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[ REPORTAGE ] Le chiisme au Sénégal : A la découverte d’une autre communauté musulmane

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[ REPORTAGE ] Le chiisme au Sénégal : A la découverte d’une autre communauté musulmane

Les chiites sont des légitimistes. Ils croient à l’infaillibilité du prophète et des 12 imams. Ils sont pour l’Islam originel. Cette communauté qui a longtemps été persécutée existe pourtant au Sénégal. Ses membres sont regroupés au sein d’une communauté bien organisée : la communauté chiite Mozdahir.

« Au Sénégal, en plus de la communauté chiite libanaise, il y a la communauté Mozdahir qui est composée de disciples sénégalais et africains de manière générale », explique d’emblée Alioune Badiane, un de ses membres. La communauté chiite Mozdahïr est sous la direction de Chérif Mouhamed Ali Aïdara, « un chiite africain ». La communauté chiite libanaise a à sa tête un cheikh, mais il existe aussi quelques individus chiites épars qui vivent leur foi, ne se mélangeant dans aucun des deux groupes. Toutefois, il est difficile de dire avec exactitude le nombre des fidèles que compte la communauté chiite au Sénégal. Selon Alioune Badiane, la communauté Mozdahir est « éparpillée sur l’ensemble du territoire national, avec des points focaux comme Dakar, Dahra Djoloff, Kolda, Zinguinchor, le Saloum ou encore Vélingara. » C’est dans ce département d’ailleurs que se trouve le projet pilote de l’Ong Institut Mozdahir international (Imi), « un outil de travail de la communauté mozdahir ». Cette structure humanitaire a pour devise « Education, santé et développement pour tous ». C’est à l’en croire un projet de développement intégré dans lequel il y a beaucoup d’activités et de personnes qui y travaillent.

Il y a sur l’ensemble du territoire national un certain nombre de villages où on trouve des communautés Mozdahir. IMI renforce ces dernières en formant les guides locaux. L’Ong forme aussi d’autres personnes qui, une fois de retour chez elles encadrent les communautés chiites de leurs localités. C’est le cas, par exemple, de villages comme Teyel, Foulamori ou encore Nadjaf Al Achraf fondé par le guide Chérif Mouhamed Ali AIDARA dans la vallée du fleuve Gambie. Dans chacun de ces villages, Mozdahir a une école et une mosquée. A Dara Djolof, se trouve le centre Fatimata Zahra qui polarise beaucoup d’écoles des villages environnants. Dans le village de Nadjaf Al Achraf vit en harmonie une importante communauté chiite. C’est ce village qui abrite le projet de développement intégré de l’Ong IMI. Ce projet ambitionne de devenir un grand centre polyvalent. Pour les chiites, l’adoration de Dieu doit aller de pair avec le travail, le développement. Cette philosophie était véhiculée par l’imam Ali pour qui « l’homme (qui) est né libre, doit vivre libre et mourir libre ». Ce qui n’est possible qu’avec « une indépendance et une autonomie totale ». C’est ce qui explique l’installation des projets de développement, à côté des écoles et des dispensaires, d’où l’importance du volet développement chez la communauté chiite Mozdahir. Le projet de Nadjaf Al Achraf a une importante bananeraie. On y cultive également des cultures vivrières. Les coopérateurs, à qui l’ONG fournit le matériel et les intrants , prennent 40% des revenues, les 60% servent à la pérennisation du projet et à de nouveaux investissements. On y développe l’agriculture bio et des constructions, en voûte nubienne faites avec du matériau local très adapté à l’environnement avec la coopération de techniciens et d’ouvriers burkinabés.

