Si l’histoire n’est pas sensée mentir, elle a tendance à oublier des pans entiers de sa composante. Une assertion qui vaut pour l’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 obtenue sous l’impulsion de Victor Schoelcher. En effet, la grande histoire oublie trop peu un certain 4 février 1794 et le rôle de Jean-Baptiste Belley, un « Sénégalais » né à Gorée.
« La Convention nationale déclare aboli l'esclavage des nègres dans toutes les colonies ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la constitution. » Ainsi énoncé par le décret du 4 février 1794, avec certes des termes appropriés de l’époque pouvant choquer aujourd'hui, l’esclavage était aboli par la Convention nationale issue de la Révolution française. Au sein de l'Assemblée constituante qui gouvernait la France de septembre 1792 à octobre 1795, un homme était encore plus fier que les autres : il s'agit de Jean-Baptiste Belley.
Un noir originaire de à l’Ile de Gorée où il serait né en 1747, Jean-Baptiste Belley aimait rappeler, selon ses contemporains, ses origines sénégalaises pour montrer sa soif de liberté. Les sources historiques dont certaines sont basées sur les propres déclarations de Belley, lui-même, retracent son histoire : elle part de l’île de Gorée. Même si des révisionnistes de tout bord tendent à refuser le statut de haut lieu de l'esclavage à Gorée, le cas de Belley démonte le fondement de l'idéologie négationniste. En effet, Jean-Baptiste Belley quitte l’archipel, lieu d’histoire et de mémoire, à l’âge de deux ans car le jeune enfant est vendu à un esclavagiste en partance pour Saint-Domingue, l’actuelle Haïti.
Ayant racheté sa liberté par son commerce, selon l’historien haïtien Thomas Madiou, Jean-Baptiste Belley participe, selon des sources concordantes, à la guerre d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique au sein du corps supplétif des Nègres libres du Cap. Une première expérience qui le mènera par la suite aux côtés de la Convention quand les premiers soubresauts de la Révolution françaises atteignirent la Saint-Domingue où la libération des esclaves était proclamée par les révolutionnaires le 29 août 1793.
Premier conventionnel noir
Ainsi, en septembre 1793, Belley est nommé membre de la Convention nationale à Paris pour la colonie de Saint-Domingue. Il fut le premier noir à siéger dans l’Assemblée. Il y représenta Saint-Domingue en compagnie de Jean-Baptiste Mills, Louis-Pierre Dufay et de Joseph Georges Boisson à la Convention à Paris. Prenant conscience que dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la condition des esclavages n’a pas été tenue en compte, la présence de Belley donne une motivation supplémentaire à la Convention pour entreprendre les discussions afin de donner la liberté à tous les esclaves. « En travaillant à la Constitution du peuple français, nous n'avons pas porté nos regards sur les malheureux hommes de couleur, constate Lacroix, le représentant d’Eure-et-Loir (région située au centre de la France, ndlr). La postérité aura un grand reproche à nous faire de ce côté ; mais nous devons réparer ce tort ».
Sentant qu’il n’y avait plus matière à s’éterniser sur la question, en reprenant la parole, Lacroix apostrophe le président de la Convention : « Président, ne souffre pas que la Convention se déshonore par une plus longue discussion ».
Et c’est ainsi que le décret de la première abolition de l’esclavage fut adopté. Jean-Baptiste Belley, le natif du Sénégal et ses trois collègues venus de Saint-Domingue furent congratulés dans un saut de liesse populaire. L'assourdissant silence de cette clameur en Belley montrait une solitude car il était loin de sa terre d'adoption, Saint Domingue, et de sa terre natale, Gorée.
Une solitude populaire
Un sentiment que la trentaine de personnes venue braver le froid pour célébrer les 220 ans de la première abolition a dû ressentir à la place du général Catroux (17ème arrondissement de Paris) où se trouve l’œuvre dénommée « Fers », en forme de chaînes brisées, monumentale, de Driss Sans-Arcidet, à la mémoire de général Dumas né esclave. Lors de la courte cérémonie, l’écrivain Claude Ribbe, en prenant la parole, ne s’est pas offusqué de la petite assistance pour un événement aussi important. « Même si nous ne sommes pas nombreux pour célébrer ces 220 ans de l’abolition de l’esclavage, fait-il remarquer, nous pouvons faire quelque chose de grand comme Belley et ses collègues ». En revanche, Ribbe a regretté le fait qu’aucune autorité française ne s’est déplacée pour la commémoration. Une pierre qu’on pouvait retrouver dans le jardin des autorités sénégalaises des différentes représentations nationales en France.
