LA RTS REÇUE EN AMERIQUE - Qui va payer ?

Le président de la République du Sénégal, Me Abdoualye Wade a procédé le jeudi 11 mai dernier au lancement de la réception du signal de la télévision sénégalaise aux Etats-Unis et dans une grande partie du continent américain. Cette offre est bien accueillie par le public trié sur volet, venu assister à ce lancement. Cependant, la cérémonie a laissé à plusieurs observateurs, un goût d’inachevé. Ils se posent également la question de savoir : qui va payer ?

Le signal de la Rts est désormais capté depuis les Usa et le Canada ainsi qu’une grande partie de l’Amérique du Nord. La cible principale de ce nouveau service est constituée cependant, par les Sénégalais vivant aux Etats-Unis et au Canada. C’est le Président Wade, lui-même qui a rappelé dans son discours retransmis en direct au Sénégal qu’en réalité, même si les autres seront en mesure de recevoir la télévision sénégalaise, ce qui intéresse son gouvernement, ce sont ses compatriotes qui ont toujours formulé la demande. Me Wade a expliqué que ce vœu des Sénégalais de la Diaspora a toujours été pour lui d’une grande importance. C’est pourquoi, selon ses propres dires, quand un compatriote du nom de Loum Diagne lui a présenté le projet, il a appelé son Premier ministre Macky Sall, pour lui donner des instructions à ce sujet. Le Président a donc tenu à le féliciter ainsi que son ministre de l’Information, Bacar Dia qui avait en charge, l’exécution de ce que Daouda Ndiaye le directeur de la Rts qui a réalisé un duplexe dans le journal de 20h30, a qualifié de « rêve » qu’il nourrissait pour sa boîte. Comme pour doucher un peu l’ardeur du patron de la Rts, Me Abdoulaye Wade a rappelé à Daouda Ndiaye qu’il ne suffisait pas d’envoyer le signal de la télévision sénégalaise sans proposer aux téléspectateurs des programmes qui méritent leur fidélité. C’est ainsi qu’il a demandé au Dg, de proposer une production télévisuelle alléchante, mais aussi de permettre à des producteurs situés de l’autre côté de l’Atlantique d’offrir leur service.

Cependant, force est de reconnaître que cette rencontre a laissé un goût d’inachevé. Les quelque 200 Sénégalais qui étaient présents se sont demandés pourquoi les organisateurs de cette cérémonie ont pu oublier de fournir l’information principale qui consiste à leur expliquer comment faire pour recevoir le signal. Il aurait été utile de produire une documentation pour informer dans les détails, la procédure à suivre pour acquérir ce signal tant vanté par les autorités, comme étant une réalisation importante pour les émigrés. Ni l’assistance, ni la presse ne savaient qui contacter pour regarder la télé de Daouda Ndiaye en Amérique. Quand Sud Quotidien a voulu en savoir un peu plus sur ce sujet, en interpellant à quatre reprises, Loum Diagne, que Me Wade a présenté comme le principal responsable de cette réalisation, ce dernier a quasiment refusé de se prêter aux questions. A moins que ce choix de la « non-communication », ne soit motivé par le désir d’attendre le départ de Me Wade pour livrer aux Modou-modou, la « mauvaise » nouvelle qui consiste à leur dire que c’est plus leur dollar qui est la motivation principale de la venue de la télévision nationale qu’autre chose. C’est possible, d’autant que certaines informations qui circulaient après la cérémonie faisaient état d’un coût de 200 Euros pour l’obtention du décodeur et un abonnement mensuel dont le montant n’est pas encore communiqué. On peut le penser d’autant que lors de la rencontre, quand le Président Wade a fini de présenter Loum Diagne, ce dernier a à son tour présenté ses partenaires de la compagnie General Dynamique qui ont offert au chef de l’Etat sénégalais, un certain nombre de décodeurs que celui-ci a distribués à des membres de l’audience triés sur le volet. Cela peut faire penser donc que l’option de la vente de ces décodeurs est déjà prise.

Par ailleurs, l’information sur le mode réception est importante. Aux Etats-Unis plus que partout ailleurs, il y a une multitude de fournisseurs de signal télévisuel. La voie la plus connue est ce qui est appelé open source. Avec ce procédé, les grands réseaux de télévision que sont ABC, CBS, NBC FOX et les chaînes locales qui sont souvent les affiliées de ces grands réseaux sont reçues par n’importe quel poste récepteur équipé d’une simple antenne. Les chaînes câblées dont la plupart au Sénégal, sont CNN Cable Network Television (de dimension moindre), offrent leur signal principalement par deux voies. La plus prisée est constituée des compagnies locales de télévision câblée. Ces compagnies ne font pas payer aux chaînes qui y sont présentes des droits pour reprendre leur signal. Ces dernières considérées comme fournisseurs de contenu, ne sont responsables que d’une bonne qualité de leurs programmes pour être transportées vers le client qui est leur source de revenu en tant que souscripteur et cible des annonceurs.

La deuxième voie est celle qui consiste à utiliser les satellites. La face visible de ce type de transport de signal télévisuel dans les grandes villes américaines sont : Dish Network, Direct TV et autres. Mais cette voie a l’inconvénient, pour beaucoup de Sénégalais, de nécessiter des antennes spécifiques dans les grandes villes, ou le plus souvent ces derniers vivent dans des immeubles à appartement. Les « satellitaires » requièrent des antennes extérieures encastrées dans les murs de ces immeubles pour pouvoir fonctionner. Et très peu de propriétaires de ces immeubles permettent de creuser pour installer ces antennes. Espérons que les décodeurs de la compagnie qui nous envoie le signal Rts via les deux satellites d’Intelsat ne nécessiteront pas des antennes extérieures.

En donnant des instructions à Daouda Ndiaye, lui demandant de concevoir des programmes alléchants, Me Abdoulaye Wade dit que c’est beaucoup d’argent qui est investi pour réaliser ce « rêve ». Ce qui nous conduit à nous poser des questions : Beaucoup d’argent investi par qui et pourquoi ? Comme expliqué plus haut, si c’est un fournisseur privé qui va vendre des décodeurs et des abonnements mensuels pourquoi l’Etat du Sénégal devrait supporter son préfinancement ? En l’absence de données disponibles de la part des autorités de la Rts pour un besoin de transparence, on ne peut se limiter qu’à poser des questions. Ceux qui suivent l’actualité concernant les rapports entre la compagnie WorldSpace et des radios au Sénégal feront le lien avec la position du Groupe Sud Com qui avait en son temps dit à WorldSpace qu’en tant que fournisseur de contenu, il ne peut pas payer de l’argent pour permettre à la compagnie américaine de faire abonner les auditeurs de Sud FM. Par contre nos confrères de Wal-Fadjri eux ont signé un contrat qui les obligeait payer à la compagnie américaine des sommes substantielles. Pour finalement se retrouver au tribunal et être condamnés à payer.

Dame Babou
Correspondant Permanent en Amérique Nord