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Politique

Jérome GODART, mandataire du groupe Offnor : "Karim Wade, Macky Sall et Moi"

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Jérome GODART, mandataire du groupe Offnor : "Karim Wade, Macky Sall et Moi"
Jérome GODART, mandataire du groupe Offnor : ‘Nous avions atteint avec les Ics un point de non retour’
Jérôme Godart, un homme d'affaires français qu'on ne présente plus. Tellement son nom est lié aux difficultés des Industries chimiques du Sénégal (Ics). Cet homme d'affaires français, représentant légal de la société chypriote, Offnor, dans le contrat liant les deux partenaires, a été à l'origine du blocage des comptes des Ics. Dans la première partie de l'entretien exclusif qu'il nous a accordé, M. Godart avance les raisons qui l'ont poussé à faire des saisies conservatoires. L'homme d'affaires n'aimerait pas que sa photo soit publiée, à titre illustratif, dans l'entretien. A la place, une ombre à l'image du dossier Ics.


Wal Fadjri : Depuis que les Industries chimiques du Sénégal ont vu leurs comptes bancaires à Paris et à New-York bloqués, on parle beaucoup de vous. Mais qui est Jérôme Godart ?

Jérôme Godart : Je suis un employé de la société Offnor. Une société qui existe depuis cinq ans maintenant et qui, contrairement à ce qui a pu être dit, présente de bons résultats, puisque tous les bilans d'Offnor sont positifs. C'est une société qui est spécialisée dans le courtage et dans le négoce de produits dont les fertilisants pour une grosse partie de son activité.

Wal Fadjri : Vous êtes plus connu des Sénégalais comme celui qui a mis en défaut les Ics auprès de la justice française et fait bloquer ses comptes à la suite des saisies conservatoires.

Jérôme Godart : Et on (notre partenaire les Ics, Ndlr) m'a poussé à le faire. Quand on voit que les choses n'avancent pas et que le partenaire est en train de se comporter en parfaite mauvaise foi, qu'il ne respecte aucun de ses engagements et que l'on subit des pertes financières et des dommages commerciaux, on est obligé de prendre des mesures qui ne sont pas toujours agréables à prendre. J'ai des obligations envers mes directeurs et mon conseil d'administration. Nous avions atteint un point de non retour.

Wal Fadjri : Quand même ce blocage des comptes a conduit les Ics dans une situation très difficile au point qu'elle ne peut plus payer à ses employés sans un coup de pouce de l'Etat.

Jérôme Godart : Oui les comptes sont bloqués, mais ce n'est pas M. Godart qui a commencé les premières actions. Quand nous avons vu que d'autres sociétés bouger pour se protéger contre les Ics en faisant des saisies conservatoires, ayant perdu de l'argent et ayant des préjudices, on s'en est remis à la justice pour protéger nos intérêts. Et je voudrais dire une petite chose qui a été oubliée : c'est que la situation de concordat ou de règlement préventif des Ics aurait dû se passer au mois de mai 2005 puisque les Ics n'avaient pas le premier dollar pour rembourser l'emprunt obligataire. Si Offnor n'avait pas mis plus de 30 millions de dollars de lettres de crédit et d'engagements commerciaux au mois de mai 2005, les Ics s'arrêtaient de tourner à partir de juin 2005 et ne seraient pas allées jusqu'au mois de février 2006. Accuser donc Offnor d'avoir bloqué les comptes est une chose, mais on ne l'a jamais accusée au mois de juin dernier d'avoir mis plus de 30 millions de dollars de lettres de crédit à la disposition des Ics, bien au contraire.

Wal Fadjri : Quelles sont les institutions financières auprès desquelles Offnor avait négocié ces lettres de crédit ?

