La crise entre Kiev et Moscou est à l'origine d'une mesure très impopulaire en Ukraine même. Kiev a ordonné mardi le blocage sur son territoire de plusieurs services Internet russes, dans le cadre de nouvelles sanctions contre Moscou, en raison de son rôle dans la guerre dans l'Est de l'Ukraine.
Mais la population ukrainienne sera la première touchée par ces mesures. VKontakte (VK), équivalent russe de Facebook a une l'audience considérable dans toute l'ex-URSS, tout comme le moteur de recherche Yandex.
VKontakte, Odnoklassniki et Yandex dans le viseur
Dans le détail, la liste noire diffusée par la présidence ukrainienne comprend la très populaire messagerie Mail.ru du milliardaire Alicher Ousmanov, ainsi que les réseaux sociaux VK (16 millions d'utilisateurs en Ukraine) et Odnoklassniki (45 millions de visiteurs par jour). Yandes et VK sont indisponibles, ce mercredi.
Les sanctions ukrainiennes ciblent également le groupe Yandex, qui détient un moteur de recherche très populaire et a mis au point de nombreux services (agrégateur d'articles de presse, cartographie, etc.), ainsi que les antivirus des laboratoires Kaspersky et DrWeb. Les sanctions visent aussi plusieurs chaînes de télévision.
Motif: sécurité et contre propagande
Expliquant sa décision par des besoins de "contre-propagande", le président Petro Porochenko, lui-même membre de ces réseaux, a annoncé sur VK la prochaine fermeture de sa page officielle et appelé ses concitoyens à "quitter immédiatement les serveurs russes à des fins de sécurité".
"Ces sites russes sont contrôlés par le FSB, par conséquent, ils constituent une menace pour la sécurité ukrainienne", indique au Temps, l'expert ukrainien des réseaux sociaux Vitalii Moroz. Il ajoute qu'"un grand nombre d'officiels utilisent des réseaux russes pour échanger des informations sensibles, ils sont à la merci de cyberattaques."
Les défenseurs des libertés offusqués
Ces blocages sont rejetés par nombre de défenseurs des libertés publiques. Tanya Cooper, de l'ONG Human Rights Watch, a dénoncé sur Twitter "une mesure absurde, disproportionnée" et "un coup terrible porté à la liberté d'Internet et à la liberté de l'information".
La représentante de Reporters Sans Frontières en Ukraine, Oksana Romaniouk, a quant à elle parlé d'"interdiction étrange et inattendue". "Ce sont des sanctions contre les citoyens eux-mêmes", a-t-elle écrit sur Facebook.
De nombreux internautes, tel Eliot Higgins, fondateur du site d'investigation Bellingcat qui a mené de nombreuses enquêtes sur la guerre en Ukraine ont d'ailleurs relevé que les réseaux sociaux interdits, VK et Odnoklassniki, constituent un moyen essentiel de communication et d'information pour les habitants des régions en guerre. Voire, pour certains une source d'indices concernant la présumée implication de l'armée russe dans ce conflit.
Enfin ces blocages, souligne le correspondant en Ukraine du Temps, Stéphane Siohan, font entrer l'Ukraine "dans le club restreint des 30 seuls Etats au monde qui interdisent des réseaux sociaux..."
Une bataille de plus dans la guerre de l'information
Le blocage des réseaux russes est une étape de plus dans la guerre économique et la guerre de l'information, auxquelles se livrent Kiev et Moscou depuis trois ans. En cause, l'annexion de la Crimée en 2014, puis le conflit dans l'Est avec des séparatistes prorusses soutenus militairement par le Kremlin.
L'Ukraine avait déjà suscité les critiques en 2015 en refusant à de nombreux journalistes russes mais aussi occidentaux ayant couvert le conflit l'entrée sur son territoire, ce qui avait contraint le président Porochenko à faire partiellement marche arrière.
Plus récemment, Kiev a interdit sur son sol la candidate russe à l'Eurovision, Ioulia Samoïlova, pour s'être produite en Crimée après l'annexion. Le bras de fer ayant suivi a abouti au refus de la télévision russe de diffuser le show et à l'exclusion de la Russie de la finale du concours dans la capitale ukrainienne.
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