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Politique

IDRISSA SECK DEFIE Me WADE : L’envers et l’endroit d’une candidature

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IDRISSA SECK DEFIE Me WADE : L’envers et l’endroit d’une candidature

Idrissa Seck est revenu de Paris débarrassé des principes fondateurs de son action politique. Le président Wade est désormais sa cible et son parti, le PDS, est pour lui une belle à conquérir. Mais dans sa course vers le fauteuil présidentiel, l’édile de Thiès ne cesse de semer les germes de sa désillusion.

« Puisque vous ne voulez plus de moi, vous m’aurez en face de vous ». La supplique de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck meublera encore le temps qui nous sépare des échéances électorales qui pointent à l’horizon. Un roman écrit d’avance, tant celui qui passait pour l’homme de confiance du président Wade a posé un à un les jalons de sa rupture avec la formation qui l’a révélée au public. Idrissa Seck face à son ex-mentor. « Rewmi », surgeon libéral face au Pds. Et l’on promet déjà des torrents de sang et de larmes dans ce duel qui, selon moult analyses, risque d’emporter le parti au pouvoir, comme le Ps qui s’est naguère effondré face à la dissidence de Djibo Kâ et de Moustapha Niasse.

Mais, c’est assurément s’attacher à l’apparent que de dérouler déjà le tapis rouge au maire de Thiès. Car, celui qui se veut candidat à la prochaine présidentielle ne cesse de semer, depuis un moment, les germes de son échec politique.

Homme politique aseptisé

La politique n’est pas une prévision météorologique. Ce n’est pas non plus une addition de certitudes. « Le présent », écrit André Gide, « serait plein de tous les avenirs si le passé n’y projetait déjà une histoire ». Et Idrissa Seck, qui se propose un unique avenir (celui de président de la République du Sénégal), a, hélas ! un passé. L’image qu’il veut faire passer, d’homme politique aseptisé (« tout centime que je possède a une origine licite »), versé dans la vérité (invocation continue du Coran) et uniquement préoccupé par son pays, résiste difficilement au filtre de ce passé récent où l’homme faisait et défaisait les carrières. Il semait la fortune dans la maison de ses amis et réservait aux autres – pas forcément ses adversaires – l’insuccès. Il avait la confiance totale, aveugle même de celui qu’il appelait alors « affectueusement » Gorgui. Y’a-t-il plus grande preuve que cet aveu même de l’ancien directeur de Cabinet du président Wade qui soutient dans un de ces fameux Cd qu’au lendemain de la victoire sur le Ps, le vainqueur du 19 mars 2000, qui le recevait chez lui, avait estimé nécessaire de faire sortir sa femme et son fils pour s’entretenir avec lui ?

On sait ce qu’il est advenu de cette confiance. Sitôt le Ps défait, Idrissa Seck était déjà dans une logique de succession. Il place ses hommes au Palais, dans le gouvernement, à l’Assemblée, dans l’administration et dans le parti. C’est ce « réseautage », pour reprendre son expression, qui le fonde aujourd’hui à croire qu’il est l’« actionnaire principal » du Pds. Un autre aveu qui en dit long sur sa volonté d’évincer le président Wade de la tête du parti libéral. Encore une certitude à confronter à la réalité politique.

Hier enfant chéri du président et du Pds, Idrissa Seck s’est pourtant montré irrésolu et même tourmenté à l’idée de quitter la villa Wade et ses commodités. C’est ainsi qu’au plus fort de la disgrâce, il était convaincu de revenir par la grande porte et rêvait tout haut de conduire la liste du Pds aux prochaines législatives et de succéder à Wade. Sa trop grande confiance l’aura, sans doute, perdu. « L’homme politique, le vrai, celui qui veut l’Himalaya (le pouvoir), et y parvient parfois, est d’abord un aventurier. Il a appris (…) qu’il faut certes calculer, mais qu’on ne supprime pas l’impondérable, que “celui qui veut savoir d’avance où il va, par où il passe, ce qu’il va trouver et quand il faut arriver”… n’ira pas loin parce qu’il ne prendra pas le départ », écrit Béchir Ben Yahmed, le directeur de Publication de l’Intelligent.

