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Falilou Kane (Ancien ambassadeur) : «Depuis 2000, il n’y a pas de Sénégalais élu à un poste important»

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Falilou Kane (Ancien ambassadeur) : «Depuis 2000, il n’y a pas de Sénégalais élu à un poste important»
Falilou Kane est un diplomate de carrière à la retraite. Il a passé près de 40 ans à servir la diplomatie sénégalaise. Ce qui l’a amené à occuper des postes d’ambassadeur dans plusieurs endroits du monde, dont le dernier a été Bruxelles. Il vient de sortir un livre intitulé : ‘Œil d’aigle sur la diplomatie sénégalaise de 1960 à nos jours’. Dans l’entretien qu’il nous a accordé hier, il jette un regard critique sur la diplomatie sous Wade et évoque quelques souvenirs de carrière.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qu’on peut trouver dans votre livre : ‘Œil d’aigle sur la diplomatie Sénégalaise de 1960 à nos jours’ ?

Falilou Kane : Ce que j’ai glané depuis des années. J’ai mis les pieds dans ce ministère des Affaires étrangères le 12 septembre 1960. J’ai été témoin de beaucoup choses. J’ai parcouru beaucoup d’endroits. J’ai assisté à la naissance de l’Oua en 1963 et en 2000 à la naissance de l’Union africaine. Entre les deux, j’ai occupé des fonctions au ministère des Affaires étrangères avec le tout premier ministre des Affaires étrangères du Sénégal indépendant, Doudou Thiam. J’ai occupé le poste de secrétaire général de l’Organisation commune africaine et Malgache (Ocam) dont le siège était à Yaoundé, j’ai ouvert l’ambassade du Sénégal au Canada, Bruxelles a été mon dernier poste. Alors, c’est cette itinéraire que j’ai parcouru grâce à Dieu qui a permis d’emprunter l’œil de l’aigle pour ce que nous pouvons servir à notre diplomatie dans un premier temps et ensuite les générations futures et les Sénégalais pour comprendre comment on a pu faire certaines choses. C’est tout cela que j’ai mis dans le livre pour montrer que notre diplomatie a connu des heures de gloire.

J’ai aussi mis dans le livre des rencontres que j’ai eues avec des hommes religieux comme Serigne Abdou Aziz Sy, Serigne Abdou Lahat, Serigne Saliou et tant d’autres amis avec qui j’ai eu des heures de discussions et de réflexions. Je vais ajouter qu’en 1963, à Addis Abéba, quand Sékou Touré a réconcilié le président Senghor et Modibo Keïta du Mali, nous étions les seuls à savoir ce qui s’est passé cette nuit-là lorsqu’il y a la rupture de la Fédération du Mali et qu’il y a eu un black out total entre les pays. Si je ne le raconte pas moi qui étais présent, personne ne le saurait. Or nous sommes trois personnes en vie actuellement à pouvoir dire ce qui s’est réellement. Il y a Habib Thiam et Ben Ali. Tous les autres ont disparu. C’est la raison pour laquelle je dis que mon livre est un devoir de mémoire pour permettre aux jeunes générations de pouvoir s’appuyer sur le passé.

Wal Fadjri : Quels sont vos meilleurs souvenirs de victoires remportées par la diplomatie sénégalaise ?

Falilou Kane : Je vais citer simplement deux exemples. Le premier, c’est quand le Sénégal a présenté la candidature de Babacar Ndiaye à la présidence de la Banque africaine de développement (Bad) en 1985. Beaucoup de personnes ne nous donnaient pas la moindre chance. Nous y sommes allés et Babacar Ndiaye, candidat du Sénégal, a battu haut la main celui qui était là-bas et qui demandait un second mandat. Le deuxième exemple, c’est en 1993 lorsque Jacques Diouf a été présenté par le Sénégal pour prendre la direction de la Fao qu’aucun Africain n’avait occupée avant lui. A la veille de l’élection, aucun journal italien ne parlait de la candidature du Sénégal. Dieu merci, la diplomatie sénégalaise a triomphé devant les candidats de l’Australie, de l’Inde, du Chili, de l’Inde, de l’Allemagne pour ne citer que ceux-là. Quand nos chefs d’Etat se déplaçaient et nous donnaient des missions, nous avions toujours des résultats.

