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Politique

IDRISSA SECK ET OUSMANE NGOM - Une inimitié tenace

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IDRISSA SECK ET OUSMANE NGOM - Une inimitié tenace

Les relations fraternelles tissées dans l’Hexagone ne résisteront pas aux ambitions politiques des deux responsables libéraux. Entre Idrissa Seck et Ousmane Ngom, c’est l’histoire de deux camarades de chambre qui s’est mue en une adversité féroce.

On est en 1998, au domicile de Me Abdoulaye Wade sis au Point E. Assis sur un canapé situé dans la cour, Idrissa Seck et Aminata Tall devisent tranquillement. Idy apporte son jugement sur des modifications que le secrétaire général du PDS vient d’effectuer dans sa formation. " Un porte-parole (Me Ousmane Ngom, NDLR) qui ne prend jamais la parole. Maître (Abdoulaye Wade, NDLR) est le seul habilité à parler au nom du parti ". En effet, le secrétaire général national du PDS vient d’opérer un léger remaniement au niveau de l’instance suprême de son parti, le comité directeur. Il crée deux nouveaux postes de secrétaires généraux adjoints affectés respectivement à Me Ousmane Ngom et à Idrissa Seck. Me Ngom vient en pôle position puisqu’il demeure numéro deux et porte-parole du PDS. Idrissa Seck qui voit ses pouvoirs renforcés n’en arrive pas moins derrière Ousmane Ngom dans la hiérarchisation du PDS.

On assistait ainsi aux premières manifestations d’une crise encore latente entre les deux hommes. Plus tard, Me Ousmane Ngom étalait ses frustrations dans une déclaration qui a précédé sa démission du PDS et rendue publique dans la presse. Elle ne s’adressait pas à Idrissa Seck, mais à Me Wade dont le choix s’était porté sur l’enfant de Thiès. Depuis lors, près de deux décennies d’une relation fraternelle se sont transformées en inimitié quasi éternelle. L’itinéraire des deux hommes conté par Me Ngom remonte dans la capitale française. L’avocat y suivait à partir de 1980 un troisième cycle Relations internationales à la Sorbonne, après une maîtrise obtenue à l’Université de Dakar. Une année plus tard, Idrissa Seck titulaire d’un baccalauréat et muni du numéro de téléphone de Ousmane Ngom atterrit à Roissy. " Je m’appelle Idrissa Seck et je suis le neveu d’Alioune Badara Niang. Je voulais juste passer quelques jours chez toi, au maximum une semaine ", aurait dit le jeune bachelier à Ngom. Il passera finalement des années dans le studio sis au 40, Rue Pascal. Seck voulait s’inscrire en HEC, mais dut se contenter de l’IEP. Leur cohabitation fut à l’image de celle de tous les étudiants sénégalais résidant dans l’Hexagone. Ngom et des voisins sénégalais étaient les cordons bleus, alors qu’Idy était affecté à la vaisselle. " Tâche dont il avait du reste du mal à s’acquitter ", raconte Me Ngom. Les deux étudiants qui ne disposaient pas encore de bourses étaient financièrement appuyés par Me Abdoulaye Wade qui ne manquait jamais l’occasion de venir leur rendre visite. Me Ngom bénéficiait déjà d’un riche parcours politique qui a commencé en 1975 alors qu’il était en classe de seconde. Pendant les vacances de Noël de la même année, il tombe à Saint-Louis sur le premier numéro du " Démocrate ", le journal du parti chez un cousin de Me Wade, Iba Gaye. Convaincu par la profession de foi qu’il avait lue dans le journal, il adhère en achetant la carte de membre à 100 F Cfa, non sans avoir vendu un de ses cahiers d’école. Il a eu l’honneur d’assister en 1976 au premier congrès du PDS à Kaolack ainsi qu’aux difficultés liées à l’organisation d’un tel événement. A la veille de la manifestation, Me Wade perd ses deux principaux lieutenants dans les régions de la Casamance et du Fleuve. Yoro Kandé et Saliou Gaye ont rallié le PS emportant avec eux l’argent prévu pour la tenue du congrès. Me Wade est obligé de s’en soumettre à Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma qui prit en charge les dépenses liées à l’organisation de l’évènement.

Dès la première année en Faculté de Droit, Ousmane Ngom est coopté à la Direction des jeunes libéraux et le journal " Takkusan " lui sera confié. Il va sortir de l’anonymat à la suite d’un article sur l’ONCAD, si bien rédigé que le secrétaire général du PDS prit la décision de le publier dans le " Démocrate ", le journal du parti. C’était son premier face-à-face avec Me Wade dans l’étude de ce dernier. Et fut par la suite l’un de ses plus grands défenseurs : en 81, il est incarcéré pendant deux mois dans la première affaire des " armes libyennes " pour avoir intercédé en faveur de deux subalternes de l’étude de Me Wade que des gendarmes sans convocation, ni mandat sont venus arrêter. " Qui est ce Ngom qui fait du juridisme ? ", avait tonné le patron des hommes en tenue. La manière dont les avocats l’avaient défendu ont poussé Ousmane Ngom à choisir le barreau, à la place du professeur d’université. En 85, il fut l’avocat de Me Abdoulaye Wade à la suite de la marche contre l’apartheid. Réaction du secrétaire général du PDS après sa libération : " Ku layool sa serigne bamou guène dagnu koy Cheikhal " (littéralement : qui défend son maître avec succès mérite une distinction ".

