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CASAMANCE, GUINEE-BISSAU, MBOUR… Pourquoi le Kankourang ne doit pas disparaître

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CASAMANCE, GUINEE-BISSAU, MBOUR… Pourquoi le Kankourang ne doit pas disparaître

La cérémonie marquant la fin de la circoncision en milieu mandingue (le faniké*) a été célébrée avant-hier dimanche 2 août à Mbour. Malgré le fait d’avoir anticipé sur le Ramadan, attendu dans la seconde moitié du mois de septembre, la collectivité mandingue de la ville a encore une fois réussi le pari d’une certaine organisation. Comme d’habitude, elle a encore mobilisé le Sénégal autour d’un événement devenu incontournable tous les ans, à pareille époque à Mbour. Mais aujourd’hui, si le succès de la circoncision mandingue et de l’initiation qui s’en suivent ont fait le tour du monde, les dysfonctionnements liés à un certain défaut d’organisation ne manquent pas. Même s’ils n’entachent pas le sérieux qui accompagne l’événement et les beaux souvenirs qu’on en garde. 

Un mois de kankourang. Un mois de folie qui se termine à Mbour et le petit village de Mboulème. Une année de souvenirs qui passe encore pour ces vieux initiés habitués tous les ans à suivre le Kankourang. Un vieux métier qu’ils exercent depuis la moitié d’un siècle sans se lasser. Mais qu’en retiendra-t-on du côté de Mbour pour cette année encore au moment de faire le bilan ? Beaucoup de choses diront la plupart des gens venus à l’occasion goûter chacun à sa manière, aux délices d’un phénomène qui a fini d’entrer dans l’histoire du monde.

Pour certains, ce seront les courses effrénées d’un selbé excité. Pour d’autres, les déhanchements d’un Kankourang inspiré. Pour d’autres encore en quête de découverte, le rythme très particulier et plein de saveur d’un Jambadong rencontré au coin d’une rue sous la conduite d’un chanteur qui vante les louanges de son maître : le Kankourang. Oui, depuis un siècle et un peu plus, le Kankourang a fait le succès de la ville de Mbour. Une ville où les mandingues ne sont pas pourtant les seuls habitants mais où ils sont parvenus à donner une autre image au vécu des gens. Une autre manière de rêver, de se faire plaisir qui a fini par plaire à presque tout le monde. A toute une région. A une grande partie du Sénégal.

Les autorités de l’Unesco ne sont sans doute pas trompées en consacrant le Kankourang et le portant au patrimoine culturel de l’Unesco. L’année dernière quand la nouvelle est tombée, au Sénégal, la ville de Mbour a été la localité qui l’a plus célébré que les autres grandes localités connues au Sénégal pour leur amour pour le Kankourang. Parce qu’au moment où les villes qui ont fait sa réputation continuent à le discréditer, Mbour tient le flambeau bien allumé en dehors de quelques réglages nécessaires.

Car ni Sédhiou, ni Kolda, encore moins Ziguinchor, Marssassoum, Vélingara, Goudomp jusqu’à en Guinée-Bissau, dans le vaste territoire du Gabou ne l’ont célébré avec autant de ferveur depuis trente ans. Et en une semaine, Mbour avait fini par donner raison à tous ceux qui avaient porté leur choix sur elle. Samedi et dimanche encore, sous la pluie, la ville a encore une fois dansé et chanté au rythme de son « Jambo * » favori. Une déformation idiomatique imposée depuis quelques années, par tous ceux qui ne parlaient pas la langue mandingue et qui trouvaient en ce mot, l’expression la plus simple pour parler de la danse des feuilles « le Jambadong ».

Jusqu’à 21 heures dimanche, jeunes filles et garçons, accompagnateurs du Kankourang (lambee, kintang) ou non initié (simple solma), tous y avaient leur place, regrettant pour l’essentiel que les choses se terminent si tôt. Un dimanche de septembre au moment où les plus nostalgiques se rappelaient encore les années où l’on célébrait encore la circoncision mandingue jusqu’à la fin de la première quinzaine d’octobre. Octobre, c’était aussi un mois où la ville était entourée de champs de mil, d’arachide, de maïs amorçait la période des premières récoltes. Au moment où les greniers remplis permettaient aux parents des circoncis de sortir de la période de soudure et d’entrer dans l’ère de l’abondance. Aujourd’hui, tout cela n’existe plus. Mbour a trop grandi. Le foncier rural a laissé place partout, aux occupations immobilières dans l’anarchie. Tout autour de la ville, plus de champs, plus de vergers. Plus de terres disponibles. Conséquemment, le champ d’action du Kankourang dont l’ère d’évolution est la forêt ou la brousse, a complètement disparu.

Des réglages nécessaires et inévitables…

Après tant d’années de succès, Mbour et son Kankourang ne sont pas comme en Casamance, à l’abri des difficultés qui surgissent autour d’une civilisation, quand le phénomène perdure. Dans les cinq « joujou » qui ont été aménagés cette année, des problèmes n’ont pas manqué. Car, pour conserver le mythe des lieux, la proximité des maisons et la cohabitation avec certains milieux pose un sérieux problème de sécurité à la sortie du Kankourang, le soir venu au moment où la ville somnole. Aujourd’hui, du lundi au samedi, les populations ne dorment plus avec tout le tapage qui est organisé aux portails des maisons pour tous ces curieux qui attendent patiemment la sortie du Kankourang. Entre sifflets, courses effrénées sur les larges boulevards de Thiocé, 11 novembre, Santassou et Tefess, tout le monde ou presque, est dehors. Tout cela avec une dose de provocation qui peut mener à toutes les dérives. Quand on aime le Kankourang, on ne le provoque pas on le protège. Ce n’est pas le cas à Mbour.