Jérôme Godart : Offnor, en tant que société de négoce, a des lignes de crédit auprès de ses banques. Elle a dû faire appel à des partenaires commerciaux puisqu'il faut savoir une chose qui est très grave, c'est qu'Offnor a signé des contrats de vente début juin 2005 sur des achats de produits que les Ics devaient livrer. Offnor a ouvert des lettres de crédit, et pour ouvrir des lettres de crédit, elle est immédiatement allée revendre à d'autres partenaires sur le marché international qui sont des sociétés de premier rang, avec un bénéfice sur les marchés de Dap (engrais) de 5 dollars à la tonne. Ce qui me paraît, par rapport aux engagements financiers et aux risques, une marge tout à fait correcte pour un négociant. Offnor a revendu à des partenaires qui se sont engagés financièrement, adossant Offnor de façon à ce que celle-ci puisse mettre en place les lignes de crédit aux Ics. Le problème est que, sur les mois de juillet et août 2005, les marchandises n'ont pas été livrées. A partir de la mi-août jusqu'à fin septembre, le marché a fortement monté. Les acheteurs à qui Offnor avait vendu les produits que les Ics devaient lui livrer, nous ont mis en défaut de livrer. Offnor s'est retrouvée dans une situation où elle a dû racheter des marchandises sur le marché international après hausse. Elle s'est retrouvée à perdre 40 dollars à la tonne de produit livré de façon à ne pas se retrouver en défaut avec ses partenaires commerciaux sur le marché international.

Wal Fadjri : A combien s'élève le montant cumulé des pertes enregistrées par Offnor dans le cadre de son partenariat avec les Ics ?

Jérôme Godart : Les pertes de Offnor sont de plusieurs millions de Us dollars sans parler des manques à gagner, du travail effectué pendant un an avec toutes les équipes qui ont adhéré à la politique Offnor. Il y a eu énormément de déplacements de conseillers, il y a eu des missions, des équipes juridiques, etc., qui ont fait un travail remarquable.

Wal Fadjri : Comment aviez-vous réussi à nouer ce partenariat avec les Ics ?

Jérôme Godart : J'ai une relation d'amitié avec le Sénégal et les Sénégalais. Nous n'avons jamais fait d'affaires avec le Sénégal. Nous avons été contactés en décembre 2004 pour venir apporter une certaine expertise commerciale et technique au dossier des Ics, notamment avec l'arrivée de Ousmane Ndiaye (directeur général des Ics, Ndlr). Il s'agissait de voir comment nous pouvions apporter une valeur ajoutée. J'ai été personnellement conquis par Ousmane Ndiaye et par le challenge que présentait la situation catastrophique des Ics. Nous avons pensé qu'il y avait des solutions techniques, commerciales et organisationnelles à apporter aux Ics dans le cadre d'une politique de redressement. Sur ces bases nous avons accepté de collaborer au dossier Ics. Tout à commencer à partir de décembre 2004 avec des équipes spécialement mises en place à cette fin.

Wal Fadjri : La société Offnor a-t-elle été retenue à la suite d'un appel d'offres pour la restructuration des Ics ?

