la guerre. La propagande allemande pro-islamique était intense envers les Nord-Africains. Il y avait des camps de propagande pour eux en Allemagne, le plus important au Stalag III A à Luckenwalde, près de Berlin, et les services allemands s'efforçaient de préparer les prisonniers nord-africains à accepter une présence militaire et politique allemande en Afrique du Nord. Se sentant très français, même patriote, Senghor était outré par la collaboration manifeste de quelques Nord-Africains.
Beaucoup d'autres prisonniers français métropolitains et coloniaux ont constaté, comme le fait Senghor, que la propagande allemande avait un certain succès parmi une minorité de prisonniers nord-africains. Les prisonniers algériens et tunisiens étaient les plus sensibles à la propagande, tandis que les Marocains étaient plus réfractaires. Sans doute cela s'explique-t-il par le fait que les Marocains étaient des volontaires, tandis que les unités d'Algériens et de Tunisiens étaient constituées pour beaucoup de soldats appelés.
C'est là une histoire complexe parce qu'il semble qu'un certain nombre de prisonniers nord-africains ont fait semblant d'accepter la propagande allemande pour être libérés. Il faut aussi considérer que ces prisonniers, venant de zones sous domination française, étaient souvent nationalistes et indépendantistes plutôt que proallemands. Les services français ont d'ailleurs établi des centres d'interrogation et de contre-propagande pour les prisonniers nord-africains libérés ou évadés.
9 Commentaires
&abba
En Juin, 2011 (21:21 PM)Biry Biry
En Juin, 2011 (21:23 PM)Legondwanais
En Juin, 2011 (21:24 PM)Undefined
En Juin, 2011 (21:39 PM)Noums
En Juin, 2011 (21:42 PM)Dof
En Juin, 2011 (21:51 PM)Mooo 100% Mooo
En Juin, 2011 (21:54 PM).......
En Juin, 2011 (21:58 PM)Mame Mor
En Juin, 2011 (23:20 PM)Participer à la Discussion