En fonction de leurs compétences, les membres de la communauté chiite Mozdahir ont chacun une responsabilité et un rôle à jouer dans la structure, confie le sieur Badiane. Ils partagent tous la même vision et reconnaissent comme seul chef Chérif Mouhamed Ali Aïdara. La communauté a officiellement commencé ses activités en 2000. Elle a, à son actif, plusieurs réalisations comme le siège qui se trouve à Yoff. Celui-ci abritait en même temps un centre de formation supérieure en langue arabe et sciences islamiques qui est maintenant transférée à Daroukhane Guédiawaye pour devenir l’école Al Hassanayni. Dans cette localité comme dans toutes les autres, les pensionnaires des écoles Al Hassanayni reçoivent une éducation générale mais aussi professionnelle et islamique. C’est un programme franco-arabe qui est conforme à celui officiel sénégalais.

Si les volets éducation et développement pour tous ont connu des progrès, celui de la santé est toujours à l’état de projet, « en attendant la finalisation des procédures administratives », soutient Alioune Badiane. Le plus importants des projets de santé est la construction d’un hôpital de référence à Dakar. En attendant, Mozdahir continue d’organiser des journées de consultations médicales gratuites. L’ONG a publié beaucoup ouvrages, traduits dans plusieurs langues. Elle a une publication trimestrielle qui s’appelle Mozdahir. Ce magazine rend compte de la vie de la communauté chiite mozdahir africaine et sur l’islam de manière générale.

Comment les sénégalais ont découvert le chiisme

Mozdahir organise aussi des conférences, des colloques, ainsi que d’autres céromonies islamiques dont la plus grande est la célébration de l’Achoura (Tamkharit) qui pour elle n’est pas une fête mais un deuil.La communauté Mozdahir est, selon Ibrahima Amadou Sakho, très dynamique et travaille en étroite collaboration avec tous les services de l’Etat et entretient des relations fraternelles avec toutes les autres communautés et religions.

Selon Alioune Badiane, professeur d’histoire et membre de Mozdahir, le chiisme est implanté en Afrique depuis très longtemps, et son histoire n’est pas différente de celle du chiisme en général. Les chiites, selon lui, sont des légitimistes, des partisans de la famille du prophète. Depuis le décès du prophète Mouhamed (Saws), ils ont été persécutés au point de vivre leur foi en cachette. Dans son testament, le prophète avait laissé comme héritage le saint coran et sa famille qui sont « inséparables ». A la suite de son décès, les gens n’avaient pas respecté ses recommandations. Ils ont écarté ses héritiers de sa succession. Les descendants du prophète, qui sont des chérifs, ont été obligés de quitter la péninsule arabique pour aller se réfugier un peu partout dans le monde. Cette persécution perdure un peu partout sauf dans certains états comme l’Iran, en Irak et au Liban. Selon Ibrahima Sakho, ils sont nombreux au Koweït, à Bahreïn, en Arabie saoudite... L’Afrique et le Sénégal ne font pas exception à la règle. La dynastie des idrissides a formé au Maroc le premier état chiite du continent. Dans les pratiques, cet état chiite a influencé plusieurs parties du continent. Jusqu’à présent, soutient-il, certains africains pratiquent le chiisme sans le savoir.

Le chiisme a connu un regain d’intérêt avec la révolution iranienne et l’Imam Khomeyni en 1979. Par le truchement de cette révolution mais aussi la guerre Iran Irak, certains gens dont des étudiants de l’université de Dakar à l’époque ont découvert le chiisme, cette « autre école ». Parmi eux, il y avait Alioune Badiane, Mourtada Gaye et Malick Mbow. Il y avait un bouillonnement à l’université, soutient Badiane selon qui pour la première fois on a vu quelqu’un qui défiait ouvertement l’Occident : en pleine guerre froide entre le communisme et le capitalisme,L’imam Khomeyni offrait une troisième voie, celle de l’Islam. Il y a eu, en revanche, d’autres comme le colonel Diouf, Ibrahima Sakho, Taha Sougou (...) qui, par un concours de circonstance, sont devenus chiites. C’est par des recherches personnelles que ces deux catégories de gens ont fait de plus amples connaissances avec le chiisme. A l’université, les étudiants chiites ont été exclus de la direction de la mosquée du campus dont l’imam était un des leurs en septembre 1989. En fin de compte, cette communauté chiite universitaire s’est dispersée. Obligation professionnelle oblige, chacun est allé vivre son chiisme chez soi, mais pas en toute liberté, soutient Mr Badiane.