Devenu wado-incompatible après son limogeage de la primature suivi de son emprisonnement, Idrissa Seck est désormais dans une posture de défiance vis-à-vis de son ex-mentor. Il est revenu de Paris débarrassé de ses premiers principes. Le leader de « Rewmi » cherche, en effet, à se présenter en homme politique vertueux, en défenseur de l’orthodoxie dans cet univers de la déprédation qu’est la politique, mais il passe pour un donneur de leçons, un procureur moralisateur. Une image qui aura du mal à passer tant que le voile ne sera pas levé sur l’origine des biens de cet homme qui dit être « immensément riche ». Humble en 2000 et subitement riche après quatre années d’exercice du pouvoir. De quoi fouetter la curiosité de nombre de ses compatriotes. Pourquoi Idrissa Seck ne commencerait-il pas à justifier l’origine de sa fortune ? C’est le moins que l’on puisse attendre d’un candidat à la présidentielle, qui plus est très attaché à la transparence dans la gestion des affaires publiques.

Stratégie de la peur

Mais le plus frappant dans la démarche de l’ancien Premier ministre, c’est qu’il a érigé la peur en une véritable stratégie de conquête du pouvoir. D’abord en faisant croire, malgré l’absence de véritables instruments de mesure, qu’il était majoritaire dans le Pds. Ses partisans laissent entendre que le mois de décembre sera celui de la déconfiture de la formation libérale et annoncent des ralliements massifs de militants et de responsables du Pds à « Rewmi ». « La force politique sur laquelle je compte m’appuyer est d’abord le Pds, ma famille naturelle, au sens des hommes et des femmes qui y partagent ma vision et mes valeurs et qui sont majoritaires, qu’ils soient manifestés ou cachés », précise-t-il dans sa déclaration de candidature.

Idrissa Seck s’emploiera aussi à faire peur aux citoyens-électeurs sénégalais en usant à souhait de la question de l’âge du président Wade. Le discours concocté pour les militants du Pds est écrit d’avance : « Wade, c’est le passé. J’incarne l’avenir. Si vous voulez vous maintenir au pouvoir longtemps, votre intérêt est de vous joindre à mon combat ».

Enfin, en agitant ses Cd présentés par ses amis comme de véritables bombes contre le pouvoir, M. Seck use et abuse de l’arme de la peur. Mais, a-t-il intérêt lui-même à diffuser ses fameux Cd ? Son premier enregistrement l’a plus desservi qu’aidé. En rendant publiques des conversations secrètes avec le président Wade, il s’est présenté sous les traits d’un homme vaporeux, peu digne de confiance. Une image qui risque de le poursuivre jusqu’à la présidentielle.

En matière politique, comprendre consiste à prendre conscience de la gamme de significations que présentent les phénomènes politiques et à apprécier les changements potentiels que les phénomènes sont susceptibles de provoquer dans les actions et les croyances. Dans l’analyse de la candidature de l’ancien Premier ministre, nombre d’observateurs se sont limités à une appréciation presque périphérique de l’acte posé, se contentant d’une simple estimation du mal qui pourrait en découler pour le parti au pouvoir. C’est une approche, mais elle n’est sans doute pas suffisante. Quand on conteste un ordre dominant, on attend, avec raison, que l’on développe un « contre-discours », que l’on propose des solutions alternatives. C’est ce que l’on attend de toute opposition à un pouvoir politique. Mais, on est frappé par la similarité des démarches de Ngorsi et de Gorgui. Ce n’est pas en faisant du neuf avec du vieux que Ngorsi réalisera son rêve. Car la marque sera toujours préférable à la copie.

Faiblesses d’une candidature

À y regarder de près, la candidature du leader de « Rewmi » est grosse de faiblesses quasi insurmontables. En encadrant ce « fils » aujourd’hui renié, en en faisant un leader parmi ceux qui comptent le plus dans ce pays, Wade connaît parfaitement son « futur » challenger. Il l’a pratiqué pendant de longues années et connaît bien donc sa psychologie, même s’il n’a pas su apprécier la mue qui a fait de lui, selon son propre mot, un « serpent venimeux » dans sa propre maison. Mais, quand on a été une fois pris à défaut, on redouble de vigilance et l’on s’impose d’exigence. Wade donc s’emploiera avec la hardiesse qu’on lui connaît à débusquer la moindre faiblesse de l’ex-Pm pour le retourner contre lui. Ne l’a-t-il pas du reste poussé à la faute en brisant le silence dans lequel ce dernier s’était obstinément enfermé ? C’est dire donc que dans cette bataille, si elle a lieu, Wade qui garde en plus la puissance symbolique du pouvoir aura une bonne longueur d’avance sur Idy.

