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Politique

Cartes sur table avec Ousmane Tanor Dieng : Wade risque de mener le Sénégal vers une crise à la Zimbabwéenne

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Cartes sur table avec Ousmane Tanor Dieng : Wade risque de mener le Sénégal vers une crise à la Zimbabwéenne
Le secrétaire général du parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, a répondu sans détours à toutes nos interrogations. De la pénurie des denrées, à l’inflation, en passant par le projet de loi constitutionnelle, relatif à l’article 27, la Goana, les tenants et aboutissants des assises nationales, le train de vie « dispendieux » de l’Etat, ses relations avec Abdou Diouf, Ousmane Tanor Dieng n’aura éludé aucune question. Décernant finalement une note inférieure à la moyenne à Me Wade qui, d’après lui, est à l’image de Robert Mugabe... Parlant de l’article 27 de la Constitution, M. Dieng pense que c’est une « folie » contre laquelle, le peuple doit s’opposer ; car, étant une farce de mauvais goût d’où pourrait partir de probables étincelles. Entretien.

L’Office : Actuellement, des pénuries sont constatées dans nombre de secteurs. Si un étranger vous demandait de lui décrire la situation actuelle du Sénégal, quel tableau alliez-vous lui peindre ?

Ousmane Tanor Dieng : Le tableau est noir, tout le monde est en train de le vivre. Pénuries en tout genre, des denrées de première nécessité, aux hydrocarbures… Un véritable signe d’échec du régime de Wade. Tout le monde peut constater qu’il y a crise partout. Prenez le cas de l’agriculture. L’arachide, qui était le moteur de l’économie, est liquidée ; de même, la Sonacos, la Sonagraines sont bradées. La preuve, pour l’arachide, on est passé d’une production d’un million de tonnes à moins de cinquante mille tonnes. Un échec cuisant ! Il n’y a plus de semences certifiées, mais du tout-venant, donné avec du retard, en quantité insuffisante, et de mauvaise qualité. Le secteur de la pêche également, traverse sa plus grave crise depuis l’indépendance. Toutes les industries de pêche sont en faillite. Pas une ne fonctionne. Un signe troublant, d’autant plus que le Sénégal est un pays côtier, de pêche…Avec l’augmentation des produits pétroliers, la pêche ne nourrit plus son homme. Les fleurons de notre l’industrie, comme les Ics, la Sonacos, le secteur du tourisme, pareil. Sur ce plan, nos prévisions annuelles étaient d’un million. Nous sommes loin de ces chiffres. Qu’est-ce qui reste, le cadre macroéconomique s’est dégradé. L’inflation était totalement maîtrisée avant 2000, moins de 2 %, le déficit budgétaire autour du même ordre de grandeur. Aujourd’hui, c’est le taux d’inflation le plus élevé des pays de l’Uemoa... Ce qui explique toutes ces hausses. C’est un pays qui, véritablement, décline. C’est ça la réalité. Vous-même, vous venez de constater un recul démocratique, avec l’agression des journalistes Kambel Dieng et Karamakho Thioune. Des comportements de ces policiers qui répondent à l’attitude répressive, autoritaire caractérisant le régime de Me Wade. C’est à ce niveau qu’on voit les menaces contre les journalistes, contre l’opposition, contre tous ceux qui ne sont pas d’accord avec sa manière de voir les choses. C’est ce qui est arrivé à des leaders à la veille de l’élection présidentielle, avec l’utilisation des matraques électriques. Embastillés, mis dans le panier à salade ; déjà, les policiers utilisaient les matraques électriques, en direction des Sénégalais, des journalistes, des leaders de l’opposition pour leur infliger un traitement dégradant. J’avais même saisi les Nations-Unies, qui ont réprouvé ce genre d’attitudes. Au total, si j’avais à parler du Sénégal à quelqu’un, je lui dirai ce que tous les Sénégalais vivent ; c’est-à-dire, une régression générale. Alors qu’en 2000, Abdoulaye Wade a été élu pour faire plus et mieux que ceux qu’il a remplacés.

