Maouloud:Thiénaba une contrée foncièrement islamique dans un État laïc

130e ÉDITION MAOULOUD A’NABI AU SANCTUAIRE RELIGIEUX DE THIÉNABA :

 Prières et louanges dédiées au Sceau des prophètes rythment déjà Keur Amary Ndack Seck

THIENABA - Occasion pour le Khalife Cheikh Ahmed Tidiane Seck, qui ne cesse de prier pour un Sénégal prospère et stable, d’inviter, une fois encore, les nombreux fidèles à cultiver l’amour du prochain, à observer de manière scrupuleuse les recommandations divines et la Sunna du Prophète (Psl). Jamais, le Cheikh n’a cessé d’exhorter les membres de la famille de Thiénaba à consolider davantage l’unité, la paix et la solidarité, comme l’a toujours voulu le fondateur du sanctuaire de l’Islam. Pour l’édition de cette année, le 130e, force est de dire que bon nombre des engagements qui avaient été pris par les différents services de l’Etat, impliqués dans l’organisation du Gamou de Thiénaba, ont été respectés.

 Ces derniers s’étant acquittés de leur mission tout en respectant les délais d’exécution des tâches. Sur la question de la couverture sanitaire, la promesse de renforcer la dotation en médicaments a été tenue. Le même effort a été consenti par le Service d’hygiène. Tout comme l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) qui a apporté sa contribution. Outre l’approvisionnement en eau qui ne souffrira d’aucun problème, la cité religieuse de Thiénaba sera hors délestage durant la période du Gamou. Sur le plan sécuritaire, la gendarmerie promet de renforcer son dispositif, surtout au niveau du domicile du Khalife, en fournissant les barrières de sécurité nécessaires. Aussi, la famille de Amary Ndack Seck ne rate aucune occasion pour plaider en faveur de la réalisation d’infrastructures à Thiénaba qui, comme toutes les villes religieuses du Sénégal, reste un haut lieu de la confrérie tidiane. «D’autant que cette localité se doit de se moderniser pour répondre à sa vocation de cité religieuse qui accueille de nombreux fidèles», nous confie El Hadji Diop, le coordonnateur du Gamou de Thiénaba

Une demande que l’Etat a qualifiée de légitime. Thiénaba une contrée foncièrement islamique dans un État laïcTHIENABA -

 Fondée en 1882 par Ahmadou Amary Ndack Seck (1830-1899), l'un des chefs religieux compagnons de Cheikhou Ahmadou Ba, fils de Limamoul Mahdiyou Ba de la localité de Wouro Mahdiyou, qui menèrent le mémorable djihad de 1875, Thiénaba, chef-lieu de la communauté rurale du même nom, l'une des trois sous-préfectures du département de Thiès, est située entre les communes de Thiès et Khombole. Ce site dont le choix aurait été révélé au saint homme par un signe lumineux et qui fait, ainsi, partie des premiers foyers religieux du Sénégal, se veut gardien du temple de la charia (la loi islamique) dans un État laïc comme le Sénégal où 95% de la population sont des musulmans. 

Dans cette cité islamique, les autorités religieuses qui, tout en reconnaissant l'autorité administrative, sont les descendants du fondateur de la localité, ont pris le soin de créer une sorte de ligne de démarcation qui divise la localité en deux parties : «Thiénaba gare» et «Thiénaba Seck». Cette dernière partie où vivent les autorités religieuses, distante de Thiénaba gare d'environ un kilomètre, abritent également l'autorité administrative et toutes les infrastructures liées à l'administration, créées par le colon. Ainsi, les autorités religieuses, pour perpétuer cette volonté de leur guide religieux, ont instauré la charia pour juger ceux qui osent franchir les interdits de l'Islam. Toutes les dispositions sont prises à cet effet. En effet, aux côtés du Khalife, il y a l'imam de la Grande mosquée qui se charge de veiller à l'application de la loi islamique. De ce fait, il a la garde du fouet, un des instruments pour la correction de ceux qui bravent les interdits. 