L’autre défi à relever s’articule autour des énormes conflits d’intérêt qui se trouvent aujourd’hui au centre de l’organisation de la circoncision mandingue à Mbour comme ailleurs au Sénégal. De plus en plus, on voit surgir çà et là, des maisons de circoncis (joujou) animés par des gens qui ne semblent se préoccuper que de leurs intérêts propres. Cela au détriment et parfois sur le dos de milliers de gens qui laissent tout derrière eux, pour se plonger le week-end venu, dans l’univers des initiés et du Kankourang.

Ils ont tout sacrifié pour cela. Parfois, pour rien. Parce que le phénomène actuel avec le succès qu’il connaît ici devrait être au-dessus des intérêts politiques ou pécuniaires des uns et autres. Ce n’est pas le cas à Mbour. Aujourd’hui, il est arrivé que des gens dotés de quelques moyens et d’ambitions politiques en arrivent à diviser les membres de la collectivité pour des questions d’argent. Grave. Pour ce que représentent le Kankourang et la vie des jeunes circoncis dont on veut se servir de l’image, pour exercer ce sale boulot.

Sortir de la guerre des clans

La troisième dimension de la crise que vit le système est liée à nos rapports entre nous-mêmes initiés de divers âges. En effet, à côté du conflit d’intérêt, se greffe aujourd’hui une bataille dite de générations dont le maître mot devrait être centré autour du devoir d’explication et d’introspection. Il ne s’agit pas d’un conflit comme on serait tenté de le dire, mais, d’un malentendu historique qui est venu du fait que le tournant des années 1980-1990 a été très mal négocié. S’il y a eu négociation. Car au moment de l’arrêt de la sortie du Kankourang au début des années 1980, il n’y a pas eu une véritable introspection.

Comme si tout était parfait, rien n’a été fait en termes de réflexions de fond à la suite des incidents qui avaient amené la suspension du Kankourang. Et qui ne résultait en fait que d’un simple malentendu entre gens d’un même monde au sein duquel on trouvait des gens, amoureux du Kankourang pourtant, qui n’arrêtaient de provoquer des selbés parfois un peu zélés. La suite est connue, mais elle n’a pas connu un véritable épilogue faute d’explication entre nous. Aujourd’hui dans la mouvance générale chacun gère. Mais, personne ne gère rien en effet.

Vaincre l’indiscipline ou périr

Le dernier vrai problème à résoudre par la communauté mandingue à Mbour reste l’INDISCIPLINE. Depuis quelques années, tous les sujets relatifs au comportement des jeunes selbés comme de certains moins jeunes ont été constamment soulevés, sans qu’on puisse trouver les moyens de sanctionner voire même de punir certains excès. D’abord, avec la drogue et l’alcool devenus un véritable fléau dans le système, certains jeunes ont pris le plaisir de profiter de ces évènements pour se servir et déranger tout le monde. Il est temps de s’arrêter pendant la saison morte pour s’organiser et sévir.

Avant-hier, encore beaucoup de jeunes à la suite d’une nuit bien arrosée ou sous l’emprise de la drogue ont été très difficiles à maîtriser. Tous les ans, le même problème menace de gâcher la fête. Ce problème qui tend à devenir un fléau ne doit plus être laissé en rade mais pris en charge par un comité ou un groupe d’étude. Parce que 100 ans de lutte, d’organisation, d’évolution, viennent de mener le Kankourang au sommet de son art. Un vécu culturel et un art propres à lui que certaines brebis galeuses ne devraient pas aider à nuire. Avant les sorties de l’année prochaine, les défis de l’organisation sont ainsi campés.

Et à Mbour en tenant compte de l’esprit d’initiative qui anime tous ces gens qui s’activent depuis des années, sans rien attendre en retour dans le succès de cet événement, on peut attendre de gens dévoués et convaincus comme le vieux Ibou Fofana, Kéba Sagna, Ablaye Sagna, Ousmane Dary, Pape Konaté, Lamine Demba, Mamadou Diaboula, Maguette Sow, Omar Ndao, Abdoulaye Camara, Ibou Cissé, Darou Fall, entre autres, qu’une véritable réflexion soit entamée autour des cérémonies qui entourent la circoncision des jeunes enfants de nos villes et de la diaspora.

Cela pour le futur d’une bonne éducation à donner à nos enfants pour demain.



2 Commentaires

  1. Auteur

    X

    En Décembre, 2010 (01:05 AM)
     :dedet: c juste domage ke ça ne parle pa du fambondi
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  2. Auteur

    Sy

    En Décembre, 2012 (20:02 PM)
    toujours respecter la position de l'autre.le kankourang dans ma region constitue un mythe.c'est l'une des valeurs culturelles les plus en vues qu'il faudra davantage chercher à valoriser.
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