AMINATA MBENGUE NDIAYE, PRESIDENTE DU MOUVEMENT NATIONAL DES FEMMES SOCIALISTES« Je n’apprécie pas la manière de faire d’Idrissa Seck »

Vous avez investi la rue samedi dernier pour dénoncer les dérives du régime libéral. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que vous mainteniez cette pression ?

"Cette pression ne baissera pas d’ici les élections. L’opposition de salon, c’est terminé. On ne faisait même pas de l’opposition de salon, parce qu’on était tout le temps en train de dénoncer ce qui se passait. Bien sûr, on le faisait, à l’occasion de nos réunions, dans les sièges des partis politiques. Mais, maintenant, je crois que le Président Wade, nous l’avons pourtant toujours dit, c’est quelqu’un qui ne connaît que la confrontation. Je pense qu’on s’est bien confrontés, on s’est bien frottés, ces jours derniers. Je crois que c’est quelque chose qui va continuer."

Vous allez marcher, à nouveau, vendredi prochain ?

"Nous allons marcher vendredi prochain, non seulement pour que les élections se tiennent à date due, mais également contre la cherté de la vie et le fait que notre Justice est en train de nous décevoir dans une certaine mesure. On ne sait toujours pas pourquoi Bara Tall est maintenu dans les liens de la prévention. La Justice est instrumentalisée. On ne peut pas dire le contraire aujourd’hui. On a vu ce qui s’est passé avec les audits. On a vu ce qui s’est passé avec les Abdourahim Agne et d’autres. Il nous faut une Justice qui se porte bien. Une Justice qui soit séparée de l’Exécutif et du Législatif. Pour toutes ces raisons, nous allons encore marcher. Nous allons marcher parce que c’est la première fois, dans l’histoire de notre pays, que le peuple doit exprimer ses choix et qu’à un mois des élections, il y a encore des questions qui sont posées par certains citoyens : y aura-t-il des élections ou pas ?"

Et vous pensez-vous que les scrutins seront tenus à date due ?

"Nous, on est convaincus qu’il y aura des élections, parce que Wade voudra marquer l’histoire et je pense qu’il ne voudrait pas être le premier Président de la République du Sénégal à n’être pas dans une situation de pouvoir organiser les élections. D’abord, au plan de l’organisation, je pense que c’est le gouvernement qui est chargé d’organiser les élections, en rapport avec la Commission électorale nationale autonome et les partis politiques. Donc, je crois qu’aujourd’hui, si les élections ne sont pas organisées, il en portera l’entière responsabilité. D’autant plus que depuis le début des inscriptions sur les listes électorales, le fichier est un contentieux et va continuer d’être un contentieux. Il y a un audit du fichier qui est en train d’être fait par les partis politiques. Nous n’avons pas encore les résultats de cet audit, mais ce qui demeure, c’est que pour nous, le fichier électoral actuel ne nous semble pas être fiable pour aller à des élections. Mais cela ne nous empêchera pas, avec ce fichier, d’aller aux élections. Ce qui est sûr, c’est qu’un nouveau pouvoir qui arrive va refaire encore une refonte totale du fichier, parce que nous ne sommes pas du tout sûrs que ce qu’il y a dans le fichier électoral aujourd’hui soit correct."

Est-ce à dire que vous n’allez pas accepter que les élections législatives soient reportées ?

"En tout cas, nous, on est préparés en conséquence. Pour nous, jusqu’à ce jour, il n’y a pas de report des élections législatives. Ça a été annoncé par Me Ousmane Ngom, lorsque le Conseil d’Etat a donné raison au Parti socialiste et à la Ld/Mpt, qui avaient déposé des recours après la répartition qu’avait faite le Président Wade. Ce que nous voulons, c’est d’aller aux élections à date échue. Il n’y a aucun texte législatif qui prouve que ces élections sont reportées. Ce qui est sûr, c’est que nous travaillons, comme si le 25 février, il va y avoir les élections présidentielle et législatives. Nous travaillons également sur notre programme de campagne, comme si on doit aller dimanche en campagne électorale. Donc, nous n’avons pas de problèmes à ce niveau."

Et le projet de loi qui devrait être examiné par l’Assemblée nationale ?

"Abdoulaye Wade, lui-même, le 31 décembre dernier, disait de façon certaine qu’il allait à des élections à date échue. Il avait dit qu’il ne ferait pas moins que Abdou Diouf. Moi, j’avais dit sur Sud Fm que Wade ne peut pas faire ce que Diouf avait fait, parce qu’ils n’ont pas les mêmes habitudes, la même éducation, les mêmes qualités, les mêmes valeurs. En 2000, dès que Diouf a su les tendances qu’il y avait, il a félicité Wade, sans que les résultats officiels des élections ne soient proclamés. Wade ne peut pas faire ça. On en était sûr. Le voilà aujourd’hui qui tergiverse. Il a déjà découplé les élections et il va faire autre chose également. On ne se fie plus à la parole de Wade. Mêmes les enfants qui interviennent dans les émissions interactives disent qu’ils ne peuvent plus se fier à la parole du Président. C’est vraiment regrettable pour un Chef d’Etat, parce que nous, on aurait aimé avoir un Président qui respecte sa parole. Le 31 décembre dernier, il avait annoncé que les élections n’allaient pas être reportées, qu’il y aurait les élections présidentielles et législatives. Qu’est-ce qui s’est passé entre-temps pour qu’il découple les élections ?"

