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Politique

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Journaliste et chercheur en sciences politiques, Barka Bâ décrypte dans cet entretien les enjeux du bras de fer qui oppose l'opposition burkinabé au président Blaise Compaoré après sa décision de faire modifier l'article 37  de la Constitution qui organise la limitation des mandats. Pour le directeur de TFM Infos, le départ ou le maintien au pouvoir du chef de l'Etat burkinabé aura des conséquences dans toute l'Afrique de l'Ouest. 

"Compaoré joue la partie la plus risquée de sa carrière"


Quelle lecture vous inspire le bras de fer entre Blaise Compaoré et son opposition autour de la modification de l'article 37 de la constitution  qui permettra au Président burkinabé de contourner la limitation du mandat?

Le Burkina Faso est actuellement au centre de tous les regards. L'issue de ce bras de fer dont vous parlez pourrait radicalement changer la donne en Afrique de l'Ouest au regard du rôle que joue Blaise Compaoré dans la sous-région. Le Président Burkinabé est un fin manœuvrier, qui est parvenu jusque-là, àse tirer des situations les plus compliquées mais il joue cette fois- ci la partie la plus risquée de sa carrière. Au vu de la très forte détermination de l'opposition burkinabé et de toutes les forces vives de ce pays à empêcher la révision de l'article 37, synonyme d'un énième bail au pouvoir pour Blaise Compaoré, on peut craindre le pire.  Si  le Président Compaoré persiste à faire passer son projet de loi en force, le Burkina court tout droit vers  des affrontements dont l'issue pourrait être tragique.  

On assiste à une libération de la parole citoyenne en Afrique et les populations ont conscience que leur détermination peut venir à bout des régimes les plus répressifs. Quand Tiken Jah Fakoly chante "Quitte le pouvoir" ou quand Alpha Blondy brocarde les "Présidents à vie",  ce sont des slogans dévastateurs dans les manif, cela touche énormément de jeunes en Afrique de l'Ouest qui ont l'impression d'avoir un horizon totalement bouché. Ils n'attendent plus que l'étincelle pour venir à bout de dirigeants qu'ils ont connus toute leur vie et dont  le plus souvent l'incurie les désespère. L'exemple du 23 juin2011 où le peuple sénégalais s'est levé comme un seul homme pour barrer la route à Wade avec son projet de ticket présidentiel a eu un impact énorme dans toutes les capitales africaines.  Les opinions publiques africaines se sont dites qu'un peuple engagé pouvait faire reculer les dirigeants, y compris les plus coriaces comme Wade. C'est ce jour là que Wade a véritablement perdu le pouvoir et la présidentielle qui a vu Macky Sall accéder à la magistrature suprêmen'a fait  au fond que confirmer une lame de fond. Depuis cet exemple, les Burkinabé avec des mouvements comme le "Balai citoyen", qui est un avatar du mouvement "Y en Marre " du Sénégal qui a joué un rôle clef dans le départ de Wade, veulent rééditer le coup au Burkina. Au vu de l'énorme mobilisation du peuple burkinabé ces derniers jours on peut dire que la partie est mal engagée pour Compaoré.

Existe-t-il d'autres similitudes entre les cas sénégalais et burkinabé?

Oui, il  existe des similitudes frappantes entre le cas sénégalais et le cas burkinabé même si chaque pays a sa dynamique propre. Ce qui a été déterminant dans la perte du pouvoir de Wade, ce sont les dissidences conjuguées de ces deux anciens Premiers ministres Idrissa Seck et Macky Sall qui ont quitté le parti présidentiel pour aller à l'assaut du pouvoir sans compter  tous ses autres alliés de la première heure comme  Moustapha Niasse avec qui il s'est brouillé. Ces départs de barons, plus une mobilisation citoyenne exceptionnelle, ont précipité  la chute du pouvoir. Au Burkina Faso, la dissidence d'anciens caciques du CDP comme  l'ancien Premier ministre Roch Marc Kabore, Simon Compaoré et surtout Salif Diallo, pendant longtemps une des éminences grises du régime et dépositaire de quelques uns de ses secrets les mieux gardés, plus la mobilisation de larges couches de la société burkinabé, risquent de faire très mal à Blaise Compaoré sinon de lui être fatale.