Pourtant, le 4 février 1794, la Convention avait conscience d’écrire une page importante de l’histoire. « Représentants du peuple français, jusqu'ici, nous n'avons décrété la liberté qu'en égoïstes et pour nous seuls, constatait le révolutionnaire Danton. Mais, aujourd'hui, nous proclamons à la face de l'univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle ! ».
Le 4 février 1794, en abolissant l’esclavage dans toutes les colonies françaises, la Convention nationale déclarait que tous les habitants des colonies avaient la qualité de citoyen français. Autre remarque importante de la première abolition de l'esclavage : aucune indemnité n’était accordée aux anciens propriétaires d’esclaves.
Ce qui fut une différence fondamentale avec l’abolition de 1848 qui indemnisait (au lieu de condamnait) les propriétaires d'esclaves.
L'histoire retiendra que la deuxième abolition ne devait pas avoir lieu si Napoléon n'avait pas rétabli en 1802 le code noir de Colbert promulgué par Louis XIV : l’esclavage. Napoléon chanté aujourd’hui dans les manuels scolaires et par des représentants de la République était tout le contraire des valeurs défendues aujourd’hui : il remplaça la République et la démocratie pour ce qui s’apparentait à la dictature, ses campagnes furent des hécatombes avec des millions de morts dans toutes l’Europe et pire encore, refusa aux hommes, pour leur simple couleur de peau, l’accès à la liberté et aux droits les plus élémentaires.
C’est sans surprise que Jean-Baptiste Belley, le natif de l’Ile de Gorée, fut suspendu de ses fonctions de chef de la légion de la gendarmerie qu’il occupait après son retour à Saint-Domingue. En juillet 1802, Belley le Sénégalais, rapatrié en France, fut détenu en résidence surveillée à Belle-Ile-En-Mer où il meurt le 6 août 1805.
25 Commentaires
Les Archives
En Février, 2014 (16:55 PM)Gorouu
En Février, 2014 (16:57 PM)Rendons a cesar ce qui est a cesar
@archives
En Février, 2014 (17:01 PM)Boy Bronx
En Février, 2014 (17:04 PM)Un vrai toubab bu nioul personne ne peut imaginer a quoi il ressemble
Ohh my god no ki cest une personne fictive im sure il nexiste meme pas ohooooo
Adwada
En Février, 2014 (17:06 PM)Belley Wade
En Février, 2014 (17:13 PM)kham faga djougue... bakhna na...!!!:)
WASSALAM....a vous tous..au pays et dans la diasopra..!:)
@3
En Février, 2014 (17:17 PM)@boy Bronx
En Février, 2014 (17:29 PM)Kouri Ambou
En Février, 2014 (17:42 PM)Vive La France Libre
En Février, 2014 (17:47 PM)Pharoah
En Février, 2014 (17:55 PM)Au fait y a t-il une rue , une place au Sénégal qui porte le nom de Jean Baptiste Belley ? j'ai bien peur que non !
@pharoah
En Février, 2014 (18:28 PM)Smooth As Helll
En Février, 2014 (18:52 PM)Dagn Kumpa
En Février, 2014 (19:04 PM)Ngomez
En Février, 2014 (19:23 PM)Républicain Noir
En Février, 2014 (19:31 PM)Oops
En Février, 2014 (19:43 PM)liii ci soulou
Recherche....
En Février, 2014 (19:52 PM)...
Gorguy
En Février, 2014 (20:11 PM)POUR ESSAYER DE COMPRENDRE QUE D'ABORD L'HOMME NEGRE EST UN HOMME LIBRE DEPUIS LE DEBUT DE L'HUMANITE. ET CE N'EST PAS PARCE QUE CERTAINS MARCHANDS D'ARMES ET D'ALCOOL ASSOIFFES DE RICHESSE VOULANT CONQUERIR LE MONDE ONT PENDANT UN LAPS DE TEMPS MIS EN ESCLAVAGE LE NEGRE APRES AVOIR PENDANT DES SIECLES ASSERVIS LEURS FRERES ET SOEURS EUROPEENS PAUVRES.