Jérôme Godart : La société Offnor n'a jamais été retenue sur la restructuration des Ics, puisqu'elle n'a jamais été chargée ou mandatée pour une telle mission. Nous nous sommes attachés à faire des propositions sur deux pôles d'activité des Ics : les engrais complex et la phyto-pharmacie Les engrais complex, c'est en fait de la production de l'usine de Mbao. A la base, cette unité vendue par les Français il y a 23 ans était destinée à la production de Dap, une production semi élaborée qui entre dans la production du Npk, l'engrais complex utilisé par l'agriculture sous-régionale. Il est bon de rappeler qu'il y a 23 ans, les productions agricoles sud américaines n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui (Brésil + Argentine = 1er producteur de Soja de la planète/environ 100 millions de tonnes). L'unique alternative pour les Ics à cette époque était d'exporter le Dap en Europe (France) pour qu'il soit transformé en Npk afin d'être revendu (par des sociétés françaises et non les Ics) sur divers marchés dont la sous-région ouest-africaine. Des restes de colonialisme… (Rire) Le Sénégal, ayant pris conscience de cette situation, décida de re-orienter l'usine sur une production de Npk (engrais complex pour la sous-région). Ce qui était légitime puisque les marchés sud américains n'étaient pas ce qu'ils sont pour absorber d'énormes quantités de Dap à très bon prix. Le petit problème qui se posait, était que l'usine devait produire les Npk avec concentrations de N de P et de K par granule, soit des arrêts récurrents à chaque changement de formule et, par conséquent, une productivité médiocre (environ 150 000 tonnes par an) et des prix de revient, bien au-delà des productions des pays d'Europe de l'Est, d’où les pertes enregistrées pour partie. Moyennant quelques investissements (environ Usd 8 millions) et une bonne maintenance, Mbao (sans arrêt pour réglage entre les formules) avait une capacité de production de 300 000 tonnes par an de Dap. La physionomie du marché international pour ce marché (Dap) ayant changé en 23 ans (marché sud américain), il était normal que les Ics ajustent leur production, en améliorant leurs résultats (gains au lieu de pertes). Surtout qu'il suffit de regarder une carte du monde pour voir l'avantage géographique du Sénégal par rapport à ses concurrents d'Europe de l'Est, du Maroc ou encore des Usa. Le seul problème qui persistait, était la production de Npk pour les marchés agricoles d'Afrique de l'Ouest soit environ 200 000 tonnes. Offnor avait proposé et les Ics avaient accepté la mise en place sur le port de Dakar d'une unité de transformation par mélange de 80 000 tonnes de Dap en 200 000 tonnes de Npk. Offnor a, par ailleurs, fait l'acquisition de tous les équipements relatifs à ce projet suite à la signature d'un protocole daté du 27 mai 2005. Offnor s'engageait également à financer les matières premières négociées directement par les Ics et à acheter et pré-financer sur des programmes annuels au prix de marché international. Le reliquat d'environ 220 000 tonnes de Dap devant être vendues sur l'Amérique du Sud. Le montage était économiquement viable et les Ics gardaient le contrôle de leurs opérations. Offnor ne se positionnait donc pas en prédateur mais comme un partenaire qui permettait de réorienter et optimiser les productions d'engrais complex. Pour ce qui est de la phyto-pharmacie, les Ics avaient, sur décision du Conseil d'administration, fait une consultation par appel d'offres pour la vente de 70 % de l'activité de phyto-pharmacie de Senchim. La meilleure offre était celle de la société béninoise de Patrice Talon, Sdi. Cette offre de 1,7 milliard de francs Cfa avait été rejetée par le Conseil d'administration comme étant trop basse. Celui-ci escomptait la somme de 2 milliards de francs Cfa. Offnor (avec le support technique d'un des n° 1 du secteur) avait offert la somme de 2,1 milliards de francs Cfa, ce qui a été accepté par les Ics et entériné par la signature du protocole du 27 mai 2005. A aucun moment, Offnor n'a travaillé à la restructuration des Ics, tant auprès des banques, créditeurs divers, que sur la partie mine et acides phosphoriques que nous avons toujours annoncées comme étant hors de notre domaine de compétence.

Wal Fadjri : Que gagnait le Groupe Offnor dans ce partenariat stratégique avec les Ics ?

Jérôme Godart : Offnor se retrouvait partenaire avec les Ics sur de la production de Npk en mélange. Elle se retrouvait aussi partenaire des Ics pour l'achat de quantités de Dap qui pouvaient être exportées sur de nouveaux marchés.

Wal Fadjri : Pourquoi ce plan a-t-il échoué ?

Jérôme Godart : Pas par nos manquements…Je serais aussi curieux que vous de le savoir…

Wal Fadjri : Le plan laissait-il des fenêtres pour le versement de commissions occultes ?