Wal Fadjri : Aujourd’hui, le Sénégal peine à faire élire ses citoyens dans les instances internationales et sous-régionales. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Falilou Kane : Moi, j’ai parlé de ce que je sais. En ce moment, j’étais acteur, je portais le maillot. Aujourd’hui, je suis dans les tribunes ou les gradins. Mais, comme observateur, mon regard est un regard critique. Là où nous avons réussi dans le passé, je ne comprends pas qu’on ne puisse pas à nouveau réussir comme à l’Uemoa et à la Cedeao ou ailleurs à l’Oms. Je dis qu’il y a quelque chose qui ne colle pas ou bien les candidats choisis ne sont pas les meilleurs. Dans ce domaine, il faut peut-être consulter avant d’agir.

Auparavant, à chaque fois qu’on avait une candidature, le chef de l’Etat, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères procédaient d’abord à une consultation avant de présenter une candidature. Le chef de l’Etat demandait si le Sénégal a des chances de passer parce que, souvent, il y a des quotas et si vous dépassez votre quota, c’est difficile de se faire élire. Dans le passé, ce qu’on a fait C’est après qu’il faut consulter tous les pays qui sont membres pour discuter et présenter le nom du candidat.

A ce niveau, comme le ministre d’Etat l’a dit tout à l’heure, si on nous demande des conseils, on peut les donner. Mais si on continue d’agir comme on le fait aujourd’hui, il y a de fortes chances que le Sénégal reste encore des années sans faire élire quelqu’un. Parce que, depuis l’an 2000, il n’y a pas de Sénégalais élu ou désigné à un poste important relevant du système électif que ce soit aux Nations unies ou à l’Union africaine.

Wal Fadjri : Le Sénégal convoite la Cedeao, mais son candidat n’est pas accepté par tous. Quel est votre avis ?

Falilou Kane : Je connais au moins cinq Sénégalais capables d’occuper le poste parce qu’ils ont un passé rassurant, ils sont d’une intégrité sans faille. Parce que ce qu’on oublie, c’est que les pays qui nous entourent, à savoir la Gambie, la Guinée-Bissau, le Mali, la Côte d’Ivoire, connaissent bien les Sénégalais. Il y a des noms lorsqu’on les présente à un pays qui a une candidature, il va dire : La candidature du Sénégal, nous en faisons nôtre. Je cite mon exemple. A l’Ocam, je n’étais pas présent. C’est Diakha Dieng, un Sénégalais, qui était le secrétaire général. A la réunion de Niamey en 1968, il dit qu’il va quitter pour devenir ambassadeur. Le président Senghor en a informé ses collègues, en les assurant qu’il allait leur proposer quelqu’un d’autre. Dans l’avion du retour à Dakar, il a demandé à Doudou Thiam s’il avait un candidat à lui proposer. A Dakar, le ministre m’a dit que j’allais remplacer Diakha Dieng. Les chefs d’Etat ont donc donné leur feu vert à Senghor sans connaître la personne proposée parce qu’ils avaient confiance en lui et au Sénégal. C’est comme cela que je suis allé à l’Ocam sans être élu formellement, mais accepté par tous.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui faisait alors la force de la diplomatie sénégalaise ?

Falilou Kane : La diplomatie sénégalaise était respectée d’abord par le nom du président Léopold Sédar Senghor qui était connu par tout le monde comme un homme de lettres, un poète et un humaniste. Notre diplomatie était également respectée par la stature physique et intellectuelle du président Abdou Diouf. Dans mon livre, j’ai parlé surtout de ces deux parce que j’ai travaillé sous leurs ordres comme ambassadeur et comme ministre.

Wal Fadjri : Que faire pour retrouver cette époque glorieuse de notre diplomatie ?

Falilou Kane : Je suis dans une situation de spectateur. Je ne sais pas ce qui se passe. Mais d’après ce que sort la presse, des améliorations doivent être faites. Le Sénégal a toujours été le phare de la diplomatie, de la politique et de la culture. Aujourd’hui, si les gens veulent aller ailleurs, c’est parce que le phare ne brille plus. C’est pourquoi, il faut écouter tous les autres pour savoir ce qu’ils peuvent apporter à leurs pays. Tout le monde est ambassadeur de son pays. Chaque fois qu’on vous désigne pour parler au nom de votre pays, vous êtes un ambassadeur et cette mission vous amène à défendre les intérêts de votre pays. C’est ce que nous avons fait et nous sommes encore disposés à aider notre pays.



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