Curieusement, on assiste à une réaction timorée de pays comme la France ou les Etats-Unis qui se sont par le passé montrés beaucoup plus virulents contre ceux qui tripatouillent les constitutions pour rester indéfiniment au pouvoir. Qu'est ce qui explique cela?


Pour la France, il s'agit clairement de "sauver le soldat Blaise" qui a été un des meilleurs auxiliaires de la Françafrique. Cet échange de bons procédés remonte à l'assassinat du capitaine Thomas Sankara. C'est un secret de polichinelle que Blaise Compaoré a agi à l'époque avec la bénédiction tacite de François Mitterrand et surtout de Houphouët Boigny que le romantisme révolutionnaire de Sankara agaçait prodigieusement.  

Depuis lors, l'Elysée n'a jamais cessé de jeter un voile pudique sur les agissements les plus contestables du régime burkinabé comme la liquidation du commandant Jean-Baptiste Boukary Lingani ou du capitaine Henri Zongo, frères d'armes de Blaise et de Sankara passés par les armes après une accusation de coup d'Etat oul'assassinat d'opposants comme Clément OumarouOuedraogo ou  du journaliste NorbertZongo.  En ce qui concerne les Américains, dans leur lutte contre le terrorisme au Sahel, ils ont longtemps compté sur Blaise Compaoré qui a mis à leur disposition une base aérienne. Profitant de cette couverture, Compaoré a pu longtemps agir pour  son propre compte en agissant proprement comme un parrain incontournable en Afrique de l'Ouest dans un rôle de pompier-pyromane qui donne le tournis à force de manoeuvres. 

Pouvez-vous être plus explicite?

Je veux dire simplement que quand on observe de près ses agissements, Blaise Compaoré, par des méthodes très contestables, s'est placé au centre du jeu diplomatique et même militaire en Afrique de l'Ouest depuis sa prise du pouvoir en 1987. Son premier coup majeur a été  l'implication de son régime dans le déclenchement de la guerre civile au Libéria en 1989 par Charles Taylor. C'est un triangle Khadafi-Houphouët Boigny-Compaoré qui a permis au chef rebelle, après l'une des pires guerres civiles de l'histoire de l'Afrique d'accéder au pouvoir. L'insurrection ivoirienne du 19 septembre 2002 qui a plongé la Côte d'Ivoire dans une guerre civile de 10 ans a aussi été planifié à Ougadougou. Le sergent-chef Ibrahim Coulibaly alias "IB", Wattao, Chérif Ousmane  et leurs compagnons, tous des déserteurs de l'armée ivoirienne sont partis du quartier Somgandé pour fondre sur le régime de Gbagbo qui ne cessait de s'en prendre à Compaoré en le traitant de "Mossi". La réponse du taiseux chef d'Etat burkinabé a été de lui créer une rébellion dans le dos qui est parvenu à avoir la tête du président ivoirien. Les "Cavaliers du changement" dirigés par Saleh OuldHanena qui ont attaqué le régime de Taya en Mauritanie en 2003 étaient aussi partis de Ouaga.

 En plus, Blaise Compaoré s'est rendu indispensable en jouant une carte de "grand-frère" auprès des officiers putschistes comme  les capitaines Dadis Camara ou Amadou Sanogo. Ainsi, dans le dossier malien où il a habilement joué au médiateur, il a été tellement influent que son ministre des Affaires étrangères Djibril Bassolé a été un moment le proconsul de Bamako et il est  même parvenu à fourguer à Sanogo son propre conseiller spécial comme ministre des Affaires étrangères! Et nul doute que si Dadis était resté au pouvoir, l'influence burkinabé aurait été  considérable en Guinée. le Président Compaoré a même réussi la prouesse de se rendre incontournable en Guinée Bissau, pourtant assez éloigné de sa zone d'influence, où c'est un Burkinabé, le colonel-major Barro, qui commandait la force de la Cedeao et  ce sont des militaires burkinabés qui assuraient aussi la protection du président  nouvellement élu José Mario Vaz. Autant de raisons et beaucoup d'autres qui font que le maintien ou le départ du pouvoir de Compaoré, passé du stade de "liquidateur" sans états d'âme à celui de "facilitateur" dans les crises, aura des conséquences énormes dans toute l'Afrique de l'Ouest et même au- delà sans doute.


A votre avis, quelle porte de sortie s'offre à Blaise Compaoré?

