ÉMIGRATION CLANDESTINE - Les gendarmes nient avoir reçu des pots-de-vin

Les gendarmes de la section de l'environnement située à l'Arsenal de la Marine sont catégoriques. Ils jugent infondées, les allégations de certains pêcheurs, les accusant d'empocher des pots-de-vin pour laisser partir les pirogues d'émigrés clandestins.

Au soir du samedi 12 août 2006, vers minuit, une pirogue d'émigrés clandestins serait partie de la baie de Hann. L'information nous est confirmée par des témoins oculaires qui ont assisté à l'embarquement de ces voyageurs. "Ces gens sont partis devant nous, sous le regard de proches parents qui priaient pour leur survie au trajet", a déclaré un témoin. Avant de poursuivre, "ces gens n'avaient pas peur d'être pris car ils auraient versé 1 million Fcfa aux hommes en bleu qui patrouillent pour qu'ils les laissent sortir". Un autre témoin révèle la même chose. "C'est vrai, dit-il, mon frère est parti, il y a quelque temps avec la même caution. Le passeur a payé et ils ont été libres d’embarquer. Aujourd'hui, il est à Barcelone et appelle assez souvent pour donner de ses nouvelles", souligne-t-il. Ces allégations sont rejetées en bloc par le chef de section de la Brigade de Gendarmerie de l'Environnement. "Ces accusations ne nous concernent pas, et sont d'ailleurs infondées. Les Sénégalais le savent", déclare le commandant de section, qui a par ailleurs confirmé qu'ils ont pris à ce jour cinq pirogues en flagrant délit. Elles sont ensuite confisquées par l'État avec tout leur matériel, et leurs passagers sont déférés au parquet, comme le recommandent les articles 4 et 7 de la loi sur l'émigration clandestine. En outre, une pirogue a été prise le 14 août dernier au soir, avec à bord des clandestins qui ont été déférés avec le passeur au parquet, dans la matinée du jeudi 17 août dernier. Il faut noter au passage que la loi prévoit une peine d’emprisonnement de 2 à 5 ans pour les passeurs et les clandestins qui sont pris en flagrant délit.

Nous voilà sur la plage de Hann le lendemain, dimanche 13 août au soir, aux environs de 21 h. Des habitants hument la fraîcheur de l'air maritime en cette période de canicule aux portes de leurs maisons. Les mouvements des vagues viennent caresser la berge à quelques pas de leurs portes. Des jeunes sont en discussion face à l'océan et aux quelques pirogues mouillées à une dizaine de mètres de là. La première impression qui frappe le visiteur est la rareté des embarcations qui jadis étaient très nombreuses sur la jetée. Interrogés sur ce cas un peu très spécial, Alou Alassane et ses camarades, expliquent "qu'il y a plusieurs pirogues saisies dans la baie de Hann et qui sont emportées au port". Et de poursuivre, "la marine a trouvé ces pirogues dans la baie et les a remorquées, sans aucune preuve, c'est une grave erreur", a t-il souligné. "Vous voyez, nous sommes au chômage, nous sommes ici à longueur de journée car il n'y a plus de pirogues pour aller à la pêche. Beaucoup de propriétaires ont vendu leur pirogue pour assurer le trajet vers l'Espagne, d'autres ont remonté les leurs à la berge du fait de la mauvaise période", déclare un jeune adolescent âgé à peu près d'une vingtaine d'années. Selon Alou et ses camarades, ils sont obligés de rentrer dans leurs maisons malgré eux car les policiers patrouillent chaque soir à la plage et emportent tous ceux qu'ils trouvent là. "Nous ne pouvons plus savourer aisément la fraîcheur de la brise en cette période chaude d'hivernage", regrette le camarade de Alou Alassane qui révèle avoir été rapatrié. Ces jeunes habitants de Hann ont aussi déclaré que les pêcheurs n'osent même plus embarquer la nuit du fait des patrouilles effectuées sur place par les limiers. " Cette situation porte un mauvais coup à l'économie maritime", reproche le jeune Alou sur le point de regagner son domicile.