Cela veut dire que vous lui discernez la note zéro ?

Pas un zéro, parce que zéro veut dire qu’il n’y a rien, mais il n’aura pas la moyenne.

Au sortir du plan Sakho-Loum, beaucoup d’observateurs avaient constaté un taux de croissance économique supérieur au taux de croissance démographique. Selon vous, pourquoi Me Wade n’a réussi à faire mieux que vous ?

Je crois que vous avez parfaitement raison, parce que Abdoulaye Wade a complètement détruit le legs, l’héritage qui lui avait été laissé par le Parti socialiste. D’abord, comme vous l’avez indiqué, sur le cadre macroéconomique, le taux de croissance de 5 % s’était stabilisé, tous les secteurs étaient dans une dynamique positive, et enfin nous avions laissé 19 projets et programmes dont les 12 étaient déjà négociés, les 4 en train d’être discutés, et les 3 devaient l’être après 2000. Abdoulaye Wade avait lui-même, en venant, répondu avec l’enthousiasme qu’on lui connaît qu’il a trouvé tant d’argent qu’il ne savait quoi en faire. Partir de cette situation, et se retrouver aujourd’hui dans une situation où le pays lance des emprunts obligataires, et n’arrive pas à recouvrer ces emprunts, prouve que l’Etat a perdu en crédit et en crédibilité. Et lorsque la signature de l’Etat ne vaut plus rien, c’est la catastrophe ! C’est à ce niveau où nous sommes. Ce gouvernement est totalement irresponsable, parce que continuer avec la multiplication de dépenses non prioritaires, des dépenses somptuaires, alors que les Sénégalais continuent de vivre les affres des pénuries de toutes sortes, dans tous les domaines, me paraît être d’une grande irresponsabilité. Tout cela est imputable au gouvernement, à Me Wade. C’est à lui d’indiquer l’essentiel, de montrer la voie, de choisir les hommes, d’assurer les contrôles, les solutions appropriées ; mais il ne le fait pas. Le Sénégal ne pouvait pas tout régler en 2000, mais il y avait des problèmes qu’on avait solutionnés, par des efforts soutenus et d’énormes sacrifices du peuple sénégalais, qui a supporté le « plan Sakho-Loum » et le plan d’ajustement structurel. Mais Abdoulaye Wade, venu au pouvoir, pensant que tout était réglé, a dépensé sans compter. Exemple, vous prenez le cas des agences, à l’époque, nous en avions moins d’une dizaine, Wade est passé à plus de trente. Pour les représentations diplomatiques, considérant que leur coût est trop cher pour l’Etat, nous sommes passés de 53 à moins de trente. Aujourd’hui, ce nombre a doublé. Ensuite, les contrats spéciaux, il y a des gens bien formés, on les laisse pour aller prendre d’autres moins efficaces à l’étranger. Et ces contrats sont faramineux. Pour ce qui est du téléphone, on avait établi un système de décompte, où l’on indiquait à chacun ce qu’il doit consommer ; et fixer la barre limite, par exemple à 200 ou 300.000 f par mois ; pour obliger les Sénégalais à une certaine discipline dans la dépense. Idem pour les maisons conventionnées ; aujourd’hui, cela a explosé. Résultat des courses, l’Etat leur doit des arriérés de plus d’un an. Pour les missions à l’étranger, les dépenses étaient limitées, entre 400 et 500 millions de francs par an au niveau de la Primature. C’était au Premier ministre de surveiller cela, s’il arrivait à l’épuiser à la fin de l’année ; pas de voyage. Ce qui faisait que les voyages étaient justifiés, planifiés, contrôlés, et le caractère prioritaire était en premier ordre. Je crois qu’il faudra revenir à ce plan budgétaire, être discipliné dans la gestion, au moment où le Sénégalais lambda rencontre des difficultés de survie. Autant de problèmes qui doivent rendre les Sénégalais conscients de la situation, au lieu de tomber dans le piège de la hausse du prix de l’essence.