A vrai dire, il n' y pas beaucoup d'alternatives pour lui. Soit, il choisit le passage en force en restant sourd à l'appel de son peuple et là, il choisit la fuite en avant en réprimant à tour de bras. Ce qui est une option très risquée car là, une partie de l'armée, qui vit la même misère que l'écrasante majorité des Burkinabés, pourrait se soulever. Blaise Compaoré peut toujours espérer compter sur le soutien de le général Gilbert Diendéré son chef d'Etat-major particulier et numéro deux officieux du régime, qui a la haute main sur les services de renseignement et sur la garde présidentielle bien entrainée et choyée mais d'autres unités pourraient se joindre aux manifestants en cas de troubles majeurs. Soit par contre, Blaise choisit de négocier une porte de sortie honorable en renonçant à se présenter à la prochaine présidentielle et là, des chefs d'Etats qui lui sont proches comme Alassane Ouattara ou MackySall, en liaison avec l'Elysée, pourraient jouer les médiateurs avec une frange de l'opposition qui ne lui est pas forcément hostile. Mais même là encore, resterait le cas de son frère François Compaoré que d'aucuns suspectent d'être impliqué dans l'assassinat du journaliste Norbert Zongo.



18 Commentaires

  1. Auteur

    Zazu10

    En Octobre, 2014 (06:51 AM)
    Avec son implication dans la guerre en Sierra Leone en armant Charles Taylor qui s'est appuyé sur les rebelles du RUF pour massacrer et mutiler plus 120000 personnes à Freetown, Blaise Compaoré court le risque d'être traduit devant la Cour Pénal internationale en cas de chute de son son régime à l'issue des manunufeatations encours. Donc il ferait mieux de retirer tout de suite, comme Wade l'avait fait en 2011 au Sénégal, son diabolique projet de modification de l'article 37 de la constitution burkinabé qui lui permettrait de se maintenir à vie au pouvoir.
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  2. Auteur

    Paulus

    En Octobre, 2014 (09:08 AM)
    Il partira comme le fanfaron wade.
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    Auteur

    Solidarite

    En Octobre, 2014 (09:35 AM)
    quelle honte ! rien a dire, il doit dégager et dire qu'il est venu par les armes, soutenu par les francais et americains qui se mordent les doigts maintenant avec la nouvelle donne : démocratie
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    Auteur

    Tomas Sankara

    En Octobre, 2014 (09:43 AM)
    il faut qu'il quite le pouvoir il a trop durer.

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    Auteur

    M'bao

    En Octobre, 2014 (09:44 AM)
    Why black man carry shit?les indispensables sont au cimetiere,personne n'a le temps d'etre important entre la naissance et la mort

    Blaise restera toujours militaire,pour penser autrement-

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    Auteur

    Guiss-guiss

    En Octobre, 2014 (10:49 AM)
    Il faut que les dirigeants africain aillent quand meme une vision vraiment demoncratiqueTrop c'est trop plus de 20 ans de pouvoir mais on est plus au 20 iem siecle; et les chefs d' etat qui soutienne cette modification de l' article 37 qu'ils ne se trompent pas .;detrompez- vous et incarnez demoncrate. NE vous faites plus manipulez par les occidentaux de grace croyez en vous; dieu vous à tout donné.

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    @ouaga

    En Octobre, 2014 (14:11 PM)
    Toucher cette article 37 veut tout simplement dire a son peuple que tout le monde doit suivre la loi sauf moi, je l`a change comme bon me semble. Il faut que les Burkinabès se prononcent plus forte.
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    Sobira91

    En Octobre, 2014 (14:20 PM)
    democratie democratie democratie en afrik peuple du bourkina soyéz com celui du senegal resama é donc la constitution c peuple é le peuple c la democratie mrrci M barka bade sé éclairages

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    Canadien 2014

    En Octobre, 2014 (14:23 PM)
    Bravo ce jeune Barka que je vois sur le terrain dans la sous-région est pertinent.Je ne le connais pas mais sérieusement sa modestie et son sérieux l'aideront à aller loin.Nous sommes habitués aux analyses répétitives et anecdotiques de Babacar justin, il est temps que nos journalistes se déploient dans la sous-région au lieu de se cantonner dans la politique sénégalaise.