QU'IL FAILLE QUE NOUS REDUISONS L'HISTOIRE DE L'HOMME NOIR A LA TRAITE NEGRIERE.....
ET LA PERIODE DE L'EMPIRE DU MALI, DU SONGHAI, DU GHANA ET J'EN PASSE....
ALORS SOYONS SERIEUX ! REGARDONS LA REALITE EN FACE, RELEVER LA TETE, AVANCER ET ARRETER DE ....
Court
En Février, 2014 (21:27 PM)@ Court
En Février, 2014 (21:47 PM)Il etait un peut etre un ...LAYEENE..!:)
Il a probablement ete vendu par des pretres catholiques ,
qui voulaient porter un coup aux layenes !:)
WASSALAM....a vous !
NB...Ces putains de kufards - chretriens , nous ont pas mal freine ,
dans notre cheminement culturel, social et economique , certes !
Solo
En Février, 2014 (22:05 PM)Boy
En Février, 2014 (22:48 PM)M24
En Février, 2014 (02:10 AM)Alexandre Dumas,un nègre ,descendant du général Dumas est l'auteur de:
-Les trois mousquetaires(l'histoire des D'Artagnan,Aramis,Atos ....)
-Le comte de Monte-Cristo
Ces ouvrages populaires(le panthéon de la France)entre autres ont forgé l'imaginaire de millions de Français ,et sont toujours des classiques incontournables de la littérature Française.
Récemment le représentant du CRAN(comité représentatif des association noires) l'avait révélé en fustigeant l'absurdité(ou la tentation révisionniste) de vouloir donner le rôle à Gérard Depardieu dans le cadre d'un film sur la vie d'Alexandre Dumas .
Les Histoires
En Février, 2014 (09:20 AM)Un porte-parole efficace des hommes de couleur
A l’aube de la Révolution, Belley, ancien esclave à Saint-Domingue, affranchi grâce à son service dans l’armée pendant la guerre d’indépendance américaine, fait partie de la nouvelle classe des « libres de couleur », en développement dans les villes coloniales. Capitaine d'infanterie au moment des journées de juin 1793 au Cap-français, il combat du côté des commissaires civils contre les colons blancs et reçoit six blessures. Les élections organisées dans l’île, le 24 septembre 1793, l’envoient à Paris. L’arrivée à la Convention de ce premier député noir, accompagné de deux autres, Mills, un mulâtre et Dufaÿ, un blanc, fait sensation et incite l’Assemblée à décréter la première abolition de l’esclavage (16 pluviôse an II/ février 1794).
L’abolition officielle de l’esclavage n’a cependant pas désarmé les partisans des colons à Paris. Bien que reconnu citoyen à part entière de la République, le député noir doit lutter contre les insinuations racistes qui remettent sans cesse en cause son élection comme la loi d’abolition. Il se révèle un porte-parole actif des hommes de couleur, à la Convention puis au Conseil des Cinq-Cents, jusqu’en 1797.
Quand Gouly, député de l’Ile de France (Ile Maurice), réclame, après Thermidor, des lois particulières pour les colonies, Belley dénonce à l’assemblée le groupe de pression des colons, discours publié sous un titre à la saveur créole : « Le Bout d’oreille des colons ou le système de l’Hôtel Massiac mis à jour par Gouly ». Il réussit à faire maintenir le principe républicain d’égalité entre habitants des colonies et de la métropole, quelle que soit leur couleur. En revanche le décret d’abolition n’est pas envoyé à l’Ile de France. Après Belley, cette élite venue d’outre-mer qui avait su un temps défendre les droits des non-blancs sera laminée.
Analyse des images
L’étrangeté du Noir
Le portrait de Jean-Baptiste Belley, en pied, sur fond de ciel bleu nuageux, devant le paysage de sa circonscription de Saint-Domingue, n’innove pas seulement par son esthétique somptueuse. Anne-Louis Girodet peint, en représentant officiel de la République, ce Noir en costume d’apparat dont le mandat vient de s’achever, alors même que les colons profitent de la réaction royaliste pour évincer tous les députés de couleur des assemblées du Directoire. A 50 ans, le visage sérieux, Belley est accoudé avec aisance au socle du buste de l’abbé Guillaume Raynal, sculpté par Espercieux. L’artiste fait de lui le vivant symbole de l’émancipation des Noirs annoncée par le philosophe.