Justement, à propos de l’envolée des produits pétroliers, est-ce que vous pensez que cela est un argument solide  ?

Non, l’explication qu’ils donnent, c’est le prix du baril. Ils disent que le baril qui était de 40 dollars est passé à plus de 100 dollars. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que sur les 813 ou 823 f du prix de l’essence, l’Etat confisque plus de la moitié comme taxe. Cette taxe sur les produits pétroliers, a représenté l’année derrière, sur l’ensemble du territoire, une masse de 224 milliards, et la tendance actuelle est à plus de 300 milliards. Au fond, à chaque fois qu’il y a hausse au niveau mondial, l’Etat la répercute sur le dos des citoyens. Je prends toujours l’exemple de nos voisins comme le Mali dont les produits passent par le Port de Dakar, ensuite sont acheminés par camions, et sont moins chers que les nôtres. C’est inacceptable. C’est l’inverse qui devrait se faire. Même le représentant de la Banque mondiale au Sénégal l’a souligné. Si le pouvoir de Me Wade agit ainsi, c’est parce qu’il a besoin de l’argent pour soutenir son train de vie dispendieux. J’insiste, ce qu’il doit faire, c’est réduire son train de vie, ses dépenses inutiles, et prendre ces milliards pour subventionner le prix des denrées de première nécessité. C’est d’une simplicité lumineuse. Rien ne doit l’empêcher. Je vois qu’ils font des efforts pour des économies de 15 milliards. Des broutilles (rires).

Est-ce que la Goana peut renverser la tendance ?

(Rires). Mais je crois que la Goana, personne n’y croit, pas même lui. Il en parle de moins en moins. Il se trompe en mettant des affiches pour y écrire 3 millions de tonnes de maïs, 2 millions de tonnes de manioc, 500 mille tonnes de riz etc., 434 mille litres de lait. C’est incroyable ; et tout cela, Abdoulaye Wade veut le faire d’ici à la fin de l’hivernage. C’est ahurissant ! Lui-même n’y croit pas. Je les entends maintenant dire, cela va se régler l’année prochaine, ou d’ici quelques années. Ils se calent sur cinq ans. Personne n’y croit, et le danger, c’est qu’ils font la propagande en jouant sur l’imaginaire des Sénégalais, et leur faire croire n’importe quoi ; mais les Sénégalais sont suffisamment intelligents pour ne pas croire à cette intoxication. Au niveau du monde rural, des semences de bonne qualité, des intrants, devraient être en place à temps au lieu de continuer à crier ou à gesticuler, à parler de la Goana, alors que l’hivernage commence à s’installer. Et l’on constate que les semences ne sont pas suffisantes, et sont de mauvaises qualités, l’engrais et les autres intrants ne sont en place. Les paysans ne s’y trompent pas, ils vont faire leurs arbitrages ; je vous garantie qu’avec leur imprévoyance et leur incompétence, l’on se dirige vers un hivernage pire que celui de l’année dernière.

Vous parlez d’Etat vivant au-dessus de ses moyens, mais au-delà, peut-on parler d’enrichissement illicite ?

En tout cas, il y a des enrichissements subits. Tout le monde le dit. Cela se dit dans la presse, et n’importe où. Des gens que l’on avait vu avant 2000, à qui l’on donnait le prix du bus, ils n’avaient même pas de quoi acheter un vélo, et maintenant on les voit rouler dans des véhicules de luxe, avoir partout des biens. En tout, il y a beaucoup de clinquant dans leur comportement, aucune espèce de discrétion, ni de pudeur. Car, il est même inacceptable d’afficher une certaine richesse, un certain train de vie, face aux difficultés que rencontrent les Sénégalais. Mais, il faut dire que ce sont des choses qui se voient ainsi, et que la rumeur entretient. Aussi, de leur côté, ils ne font aucun effort pour démentir. De toute façon, pour des choses de cette nature, il faut bel et bien des preuves, pour savoir comment on en est arrivé à ce point.