    Bon courage aussi jeune homme? tes coordonnées comment faire ?
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    Auteur

    Conaisseur Bb

    En Octobre, 2014 (14:24 PM)
    Puisse Dieu me pardonner de ce que je vais dire, mais tous ceux qui connaissent Barka Ba savent que cette pseudo-interview lui appartient à 100%. Il s'est posé les questions à lui-même et y a répondu. C'est évident aux yeux de tous ceux qui l'ont pratiqué. Ce mec a un besoin irrépressible de lumière. Sa grande quête : être reconnu comme un grand journaliste et analyste politique. Cela fait sourire ses anciens collègues de Tfm. Quand il était Directeur de l'Information, il était incapable de définir un sujet original. Toute la rédaction se gaussait de son incompétence journalistique. Ce mec est juste un enseignant qui trouve que la classe ne lui apporterait la lumière qu'il quête.
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    Auteur

    Joni-joni

    En Octobre, 2014 (14:44 PM)
    Sauf que, vous avez volontairement omis de mentionner

    la complicité de la Communauté Internationale (Occident : Sarkozy - par juppé interposé, Obama) dont les intérêts étaient menacés (Belloré notamment... votre partenaire) avec leurs souteneurs domestiques (sociétés civiles, médiacratie et autres lobbies pétroliers, banquiers homosexuels et anti islamiques, du sucre et du ciment qui ont pu manipuler tout un peuple (sa jeunesse principalement) pour assouvir son funeste ambition. On se demande encore qu'est qui a changé sous le soleil n'est Thiat (les mêmes chats...)

    La preuve : Aujourd'hui, Itoc (Baba Diaw & Moustapha ) trône au somment de l'Etat, Diagna Ndiaye est ministre conseiller, après que Abdou Mbaye se soit servi,les Youssou ndour, Babacar Touré, Jacques Habib Sy, Alioune Tine, Penda Mbow et autres menus fretins sont aux premieres loges de la République ; pendant ce temps le peuple "ordinaire" comme vous l'appelez se demande encore ce qui a pu lui arriver pour tomber au bas.
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    Journalistisque

    En Octobre, 2014 (15:23 PM)
    Excellente analyse politique, sauf que par pudeur peut être vous n'avez pas touché à sa qualité de traffiquant d'armes international, avec des ramifications même à DAKAR

    Je vous le concède puisque là on rentre dans des considérations très complexes.

    Mais Blaise en a tellement fait!

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    Eus

    En Octobre, 2014 (16:22 PM)
    QUI TUE PAR LES ARMES ,PERIRA PAR LES ARMES........il le sait Blaise et ne va jamais reculer car sa famille sera aussi interpellée !
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    Auteur

    Bilbassi

    En Octobre, 2014 (19:26 PM)
    A coup sûr Blaise joue à quitte ou double; il creuse une tombe. mais qui sera enterré dans celle_ci. il n'a pas tiré les leçons du passé car les occidentaux ne constituent jamais un allié sûr. c'est au peuple burkinabé de reprendre sa légitimité comme l'avait fait les sénégalais en 2012. c'est le pays des hommes intègres, ils ne valent pas moins que les sénégalais.
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    Auteur

    Latdeuguéne

    En Octobre, 2014 (20:37 PM)
    Bravo Barka, ce n'est pas un crime que de vouloir s'elever, votre anallyse est pertinente, je vous suis depuis au moins 2ans, inchallah vous irez loin n'en déplaise à vos détracteurs
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    Auteur

    Diop

    En Octobre, 2014 (00:36 AM)
    Vous etes nuance M Ba moi je dis si Blaise ne recule pas le peuple va le massacrer
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    Auteur

    Tsar

    En Octobre, 2014 (01:09 AM)
    Certains dirigeants africains ne s'en iront pas de si tot,car c'est un Deal entre l'occident et ceux qui ont assiste au dernier sommet francafrique.Ces dirigeants africains vont tout faire pour se maintenir au pouvoir sous l'encouragement et la protection de l'occident.Toutes les manifestations seront reprimees pour permettre au occidentaux d'avoir le temps de bien s'implanter.C'est une nouvelle forme de colonization mais cette fois ci avec la complicite de nos dirigeants.Blaise s'impose parcequ'il a la benediction de la France et de ces autres dirigeants africains qui sont dans le meme clan.
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    Auteur

    Oums

    En Octobre, 2014 (22:29 PM)
    Bonne analyse, bien documentée.
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