L’héritage du PDS

en question

Où était Idrissa Seck en ce moment ? " Il a acheté sa carte du PDS durant les vacances de 86 mais ne s’est jamais engagé comme un véritable militant ", répond l’actuel ministre de l’Intérieur qui avait entrepris, en début 80, avec d’autres " frères " libéraux dont Mody Sy et Youssou Diagne… d’installer l’Organisation des travailleurs et étudiants sénégalais en France. " Le récépissé du mouvement comporte d’ailleurs l’adresse de mon studio ", précise O. Ngom. Et quand Idrissa Seck se décida à plonger dans la politique, Ousmane Ngom aurait été le passage obligé pour se faire un nom. D’abord, pour avoir présenté Idrissa Seck aux militants libéraux en 86 lors d’une conférence au Relais route de Ouakam, pour l’avoir ensuite fait connaître du public sénégalais en contribuant à sa désignation comme directeur de campagne du candidat Wade en 88. Même les speeches à connotation très religieuse d’Idrissa Seck porteraient l’empreinte de l’actuel ministre de l’Intérieur. Ayant suivi des cours d’arabe jusqu’au baccalauréat et la proximité d’un père arabisant aidant, Ousmane Ngom aurait beaucoup contribué à renforcer les connaissances d’Idrissa Seck en citations arabes. Ce dernier n’aurait qu’une connaissance livresque du coran avant de fréquenter Me Ngom, déclarent les proches de ce dernier. Tout compte fait, la sortie d’Idy lors de la campagne électorale de 88 sur la télévision nationale lui ouvrit le cœur de beaucoup d’adeptes du " Sopi ". Alors directeur de campagne de Wade, Idrissa Seck avait cloué au pilori certains chefs religieux qui avaient appelé à voter pour Diouf. Est-ce par jalousie qu’Ousmane Ngom lui a repris en 93 le poste de Directeur de campagne qui se réduisait en 88 à l’organisation de la prise de parole au sein de la formation libérale ? Les raisons de la brouille entre les deux hommes sont différemment interprétées au niveau du PDS. Dans une interview accordée au journal L’Observateur en avril 2004, Me Ngom y dresse le " portrait " du maire de Thiès : " Idrissa Seck, c’est la perfidie, le ver dans le fruit, qui agit toujours sournoisement pour réaliser dans le dos de Wade ses lubies, son destin présidentiel ". En d’autres termes, il est reproché à l’ancien PM d’avoir, depuis la première expérience gouvernementale du PDS en 91, planifié un programme pour se hisser au sommet du PDS et du pays. Pour Me Ngom, " Idy a commencé à s’intéresser au PDS dès qu’on est entré dans le gouvernement. Il a compris que nous n’étions pas un parti d’opposition pur et dur et qu’il pouvait tirer profit d’une telle situation ". Le président Wade a déjà présenté Idrissa Seck comme un militant de la première heure, " venu au parti très jeune, en même temps que Serigne Diop, Ousmane Ngom, etc ". Avant de poursuivre : " Idrissa Seck est entré dans le parti avant son baccalauréat. Il a fait partie des membres fondateurs de l'OTESF (Organisation des étudiants et travailleurs sénégalais en France), une organisation que j'avais lancée en 1974/1975 (…) ". Alors que l’adjoint au maire de Thiès, Nguirane Ndiaye, reste convaincu que le fossé entre Seck et Ngom est devenu béant en 2000, quand l’actuel ministre de l’Intérieur avait décidé de soutenir le candidat du PS et de s’attaquer à Me Wade. D’autres proches de l’ancien PM estiment qu’Idrissa Seck ne se serait pas opposé au retour d’Ousmane Ngom si celui-ci s’était contenté de créer son parti, le PLS. " Il a soutenu Diouf et attaqué le secrétaire général du PDS ", rappellent-ils. Même si toutes les deux parties croient à une possibilité de retrouvailles entre les deux leaders politiques, l’issue de la crise entre Idy et Ngom est trop ténue. Beaucoup de choses se sont passées depuis la rue Pascal. Idrissa Seck s’est taillé des habits de chef après avoir gravi tous les échelons dans le parti, exception faite de celui de secrétaire général national. Me Ngom, déjà numéro deux du PDS, n’est pas revenu au PDS pour jouer les seconds rôles. L’héritage du PDS sera nécessairement au centre des débats entre les deux hommes. A l’intérieur comme en dehors de la formation libérale.



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