La figure de ce Noir, exposée à Paris, en 1797 et en 1798, suscite une véritable fascination dans le public. L’artiste a placé de trois-quarts la tête, objet de la curiosité générale, à cette époque où l’on compare les caractéristiques morphologiques des blancs, des noirs et des singes. Rejetant en arrière des cheveux crépus déjà grisonnants, le visage osseux, au nez aplati, est éclairé par des yeux très vifs ; la mâchoire puissante ne présente aucun prognathisme.
Le contraste entre le costume, si extraordinairement raffiné qu’il évoque à lui seul la culture européenne, et le faciès sombre du modèle fait ressortir l’étrange différence de cet homme noir. Ce costume de député à la Convention, rappelle aussi que Belley a connu son heure de gloire lors de la première abolition de l’esclavage, en 1794. Les trois couleurs républicaines, qui ceignent la taille et le chapeau sont fondues dans des dégradés pastel et laissent tout le contraste chromatique au rapport entre le noir et le blanc. Les tonalités subtilement dégradées du visage noir de Belley ressortent contre le marbre blanc de la sculpture, comme sa longue main brune sur la culotte claire.
Déclarations de Belley à la Convention
L’adoption de la Constitution de l’An III suscite la déclaration par chaque député, de sa situation personnelle. De sa propre main, Belley révèle qu’il était né à l’île de Gorée au Sénégal, sans doute en 1747. Il a vécu 46 ans au Cap français et a donc été déporté à deux ans. Cette partie de Saint-Domingue est « territoire français » car la Constitution de l’An III divise les colonies en départements.
Belley déclare que sa fortune à Saint-Domingue consistait en « propriété pensante » ; l’expression qui désignait les esclaves que possédaient aussi bien les libres de couleur que les blancs est révélatrice des mentalités de l’époque.
Ses biens qui se réduisent, écrit-il, « à la garniture de ma chambre » ne lui permettaient pas de commander un portrait de cette ampleur, l’initiative de cette peinture revient donc probablement à Girodet.
Son mandat terminé, Belley obtient un grade de chef de brigade. Affecté à la gendarmerie de Saint-Domingue, il y retourne pour plusieurs missions à partir de 1798. En France, il exerce encore une présence influente à la Société des Amis des Noirs.
Les instructions secrètes de Bonaparte
Partisan de la fermeté face aux menées indépendantistes de Toussaint-Louverture à Saint-Domingue, Belley conseille l’intervention militaire à Bonaparte. Le Consulat le charge d’y réorganiser la gendarmerie nationale. Il prend part à l’expédition Leclerc de 1802 et débarque au Cap, le 11 février. Mais victime d’une arrestation arbitraire, dès le 12 avril 1802, il est déporté en Bretagne, à Belle-Ile-en-mer.
Son sort n’est pas ébruité ; il était scellé avant son embarquement par ces instructions secrètes élaborées sous les ordres directs du Premier Consul, dès le 31 octobre 1801, et remises au chef de l’expédition, le général Leclerc, beau-frère de Bonaparte. L’une d’elle concerne directement Belley sans le nommer : « On réorganisera la gendarmerie. Ne pas souffrir qu'aucun Noir ayant eu le grade au-dessus de capitaine reste dans l'île ». Le document, précis en matière militaire, se révèle très ambigu sur le statut des Noirs. En contradiction avec le maintien solennel de la liberté au début du chapitre, un pragmatisme indifférent aux principes doit succéder à la reconquête de l’île: » Quelque chose qu’il arrive, on croit que dans la troisième époque on doit désarmer tous les Nègres, de quelque parti qu’ils soient et les remettre à la culture ». Le rétablissement de l’esclavage se profile.
Interprétation
Girodet livre de Belley une image magistrale et symbolique, à une époque où l’homme noir fascine par son étrangeté et suscite des inquiétudes politiques et économiques pour l’avenir. Mais la personnalité de Belley garde son mystère.
Les instructions données par Bonaparte entraînent la fin dans le secret, à la forteresse de Belle-Ile, le 6 août 1805, de ce militaire, fervent républicain, trahi par l’arbitraire d’un autre soldat, à l’étoile montante.
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
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