Les particularités du chiisme

Le déclic est venu avec l’arrivée du chérif Mouhamed Ali Aïdara qui s’est « révélé comme un véritable guide de la communauté chiite sénégalaise et africaine ». Le chérif qui est un homme de lettres a cherché et rencontré la petite communauté chiite qui s’est formé quelques années auparavant à l’université. Avec certains membres, il a formé la communauté chiite Mozdahir qui petit à petit, s’est agrandie, s’organise et se structure, raconte Taha Sougou selon qui Mozdahir qui signifie « quelque chose qui va s’agrandir, qui s’épanouit, qui va de l’avant dans le sens positif » s’appelait d’abord « Espace pour tous ». D’autres continuent à dissimuler leur foi en attendant le « Mahdi » (12éme Imam).

La façon dont les chiites pratiquent leur foi est quelque peu différente de celle dont les sunnites le font. Ces différences peuvent être notés dans les ablutions, la prière ou encore la manière de jeûner. Selon Ibrahima Sakho, les chiites suivent l’islam originel et qu’ils croient à l’infaillibilité absolue du prophète, de sa fille Fatima Zahra, de Ali, de Hussein et de Hassan mais aussi des neuf autres imams. Ibrahima Sakho explique que selon Hamadou hampathé Ba, « en Afrique les musulmans sont chiites, même s’ils ne le savent pas ».

Une forte présence dans la communauté libanaise au Sénégal

Réunie autour de son chef charismatique, le Cheikh Abdul Monem Zein, la communauté chiite sénégalaise d’origine libanaise est réputée par son dynamisme et son ouverture à l’endroit de toutes les confréries musulmanes du Sénégal.

En réalité, le Sénégal a toujours été considéré (aux côtés de la Côte-d’Ivoire) comme l’épicentre de la belle épopée de la communauté libanaise en Afrique de l’ouest. Evalués à près de 30000 personnes dont 8000 naturalisés, les Sénégalais d’origine libanaise se réclament en majorité du chiisme. La célèbre rue Abdou Karim Bourgi (le prince de l’immobilier) est une manifestation patente de ce dynamisme. C’est peu dire que d’affirmer la préservation de l’identité orientale par les Chiites libanais présents au Sénégal. Un célèbre sociologue sénégalais disait récemment sur les ondes d’une station radio de la place qu’ils ont pu s’arrimer aux valeurs sénégalaises pourtant différentes de celles des sociétés orientales en travaillant dur et en partageant avec leurs concitoyens autochtones les difficiles conditions de vie. C’est parce que cette communauté a une capacité d’adaptation exceptionnelle.

Le charisme du leader Cheikh Abdul Monem Zein

Les chiites sénégalais d’origine libanaise ont adopté une forme d’organisation qui force parfois le respect et l’admiration en cohabitant harmonieusement avec les chiites sénégalais. Ils ont surtout su se retrouver derrière l’aura et le prestige d’un guide doté d’une très grande dimension religieuse et intellectuelle : Le Cheikh Abdul Monem Zein par ailleurs patron de l’Institut islamique sociale. L’homme a su rallier tous les suffrages de son côté au point de se voir décerner le titre de Khalifatoul Ahlou Baity Rassoul (Khalife de la famille du prophète Mohamed SAWS) au Sénégal. Ce sont d’ailleurs les guides religieux Serigne Saliou Mbacké (à l’époque Khalife général des Mourides), Serigne Mansour Sy (Khalife général des Tidjanes) et Cheikh Bou Mohamed Kounta (à l’époque Khalife de Ndiassane) qui lui ont décerné cette distinction honorifique.



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