Stratégies de communication : Wade-Idy ou le duel des présences

Depuis des mois, l’ex-Premier ministre Idrissa Seck, calfeutré dans un mutisme bruyant, là-bas, dans l’Hexagone, au pays de Marianne, quelque part dans un hôtel huppé de Paris, continue à être l’absent le plus présent sur la scène politique sénégalaise. Une présence médiatique, sur fond d’informations et/ou de rumeurs sur des retrouvailles entre Wade et Idrissa Seck, mais que le camp présidentiel cherche à ruiner par des ripostes politico-médiatiques. Pour mieux entrer dans l’intelligence de ce phénomène qui semble occuper le devant de la scène politique, des spécialistes nous livrent leurs analyses et leurs compréhensions de la situation, notamment sur les “retrouvailles” entre Idrissa Seck et Abdoulaye Wade qui alimentent, depuis quelque temps, les manchettes et contenus des journaux. Jeux et enjeux pour occuper le terrain politique.

Y a-t-il des stratégies de communication politique qui sous-tendent les relations faites par la presse des négociations et/ou des retrouvailles supposées entre le président Wade et son ex-Premier ministre Idrissa Seck ? S’agit-il plutôt d’actes posés à travers lesquels on peut seulement déceler un heurt de communications politiques qui ne seraient pas véritablement réfléchies et bien chevillées au corps ? Ou bien, serait-ce seulement là l’œuvre de journalistes qui participent à alimenter un débat «sans intérêt», mais auquel le contexte de montée du mercure politique dans le thermomètre électoral donne un versant fascinant, tentant ?

En tout cas, pour le journaliste et politologue Babacar Justin Ndiaye, «entre le camp présidentiel et le groupe de Idrissa Seck, on se talonne, on se tacle, on se marque à la culotte, sur le plan de la communication pour tenir le plus longtemps possible le haut du pavé face à l’autre». C’est pour ensuite rappeler la dernière sortie publique de l’ex-n°2 du Parti démocratique sénégalais (Pds), le 4 avril dernier. A ce niveau, Babacar Justin Ndiaye note que «Idrissa Seck avait marqué un grand coup en annonçant sa candidature» à la prochaine présidentielle. «Il a réussi à le faire devant une brochette de chefs d’Etat et une meute de journalistes venus du monde entier», ajoute M. Ndiaye. La remarque sur cette séquence précise corrobore l’analyse qui avait été faite par Le Quotidien dans sa livraison du mercredi 5 avril, au lendemain du message de Idrissa Seck à la nation, quelques heures avant celui du président de la République. Par «le choix de cette séquence temporelle, écrivait-on à l’époque, pour s’adresser aux Sénégalais en attente d’être fixés sur son sort politique, Idrissa Seck a ruiné la portée du message présidentiel». Sans compter l’effet de surprise que sa déclaration de candidature pour la présidentielle de 2007 avait produit chez Me Wade qui ne s’y attendait pas, lui qui, quelques jours auparavant, avait déclaré, catégorique, devant le Comité directeur du Pds, exclure la candidature de son ex-proche collaborateur. Sur le registre des subtilités du langage, du symbolisme de la date et du contenu de son message et surtout de l’opportunité de se faire entendre par des chefs d’Etat et des journalistes présents à Dakar ce jour-là, Idrissa Seck avait effectivement frappé «un grand coup» comme le rappelle Babacarr Justin Ndiaye.

PRESENCE D’UN ABSENT

Toutefois, ce dernier ne manque pas de relever que dans la bataille communicationnelle actuelle, face au camp de Idrissa Seck, «la riposte n’a pas tardé du côté du palais de Roume où l’on a orchestré des audiences avec Mmes Awa Guèye Kébé, (ancien ministre du Commerce) et Ndèye Maguette Dièye (député-maire du Point E)», toutes deux très proches de l’ancien Premier ministre. Si ces audiences ont été «sans objet», ainsi que le juge Justin Ndiaye, toujours est-il qu’elles étaient «de nature à saper le moral des troupes pro-Idy». Le journaliste-politologue parle ici de «duel à fleurets mouchetés dans le champ médiatique».

A propos de la présence de Idrissa Seck sur le champ politique malgré son absence du territoire national, Babacar Justin Ndiaye la justifie par le fait que l’ancien Pm «dispose de bons relais qui sont pluriels, sans être forcément ses partisans, au sens organique du terme». Il en veut pour preuve «le cas de Me Boucounta Diallo, avocat de premier plan dont le moindre propos fait florès dans les médias». M. Ndiaye cite aussi les déclarations de Fidel du jeune Yankhoba Diattara, les analyses radiophoniques d’un Serigne Mor Mbaye. Pour lui, ce sont là «autant de choses qui maintiennent la flamme Idy, malgré son absence». Et qui plus est, Babacar Justin Ndiaye trouve que «Idrissa Seck a le sens des initiatives les plus politiquement calibrées, comme le prouvent ses contacts avec Latif Guèye, ses contacts épistolaires ou téléphoniques avec Landing Savané». Après avoir noté que ces «faits et gestes gonflent perpétuellement l’intérêt que l’opinion porte à sa personne par-delà les océans», Babacar Justin Ndiaye en conclut que «Idrissa Seck est un génie de la communication politique».