Il s’y ajoute que la majorité silencieuse prétendument en faveur d’Idrissa Seck a laissée passer plusieurs occasions de se manifester, d’abord lors de la fronde des députés à l’Assemblée nationale, ensuite lors du vote de la mise en accusation du maire de Thiès dans l’affaire des chantiers de Thiès par la même Assemblée. Dans les deux cas, le raz-de-marée annoncé n’a pas eu lieu. Ce qui a instillé le doute dans bien des esprits.

La principale faiblesse réside cependant dans la « présidentialité » même de l’édile de Thiès. Un président de la République est un rassembleur, un homme au-dessus des contingences, qui sait taire ses états d’âme pour privilégier l’intérêt supérieur de la nation. On attend aussi, et surtout, de lui qu’il sache pardonner. Or, Idrissa Seck au pouvoir a posé des actes qui inclinent à douter de sa qualité d’homme d’État. Quand le président Wade a décidé de passer l’éponge sur l’adversité politique en conviant au gouvernement des personnalités qui l’ont combattu, I’ancien Premier ministre s’est vertement opposé à la venue au gouvernement de Ousmane Ngom et de Djibo Kâ. Curieusement, c’est lui qui a été le théoricien de la transhumance en accueillant à bras ouverts nombre de responsables socialistes. Son attitude vis-à-vis de ces deux responsables et d’autres personnalités du Pds est un trivial règlement de compte qu’on ne peut pas tolérer à un homme qui ambitionne d’exercer la magistrature suprême. Le leader de « Rewmi » a exclu toute idée de règlement de comptes s’il accédait au pouvoir, mais on ne sait à qui se fier. À Idy ou à Ngorsi ?

Le revers de la délation

Idrissa Seck cherche visiblement à affaiblir le président Wade en jetant à la rue ses secrets intimes et sa vie privée. À livrer sa famille à la vindicte populaire et à diaboliser la gestion de l’alternance.

Comment faire foi à un collaborateur qui met à nu la vie privée de son patron, un homme d’État qui déballe les secrets d’un pays qu’il ambitionne de servir ? Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Abdou Diouf ou encore Djibo ont, à la faveur de leur passage aux affaires, englouti un nombre incalculable de secrets d’État, mais jamais on a entendu un seul de ces hommes menacer le pouvoir de déballage. Pourtant, les contradictions et les luttes politiques n’ont jamais manqué dans la marche du Parti socialiste. Le leader de l’Afp a du reste fourni un éclairage fort utile en la matière en confiant à nos confrères du « Quotidien » (n° 772 du samedi 24 juillet 2005) : « Dans la pratique internationale, les secrets d’État sont classés par tranches de trente ans, ce qu’on appelle une génération. Selon le niveau où se situe le secret d’État, cette tranche de trente ans peut être multipliée par deux ou par trois ». Ousmane Tanor Dieng, le Premier secrétaire du Ps, invité de l’émission « Eutub sud », a lui aussi été formel : « je sais beaucoup de choses, mais je ne révélerai jamais des secrets d’État ». Un républicanisme partagé par Maguette Thiam, ancien ministre du Pit, qui confie à Pape Alé Niang, dans son émission « Dianobi » : « les informations secrètes de l’État ne sortaient jamais de mon bureau. Même mon directeur de Cabinet n’était pas au courant de certaines choses ».

En jouant donc le rôle de « gorge profonde », Idy ne met-il pas finalement l’État sénégalais en danger ? On oublie souvent que le « secret d’État » recouvre aussi plus banalement tout ce qui peut nuire à la Nation. Y compris à son image. En agissant de la sorte, le maire de Thiès donne l’impression d’adopter la posture de l’amant éconduit qui, jaloux, menace de tuer sa belle pour que nulle autre personne ne s’en serve. Une attitude qu’analyse avec beaucoup de lucidité le professeur Khadiyatoullah Fall, linguiste, sémiologue et analyste du discours dans les colonnes du « Quotidien » (n° 772 du samedi 24 juillet 2005) : « En allant jusqu’aux secrets d’État, est-ce qu’on ne tombe pas dans le discours eschatologique, un discours de la fin des temps. Quand on dévoile des secrets d’État, on pousse la déstabilisation à son point extrême ».



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