Chaque année, à l'occasion du Gamou, l'événement commémorant la naissance du Prophète Mohamed (Psl), les populations de cette localité comme les fidèles qui ont fait allégeance à Thiénaba prennent l'engagement, devant la mosquée et le Khalife général qui incarne l'autorité religieuse, de respecter et faire respecter les principes et les valeurs de l'Islam. C'est ce qui fait qu'à Thiénaba Seck, la consommation de boissons alcoolisées, la cigarette, la fornication sont interdites, selon les informations recueillies sur place. En ce qui concerne la dernière interdiction, la surveillance est plus accrue. Une femme qui tombe enceinte sans être dans les liens du mariage est renvoyée de la communauté rurale jusqu'à son accouchement. Et si elle désire revenir dans la localité, cette dernière doit au préalable subir la flagellation, comme prévue par la charia, en prenant 100 coups de fouet sur la place du village au vu et au su de tout le monde, avant d'intégrer à nouveau Thiénaba Seck.

 L'imam ou celui que ce dernier aura choisi se chargera de donner les 100 coups aux pécheurs. Selon M. Ndiouga Mbengue, membre de la commission communication du comité d'organisation du Gamou, l'imam, avant de passer à l'acte, sans que le bras ne décolle de son corps, prend un premier coup comme pour dire que quiconque transgresse la loi établie par Dieu dans le domaine de la fornication va subir le même sort avant d'exécuter la sentence. Après celle-ci, toujours selon M. Mbengue, la victime fait deux raakas et renouvelle son engagement à respecter la charia pour ensuite réintégrer les siens. 

Concernant l'adultère, les concernés sont définitivement renvoyés de Thiénaba Seck puisque la peine de mort qui doit être appliquée dans ce cas n'est pas autorisée au Sénégal. Rappelons que Serigne Ahmadou Ndack Seck a combattu la présence française avec les armes aux côtés de Cheikhou Ahmadou entre 1871 et 1875, année de la grande bataille de Samba Sadio, avant de fonder Thiénaba. La localité qui s'étend sur une superficie de 158 kilomètres carrés est composée de 38 villages pour une population estimée à environ 20 000 âmes. Il est à signaler qu'elle partage, avec quatre autres communautés rurales, l'arrondissement de Thiénaba. 

Le Gamou, une tribune de réflexion sur les questions touchant à l’islamTHIENABA

 - Le Gamou de Thiénaba a pris depuis sa 126e édition la forme d’une université d’été devant permettre aux musulmans de développer une réflexion sur les questions majeures qui touchent à leur religion. Selon Souleymane Dia, secrétaire particulier du khalife général de Thiénaba, «au-delà des manifestations traditionnelles du Maouloud qui commémorent la naissance du Prophète Mouhammad (Psl), le Gamou sera l’occasion d’aborder certaines questions pour permettre aux musulmans de saisir, entre autres, l’enjeu et les contours d’une vaste conspiration contre l’islam». 

Ce, «à un moment où pour faire triompher définitivement ses idées, le capitalisme s’efforce de sortir victorieux en marchant sur le cadavre de l’islam». C’est sur la base de cette vision que fut identifié un objectif et une stratégie définie. Quand on sait que «l’objectif est d’affaiblir l’islam afin de le rendre incapable de se poser en force alternative après la chute du communisme, face au projet néolibéral de pensée unique». Le système néolibéral, pour Souleymane Dia, s’appuie sur une stratégie comportant deux volets liés : «Le premier se fondant sur un discours d’archaïsation consistant à présenter l’islam sous les traits d’une religion du passé incompatible à l’Etat de droit, le second destiné à dire que l’islam est une religion incompatible à l’économie de marche». 

Pourtant, rappelle M. Dia, «l’islam a fait la preuve de sa souplesse à travers l’Histoire, pour avoir été compatible avec les principaux types d’Etat, de la monarchie à l’Etat-nation, en passant par la République, la cité, l’empire et la tribu». Là aussi, poursuit l’islamologue, il est possible d’opposer que l’islam s’est illustré par sa capacité d’adaptation, «car il s’est montré ouvert à toutes les formes d’organisation économique et social (nomadisme tribal, féodalisme agraire, mercantilisme, capitalisme industriel etc.)».