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Politique

PUBLICATION - Un sondage politique au Sénégal : Les incongruités d’une «supercherie»

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PUBLICATION - Un sondage politique au Sénégal : Les incongruités d’une «supercherie»
 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le dernier sondage politique mettant le Président Wade en pôle-position des intentions de vote n’est pas un modèle de rigueur. Des enquêteurs y ayant participé lèvent un coin du voile de ce qui ressemble fort bien à une supercherie.

Sous le titre «Politoscope de l’Alternance: cette évaluation qui place Me Wade en pôle-position», le journal Le Soleil a publié, dans son édition du mercredi 1er mars 2006, une «enquête réalisée sur une grande échelle sur l’ensemble du pays, avec un échantillon de 8 000 Sénégalais de toutes conditions, a permis de dresser le degré de satisfaction de nos compatriotes». Au-delà du fait que cela constitue un précédent qui va ouvrir la boîte à Pandore, car une telle publication de sondage, inspirée par les plus hautes autorités de l’Etat, rend caduques les dispositions de la loi de 1986, relatives à l’interdiction de la publication des sondages politiques. Toutefois, quand on s’intéresse de plus près à ce sondage réalisé, dit-on, à la demande d’un journal français L’Hémicycle, on se rend compte que cela procède, à bien des égards, d’une véritable supercherie conduite par la société Afrique Opinions, sous la férule de Marc Bousquet, qui porte, non sans fierté, le titre de conseiller spécial du président Wade.

DES ENQUETEURS INVALIDENT LES RESULTATS PUBLIES

Nombreux sont les enquêteurs, qui étaient sur le terrain, qui se sont montrés dubitatifs devant les résultats du sondage publié par la presse. A en croire nos interlocuteurs, au vu des résultats collectés, le président Wade serait bien loin de damer le pion à ses adversaires. Bien au contraire.

Le rapport du sondage affirme que le travail de terrain a été effectué par 50 enquêteurs et 6 superviseurs. Cela est bien loin de la réalité. En effet, l’étude a utilisé un groupe de 18 jeunes gens, répartis en deux équipes. La première équipe composée de 8 enquêteurs et d’un superviseur a travaillé dans la région de Dakar et l’autre équipe, qui a évolué dans les régions de Thiès, Louga et Kaolack, devait être constitué d’un superviseur et de 8 enquêteurs, mais a finalement travaillé avec un enquêteur de moins, qui a fait défection. Promesse avait été faite aux agents de terrain qu’ils seraient rémunérés à hauteur de 20 000 francs par personne et par jour. Seulement, lors de la première rencontre entre les agents de terrain et l’équipe de Marc Bousquet à Dakar, à la piscine Olympique, et en présence d’un représentant du maire de Dakar et président de l’Assemblée nationale, Pape Diop, l’enveloppe avait été revue à la baisse. Il leur avait été précisé que, «pour des raisons de contraintes budgétaires», des cachets seront payés, à savoir de 175 000 francs par enquêteur à Dakar et 185 000 francs par enquêteur pour les régions. Chaque superviseur devrait avoir 15 000 francs de plus. Les enquêteurs, qui devaient prendre, à leur propre charge, leurs frais de transports et de séjour à l’intérieur du pays, durant les quinze jours qu’aura duré l’enquête, s’estiment, après coup, floués ; même si l’un d’eux tient à souligner qu’à la fin de «la mission», ils ont reçu, chacun, 15 000 francs supplémentaires.

Lors du briefing tenu à la piscine Olympique, Marc Bousquet était assisté de deux de ses collaborateurs. Consigne stricte de confidentialité absolue avait été donnée aux enquêteurs. Un des enquêteurs confie : «Nous ignorions jusqu’à l’hôtel où étaient descendus les trois Français. Seuls les superviseurs avaient leurs contacts. Ils nous avaient précisé que nous ne devions parler de cette enquête à qui que ce soit. Les résultats devaient être tenus secrets. Les responsables français nous avaient simplement indiqué que l’enquête était menée pour le compte d’un journal français, L’Hémicycle. Un exemplaire de ce journal nous avait été même montrés. Ils nous précisaient aussi que nous n’avions pas à avoir peur, car les autorités de l’Etat étaient au courant ; ce qui expliquait la présence à la séance de briefing d’un représentant du maire de Dakar.»