Des rumeurs font de plus en plus état d’un probable report de l’élection présidentielle.

"Moi, je crois que Wade, il a toujours en tête 2009. Lui, il dit que ses projets ne seront terminés qu’en 2009. Nous voulons qu’il sache que les projets dont il parle, ce ne sont pas ses projets. Ce sont les projets du Sénégal. Ce sont les projets du peuple sénégalais. Et qu’il le veuille ou pas, quel que soit ce qu’il va faire, il y aura des projets qu’il va entamer et qu’il ne finira pas. En quittant le pouvoir, la plupart de ces projets, c’est nous qui les lui avions laissés. Et malgré tout, nous sommes partis. L’Etat, c’est la continuité. Qu’il s’en aille, il laissera le pays en de bonnes mains, et nous allons continuer le travail qu’il a commencé. Mais, il ne peut pas passer tout son temps à nous dire : « J’ai des projets que je veux finir. Si vous me laissez continuer jusqu’en 2009, je vais le faire ». Non, nous ne sommes pas d’accord."

Depuis un certain temps, un leader de parti membre de la coalition « Jamm-ji », en l’occurrence Idrissa Seck, mène des négociations avec le Président Wade. Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu trahis par le président de Rewmi ?

"Non. Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes dans la coalition « Jamm-ji », avec Idrissa Seck. Nous sommes tous des Sénégalais. Et il y a quelque chose que moi je ne peux pas admettre. Parce que ce que je ne voudrais pas qu’on me fasse, je ne veux pas le faire à un autre. Idrissa Seck est un Sénégalais. Et à mon avis, « gor la ». Donc, je ne pense pas qu’il va se permettre de faire couler notre coalition pour des deals ou autre chose. Moi, jusqu’à ce jour, je crois qu’il n’est pas en deal avec le Président Wade. Ils sont en train de discuter. Qu’est-ce qu’ils sont en train de discuter ? Je ne suis pas dans le secret des dieux. Idrissa Seck ne m’en a pas parlé, le Président Wade ne m’en a pas parlé. Mais je maintiens, jusqu’à ce jour, ce que Idrissa Seck nous avait dit, en venant dans notre coalition, ce que ses partenaires comme Pape Diouf, Awa Guèye Kébé et Oumar Sarr sont en train de dire. Moi, c’est ce que je prends comme argent comptant. Et quelle que soit la décision que Idrissa Seck va prendre, ça ne nous fera pas changer d’avis. Nous continuerons avec la Ld/Mpt et peut-être d’autres partis qui voudront bien venir avec nous. Mais, nous, on ne peut pas déjà déclarer que Idrissa Seck est out, il n’est plus avec nous, alors que nous ne savons pas de quoi demain sera fait. En tout cas, il a pris langue avec nous ; il est dans la même coalition que nous. Nous considérons cela comme étant, jusqu’à ce jour, une réalité. Maintenant, demain, s’il va vers Wade, ça ne changera rien dans la décision des populations sénégalaises de faire partir Wade. Idrissa Seck, je crois que ce n’est pas un « thiouné » politique. Je l’espère. Et ce qui est sûr, c’est qu’il sait que le peuple sénégalais a définitivement tourné le dos à Abdoulaye Wade. Je pense que Idrissa Seck ne va pas accepter d’accompagner son « père » qui est mort politiquement. Wade est dans l’agonie politique et il voudrait que Idrissa Seck l’accompagne jusqu’à la tombe."

Mais ne pensez-vous pas que la manière de faire d’Idrissa Seck pose problème ?

"Moi, je n’apprécie pas sa manière de faire. J’aurais été chef de parti, dans une coalition, je n’aurais jamais fait ce qu’il a fait. En politique, les gens doivent défendre une éthique et un certain nombre de valeurs. J’aurais été à sa place, je n’aurais jamais accepté d’aller négocier quoi que ce soit avec Wade, après avoir été en coalition avec d’autres partis politiques. Je ne l’aurais jamais fait. Lui, il l’a fait. C’est peut-être sa façon de voir. Moi, personnellement, je désapprouve cette façon de faire, parce que ce n’est pas normal, ce n’est pas une attitude pour moi responsable. Idrissa Seck, quel que soit par ailleurs ce qu’il va arrêter avec Wade, je crois que ce qui l’a mis en mal avec ce dernier est plus profond que ce qui va les réunir encore. Maintenant, on va voir s’il est plus ou moins intelligent que son « père »."