Jérôme Godart : Je n'ai pas pour habitude de commissionner sans que les intermédiaires n'aient un rôle et une activité commerciale bien déterminée et précise. Je ne rentrerai pas dans la polémique des commissions, ça ne m'intéresse pas et ne me regarde pas. J'insiste sur une chose qui me paraît être la plus importante et essentielle aujourd'hui ; c'est que ce plan permettait à Mbao de redevenir profitable par le biais de quelques investissements judicieux. Il permettait aux Ics de s'ouvrir sur de nouveaux marchés et de baisser les prix de revient de Npk en entrant dans des productions qui étaient calquées sur les méthodes utilisées par les concurrents des Ics, à savoir Yara, la Scpa (une société française) qui est d'ailleurs un actionnaire des Ics et qui concurrence les Ics au départ de son mélangeur de Côte d'Ivoire. Cela permettait également de concurrencer des gens qui sont très compétitifs et qui ont des coûts de production très bas. Et là, je pense aux Polonais de Politché, aux mélangeurs et aux productions de Mer Noire, sans pour autant écarter la capacité de concurrencer des Espagnols ou des Belges.

Wal Fadjri : Combien avez-vous versé comme commissions pour être partenaire stratégique des Ics ?

Jérôme Godart : Aucune. Je n'ai versé aucune commission pour être partenaire stratégique des Ics. J'ai investi, j'ai mis des gens au travail, je me suis entouré des meilleurs professionnels. Et mon objectif était d'entrer dans un partenariat avec les Ics qui soit basé sur une complète transparence et sur la performance. Je pense que la priorité des priorités est quand même les 2 500 emplois, la vitrine que représentent les Ics pour le Sénégal dans le monde, et une capacité pour les Ics à se mouvoir sur ce marché. N'oublions pas une chose, c'est que les Ics ne sont pas seules. Elles sont concurrencées. On est aujourd'hui sur un marché ouvert qui est très concurrentiel. Il est certain que toutes les autres sociétés internationales ont adopté des politiques de transparence, et on le voit de plus en plus. Je crois que la page de l'occulte est tournée, et que nous sommes maintenant dans une génération de transparence, une génération de performance. Mon approche des Ics était une approche tout à fait droite qui était de penser que l'outil de travail pouvait être valorisé, pour autant qu'il soit bien géré, que quelques investissements soient faits, qu'il soit restructuré.

Wal Fadjri : Vous êtes cité comme témoin dans le contrat signé entre l'armateur grec, la Sts et les Ics. Comment en êtes-vous arrivé à cela d'autant plus que vous aviez déjà signé avec la société sénégalaise ?

Jérôme Godart : Je connais effectivement la société Stc qui est un transporteur maritime depuis le début du 20e siècle. L'arrière-grand-père du dirigeant actuel de Stc a fait l'acquisition de ses premiers bateaux en 1901. Ces bateaux avaient déjà des capacités de 5 000 tonnes. Ce qui était l'équivalent des plus gros bateaux existant aujourd'hui. Stc est une société qui en est à sa quatrième ou cinquième génération d'armateur. Elle est propriétaire de bateaux et a un énorme savoir-faire, avec une équipe d'ingénieurs, de capitaines de port, etc. Stc a une grande expertise du marché du transport maritime sur l'Afrique de l'Ouest. J'avais effectivement été l'initiateur d'une rencontre entre Ousmane Ndiaye (directeur général des Ics, Ndlr) et le dirigeant de la société Stc, M. Raisis (Anastosios Raisis, Pdg de Stc, Ndlr) dans le sens où je pensais que Stc pouvait apporter des économies substantielles dans le cadre d'une relation avec les Ics. Je n'ai pas participé aux négociations entre Stc et les Ics. Je suis simplement l'initiateur de présentations qui ont été faites. Après, les gens se sont mis à travailler ensemble. Ousmane Ndiaye était très heureux de cette nouvelle rencontre, de cette nouvelle relation et des perspectives d'économie que présentait une collaboration avec Stc puisqu'on parlait d'économie de près 4 à 5 dollars à la tonne pour les Ics sur le transport maritime du soufre qui est de l'ordre de 600 000 à 700 000 tonnes par an. L'économie d'échelle était donc très importante pour les Ics. (A suivre)



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