LES «BONNES» SURPRISES DU SONDAGE

La première surprise est que l’enquête était présentée comme ayant été effectuée sur l’ensemble du territoire Sénégalais. Or, il s’avère que seules quatre régions ont été visitées, notamment les départements de Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque, Thiès, Mbour, Tivaouane, Kaolack, Nioro, Kaffrine, Louga, Linguère et Kébémer. Les enquêteurs que nous avons rencontrés sont formels. Les résultats sont très défavorables au président Wade. Selon certaines données fournies par les enquêteurs, le chef de l’Etat devrait se faire bien des soucis. A la question n° 8 du questionnaire, l’écrasante majorité des personnes sondées ont répondu «voter plutôt pour l’homme» que pour le «parti politique». A la question suivante, il leur a été demandé «s’il devait y avoir des élections, demain, pour quel parti voteriez-vous entre Jëf-Jël (Talla Sylla), Afp (Moustapha Niasse), Ld/Mpt (Abdoulaye Bathily), TTT (Doudou Tattira), Pds (Abdoulaye Wade, Urd (Djibo Kâ), Aj/Pads (Landing Savané), Pit (Amath Dansokho), Ps (Ousmane Tanor Dieng), Fidel (Yankhoba Diattara.» Une fois sur le terrain, les enquêteurs ont été obligés de se retourner vers les concepteurs du questionnaire pour demander quoi faire de certaines réponses, car des personnes interrogées citaient aussi Idrissa Seck, Serigne Modou Kara ou d’autres personnalités politiques dont les noms ne figuraient pas sur la liste proposée. Ainsi, la société de sondage recommandait, le cas échéant, d’ajouter les noms de personnalités citées au bas de la question. Nos interlocuteurs affirment que cela a révélé bien des surprises ; les personnes âgées de 18 à 25 et de 25 à 35 ont souvent cité le nom de Idrissa Seck. Le contexte d’emprisonnement de Idrissa Seck, dans lequel le sondage a été effectué, devrait expliquer ce succès du maire de Thiès. Ousmane Tanor Dieng a réuni autour de sa personne un nombre surprenant d’intentions de vote.

D’autres réponses sont aussi dignes d’intérêt. Par exemple, à la question n° 10, «depuis l’élection du président Me Abdoulaye Wade, des choses ont changé. Dites-moi si, pour vous, elles ont plutôt changé en bien ou plutôt changé en mal ?». Pour de nombreuses personnes interrogées, «la façon de gouverner, la liberté religieuse, les droits de l’Homme, la liberté d’expression» ont changé en mal. Selon les sondeurs, les personnes rencontrées ont souhaité des améliorations sur ces questions : l’entourage du président de la République et le renforcement de la sécurité. A la question n° 13 intitulée «Selon vous, quelles actions le Président Wade a-t-il le mieux réussies ? Citez-moi 2 ou 3», les réalisations les plus citées sont les routes, les Cases des tout petits, la Porte du Millénaire. Cependant, paradoxalement, de nombreuses personnes ont répondu à cette question par la dérision, en citant «les voyages, la pagaille dans son parti».

Pour les personnes sondées, il est difficile de trancher à la question 11 : si le Sénégal est meilleur sous Wade que sous Diouf. Si beaucoup ont répondu que le Sénégal est en chantier, d’autres ont regretté la dégradation du système démocratique. Seulement, la plupart, à la question n° 12, reconnaît, au président Wade, d’être «très attentif aux problèmes des Sénégalais». Il s’y ajoute que, en raison de son âge, la majorité des personnes sondées ont répondu à la question n° 16, pour dire ne pas «souhaiter que Me Wade soit candidat à l’élection présidentielle de 2007».

FOCUS SUR LES DEPARTEMENTS

Au niveau de chaque département, le sondage avait prévu de tester la popularité de certaines personnalités politiques. Les sondés ignorent, la plupart du temps, les noms des députés de leur circonscription (question n°5). Il reste que certains résultats ont été fort surprenants. Par exemple, Modou Diagne Fada plastronne à Kébémer ; en l’absence de Idrissa Seck, Yankhoba Diattara rallie les suffrages à Thiès. D’ailleurs, les réponses à la question 4 bis indiquent que, en «l’absence de Idrissa Seck, les choses sont plus difficiles à Thiès».



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