Sur un autre registre, que vous inspire le projet de loi portant modification de l’article 27 de la Constitution ?

Franchement, je suis assez préoccupé, parce que je pensais qu’Abdoulaye Wade était revenu à la raison. En effet, avec le tollé qui avait accompagné cet article 27, Wade semblait avoir renoncé à son projet ; mais Abdoulaye Wade, faut le savoir, est quelqu’un qui ne renonce jamais, donc il faut le comprendre. Toutes les idées qu’il avait en 2000 resurgissent encore, huit ans après. La seule nuance, il les ramène sous des formes différentes. Par exemple, ce saucissonnage des régions, c’est un peu son projet de provincialisation qu’il avait, et qu’il était en train de mettre en exergue, en nous donnant des régions qui n’ont aucune viabilité, comme Sédhiou, Kédougou, entre autres, alors que les régions comme Matam qui ont été créées depuis, sont dans un état pratiquement départemental. Ce qui veut dire que Wade ne renonce jamais. Il faut le savoir. Seulement pour cet article 27, tous les constitutionalistes sont d’accord qu’il n’est pas possible de passer par la voie législative. C’est sûr, parce que c’est la Constitution. La dernière mouture de la Constitution indique que cet article 27 ne peut être modifié, changé, que par voie référendaire. Si Abdoulaye Wade le fait passer par voie législative, il commet un coup de force, un coup tordu contre la démocratie.

Et vous ne croyez pas qu’il puisse passer par voie référendaire ?

Non ! Je ne pense pas que Abdoulaye Wade passera par voie référendaire. Ce serait une espèce de plébiscite, il n’ose pas. Mais, s’il veut savoir ce que les Sénégalais pensent de lui, il n’a qu’à passer par voie référendaire, et mette, comme De Gaulle le faisait, en jeu son mandat. Je crois que, face aux pouvoirs énormes que lui confère la Constitution, le contre-pouvoir c’est de s’adresser de manière régulière au peuple, par voie référendaire, pour savoir où est-ce qu’il en est. C’est ça qui fait vivre la démocratie. Mais lui, il a des pouvoirs qui sont immenses, sans contre-pouvoirs, aucun système de contrôle. Pour revenir à ce cas d’espèce, c'est-à-dire à l’article 27, il y a un problème d’opportunité. Je crois que la révision de l’article 27 ne préoccupe pas par exemple mes parents de Nguéniène. Mais pourquoi parler d’un autre mandat, d’autant plus que sur ce mandat de cinq ans, il n’a fait qu’un an, il lui en reste quatre, et il parle d’un autre mandat de sept ans. Il est bizarre…

D’aucuns disent que par cet article 27, Me Wade prépare son fils Karim. Qu’est-ce cela vous inspire ?

Avec les modifications intempestives de la Constitution, au moins à douze reprises, Abdoulaye Wade laisse libre cours à toutes formes d’interprétations et de rumeurs. C’est la liberté des gens, qui peuvent penser qu’après la modification de ces articles, il a encore imaginé d’autres formules. Ce qui est sûr, c’est que Abdoulaye Wade veut par tous les moyens s’accrocher au pouvoir. Une attitude anti-démocratique, inacceptable qui risque de conduire le Sénégal vers une crise à la Zimbabwéenne. C’est extraordinaire qu’en 2008, l’Afrique soit à ce stade. Ce sont des positions qui n’étaient même pas imaginables du temps de Bokassa et autres Idy Amine Dada... Je crois que la communauté internationale est mise devant ses responsabilités, la Sadec, les Nations Unies, l’Union Africaine, doivent se prononcer sur ce cas, et ne doivent, surtout, pas laisser Mugabe continuer à faire ce qu’il veut. C’est ahurissant !



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