Cette année, Thiès est à l’honneur pour la célébration de la journée des porteurs de pancartes, les 25 et 26 août 2010. Une décentralisation qui s’explique par le rôle que la capitale du rail a joué, à travers ses dignes fils, à l’accession à l’indépendance. C’est pourquoi, selon Me Mbaye Jacques Diop, président des porteurs de pancartes, les commémorations seront rythmées par une exposition, par des hommages rendus et par un « ndogou-débat » sur la bataille de l’indépendance.
Maître pouvez-vous nous rappeler le sens des célébrations de la journée des Porteurs de pancartes ?
Nous célébrons, depuis une vingtaine d’années, ce grand événement, cette date historique qui a vu se concrétiser la conscience politique des Sénégalais et des Sénégalaises. Les peuples, à travers le monde entier, ont eu à se libérer du joug colonial ou d’autres formes de domination soit par la violence, soit par les armes ou par la négociation ou encore par d’autres voies. Les Africains francophones ont connu la colonisation, l’assimilation et ensuite la lutte pour l’indépendance. Mais, pour avoir cette conscience politique, il a fallu un certain itinéraire, une certaine prise de conscience. Il a fallu que nous soyons témoins de la défaite de Dîen Bien Fu (les troupes coloniales françaises vaincues par les troupes vietnamiennes) ; il a fallu aussi la conférence de Bandung où les pays du Tiers-monde se sont rassemblés pour dire « à bas le colonialisme », « à bas l’impérialisme ». Il a fallu aussi le déclenchement de la révolution algérienne, en novembre 1954 ; il a fallu aussi, en 1955, la nationalisation du Canal de Suez ; il a fallu, en 1956, l’indépendance de la Tunisie et du Maroc. Il a fallu enfin, en 1957, l’indépendance du Ghana. Et 1958, nous autres pays africains francophones, nous commencions, avec la loi cadre, à avoir une autre conscience.
Le moment était venu d’être nous-mêmes, d’être des hommes libres égaux en droits comme les Européens, les Américains et autres. C’est sur ces entrefaites que le Général de Gaulle est revenu au pouvoir (13 mai 1958) avec les événements d’Algérie pour faire sa tournée africaine et nous proposer une nouvelle Constitution de la communauté franco-africaine. Seulement, à cette même année 1958, se sont réunis, les 25, 26 et 27 juillet, à Cotonou, de grands hommes à travers le Pra (Parti du Rassemblement africain) dirigé par Senghor. Il y avait aussi beaucoup d’hommes d’Etat africains qui, face au Rda attentiste et en même temps pour la communauté africaine voulaient aller à l’indépendance. Ce sont ces hommes-là qui réunis pendant trois jours à Cotonou qui ont proclamé trois mots d’ordre : indépendance immédiate, nation centrale africaine et confédération multinationale des peuples libres. Pour la première fois, le Général de Gaulle qui faisait une tournée en Afrique a reçu un accueil tumultueux à Dakar. Pour la première fois aussi, la jeunesse sénégalaise s’est levée comme un seul homme pour réclamer l’indépendance. Il fallait le faire. Et le Général de Gaulle, excédé, s’est adressé aux porteurs de pancartes en leur disant de prendre l’indépendance s’ils la veulent, le 26 septembre. Ce mot qu’il a prononcé à notre endroit en sorte de dérision, nous l’avons récupéré comme un trophée de guerre. C’était un moment fort. Un événement rare, peut-être exceptionnel, une jeunesse qui demande l’indépendance au nom du peuple. C’est aussi une date historique qu’il faut fêter.
Cette année, peut-on savoir que seront les moments forts de la célébration ?
Cette année, nous irons à Thiès pour décentraliser. Nous allons également rendre hommage à deux personnalités historiques de Thiès, en l’occurrence le Docteur Issa Basse, chirurgien dentiste et signataire du Manifeste du Pai, en 1957, dont l’épouse était aussi pharmacienne à Thiès. C’est chez eux qu’est né le Pai, en septembre 1957. Nous allons donc rendre hommage à cet homme, mais aussi à sa femme et à son action pour ce qu’il a fait durant sa vie pour le Sénégal et pour l’Afrique. L’autre personne à qui nous allons rendre hommage, c’est Amadou Bouta Guèye, lui aussi originaire de Dakar, thiessois d’adoption. Il a été signataire du Manifeste du Pra, en 1958, et vice-président de l’Assemblée nationale, membre du Comité exécutif de l’Ups. En rendant hommage à ces deux personnalités, nous rendons hommage aussi aux pionniers de l’indépendance, à ceux qui ont cru très tôt que le Sénégal, l’Afrique peuvent aller à l’indépendance. Nous le ferons en présence de leurs familles, le 26 août 2010. Mais la veille, nous ferons un vernissage d’une exposition photos retraçant tous ces événements et, après, vers 19 heures, nous ferons un « ndogou-débat » autour du thème : « Rôle du Pai dans la lutte pour l’indépendance des pays africains ». Nous allons aussi impliquer dans cette célébration les cheminots sénégalais et maliens.
Pourquoi avoir choisi la capitale du rail cette année ?
Nous avons pensé que le moment était venu de décentraliser nos activités et ne pas seulement se cramponner à Dakar. Et nous avons cherché aussi en décentralisant à savoir quels sont les hommes et les femmes de Thiès à qui on pouvait rendre hommage. C’est pourquoi la cérémonie sera présidée par Abdoulaye Diop, ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances. Lui-même Thiessois d’origine, de naissance, homme d’Etat qui, depuis dix ans, gère nos finances.
Egalement le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, a également décidé d’assister à notre commémoration du 26 août. Il le fait par affection pour nous et cela nous fait chaud au cœur. Mais Souleymane Ndéné Ndiaye est le fils de Modou Biram Ndiaye, qui était un des nôtres. Nous avons milité au Mjps où il a été membre du Comité directeur. Il était porteur de pancartes.
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