Le drame de Demba Diop est symptomatique de l’installation de la violence dans la société sénégalaise. Aly Khoudia Diaw, le sociologue, nous analyse ici, les causes profondes de cette violence dont l’exacerbation emporte de plus en plus de vies, dans des conditions tragiques.
«L’explication réside dans plusieurs facteurs explicatifs possibles. On peut convoquer de nos jours l’indiscipline caractérisée des jeunes sénégalais et même d’ailleurs des adultes d’aujourd’hui sans qu’il faille forcément mettre en cause la famille et la responsabilité parentale. Certains parents et certaines familles ont consacré toute leur vie à offrir à leurs enfants une bonne éducation, mais à l’arrivée, le groupe des paires, les mauvaises fréquentations, les Ntic ont tout remis en cause. Il faut aussi se rendre à l’évidence, les jeunes d’aujourd’hui n’ont que leur propre jugement comme arbitre.»
Une société devenue dangereuse
«On peut aussi évoquer le rôle des familles sénégalaises avec le déclin de la cellule familiale ou de plus en plus l’individualisme gagne les membres de la famille. On peut enfin évoquer ce que nous appelons globalement la conjoncture nationale qui se manifeste par la dureté des conditions socio économiques d’existence, avec son lot de chômage, de drogue et d’alcool dans les familles pauvres ou appauvries, l’oisiveté mère de tous les vices, les agressions et la délinquance juvénile rampante, le gaspillage de nos ressources par une caste de politiciens qui s’enrichissent à la vitesse grand V et qui nous renvoie l’image d’une société ou l’effort, l’honnêteté et l’abnégation ne servent plus à rien. Bref tout cela fait que la société sénégalaise est devenue une société violente, dangereuse et totalement anachronique.»
Une société devenue ‘‘anomique’’?
«On ne peut parler de société malade dans la mesure où une frange importante de cette population ne se trouve pas dans cette manifestation de la violence. Nous continuons d’être musulmans, parents et éducateurs, nous socialisons sur la base du modèle sénégalais, avec nos croyances et nos coutumes. Bref, nous ne sommes pas malades, mais nous connaissons et remarquons de plus en plus l’apparition de signes psychosociaux qui pourraient nous renvoyer à ce que Emile Durkheim appelait une «société anomique», c'est-à-dire un dérèglement des positions de valeurs et de respects des normes sociaux en vigueur dans toute société. Nous ne sommes pas malades, mais nous sommes angoissés et terrifiés par ce qui se passe au Sénégal, avec une forte tendance au crime, à l’agression, à la délation et à la calomnie.»
Quid du drame de Demba Diop
«Le chômage des jeunes entraine un refoulement des désirs qui sont en contradiction avec le principe de plaisir, mais dès que l’occasion se présente, à travers des formes de manifestations socialement acceptées comme le football, la lutte, il y’a une explosion d’énergie et d’adrénaline qui sont vecteur de violence et d’agression. C’est ce qui est arrivé au stade Demba Diop ou des milliers de jeunes dont l’identité a totalement été effacée au profit du groupe se sont attaqués avec violence et acharnement à des personnes qui se sont repliées jusque dans leur dernier retranchement. Il y’a des raisons d’avoir peur pour ce Sénégal et pour cette jeunesse en mal de repère, de perspective, de débouchées et d’épanouissement de soi. Toute cette frustration trouve naturellement un exutoire à travers la violence. Malheureusement, on pourra toujours revivre ces drames car le fond du problème demeure toujours. Dans les pays développés, la sanction est une dimension importante du comportement des personnes, mais au Sénégal, les gens n’y croient même plus, à cause de l’impunité des politiciens, du «masla», du népotisme et de la fuite en avant.»
7 Commentaires
Anonyme
En Juillet, 2017 (21:19 PM)se donne des gouvernants et des autorités, c'est pour anticiper et traiter les problèmes liés à la vie en société. La défaillance de l'Etat et des autorités ne peut pas s'excuser par des comportements propres à la vie en société et à la personnalité de la foule. Un mauvais médecin ne peut pas se dédouaner en accusant ses patients d'être toujours malades.
Anonyme
En Juillet, 2017 (22:52 PM)point à la ligne
Anonyme
En Juillet, 2017 (07:04 AM)Anonyme
En Juillet, 2017 (07:54 AM)Dans tous les pays, pas seulement au Senegal, l'honme est devenu un etre tourmente. Le phenomene est mondial. Ces troubles ne feront qu'augmentwr avec le temps malheureusement. L'explication se trouve dans le "gap" entre ces besoins grandissants d'homme qui pense a ses "droits" et pas "devoirs", ecart aussi entre besoins et moyens. La democratie accentue a son tour sa perception de cet ecart qui ne fera que grandir.
Wa salam
Anonyme
En Juillet, 2017 (08:06 AM)Une des explications est dans l'usage de la liberte donnee aux gens dans nos societes de liberte. En effect, dire que tout le monde est libre, c'est dire que tout le monde a le même droit d'exercer sa liberté, mais d'etre aussi protégé des libertés que pourrait prendre un tiers contre soi ou ses proche ou contre quiconque...Lorsque la liberte est source de danger pour l'humain, elle doit etre geree par une aute entite. Il ne faut plus laisser nos gens gerer leur liberte eux-memes. Ils en sont incapables et c'est dangereux pour eux memes.
Anonyme
En Juillet, 2017 (08:09 AM)Anonyme
En Juillet, 2017 (08:29 AM)Pour simplifier à l’extrême, le principe d’entropie implique que tout système va immanquablement vers une dégradation dite naturelle. C’est un principe universel dont il est possible d’observer le déploiement dans des domaines aussi variés que l’astrophysique ou la physique des particules, en passant par la thermodynamique, domaine dont l’entropie constitue le deuxième principe. C’est le principe d’entropie qui induit que l’on doive, à intervalles réguliers, changer de véhicule, ou entretenir les routes.
Socialement, les systèmes humains, comme les systèmes économiques sociaux, sanitaires ou éducatifs, sont également soumis à l’effet du principe d’entropie.
De par ses décisions, le système politico-administratif contribuera aussi soit à compenser (on ne peut pas supprimer l’inéluctable tendance à la dégradation ; on peut tout au plus la ralentir), soit à renforcer le principe d’entropie.
On est donc en presence d'un phenomene naturel de notre societe senegalaise. Libre a ceux qui nous gouverne d'accentuer ou ralentir le processus. C'est leur role naturel
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