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Justice

[ Interview] Me Assane Dioma Ndiaye : «Ce que les chambres criminelles ont changé»

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Me Assane Dioma Ndiaye
Avocat à la Cour et président de la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh), Me Assane Dioma Ndiaye revient, dans cet entretien accordé à Seneweb, sur la réforme judiciaire qui consacre le remplacement des cours d'assises par des chambres criminelles. Entretien. 

 Les Cours d’Assises sont remplacées par des chambres criminelles. Qu’est ce qui change véritablement ?

 Dans l’esprit, il s’agit de rapprocher les justiciables des juridictions. On sait qu’à l’origine, la cour d’Assises était rattachée à une cour d’appel. Et on sait qu’il n’y avait que, plus ou moins, 4 Cours d’appel qui étaient opérationnelles : la Cour d’appel de Dakar, celle de Ziguinchor, celle de Kaolack et celle de Saint-Louis. Donc, à l’origine, ce sont les 4 régions où il y avait régulièrement des cours d’Assises. Par exemple, Diourbel était rattachée à l’origine à Saint-Louis et ensuite à Thiès. Tamba était rattachée à Kaolack. Louga était rattachée à Saint-Louis. Comme ça, il y avait donc 4 cours d’assises qui polarisaient plusieurs régions et départements. Maintenant, avec les chambres criminelles, au niveau de chaque tribunal de grande instance, vous avez une chambre criminelle. Donc, en principe, théoriquement et géographiquement, au niveau de chaque département, on est supposé avoir plus ou moins, avec la réforme, une chambre criminelle au niveau de chaque tribunal de Grande instance. Donc, en principe, il y a un rapprochement des justiciables aux juridictions. Mais sur le plan de la régularité, évidemment, nous ne voyons aucune nouveauté. 


 Quelle est la périodicité des sessions des chambres criminelles ?

 Même avec la réforme de 2008 sur les cours d’assises, les sessions étaient censées se tenir tous les 4 mois. Mais, avec les chambres criminelles, apparemment, c’est le même rythme, donc ce n’est pas des chambres criminelles qui vont siéger chaque semaine ou chaque mois, comme on peut le penser, comme d’ailleurs cela aurait dû être. Mais du fait de manque de moyens, du fait, comme d’habitude, il n’y a pas une corrélation entre les réformes et les moyens qui sont dégagés, tant humains que matériels et financiers, il n’y a aucun changement sur le plan du déroulement des audiences. Donc, pour me résumer, à part le fait qu'aujourd’hui les populations auront moins de déplacements à faire géographiquement. Je ne vois pas réellement une plus-value par rapport à l’ancien système. Maintenant, il reste que si le gouvernement sénégalais, de par une volonté politique, mettait les moyens suffisants et nécessaires pour le fonctionnement de ces chambres criminelles, il se pourrait que ces chambres siègent au moins une fois par mois. Ce qui serait un moyen ou un début pour régler le problème des longues détentions provisoires, parce qu’il y aurait moins d’affaires qui s’accumuleraient. Donc, je pense que cela pourrait faire que les longues détentions disparaissent. 

 Apparemment, la réforme n'a donc pas encore donné les résultats escomptés 


 Thiès n’a pas encore tenu de session de chambre criminelle malgré la réforme. Elle va la tenir peut-être ce mois-ci. Déjà, on est resté un an sans tenir une session de chambre criminelle. Diourbel n’a tenu qu’une seule et Kaolack aussi peut-être. C’est Dakar qui va entamer sa deuxième session. Donc vous voyez que là, l’horizon n’est pas clair. Ça s’assombrit d’ailleurs, parce que si déjà on revient sur le rythme qu’on avait avec la cour d’assises et si le rythme est moindre par rapport à la marge qu’avait la Cour d’assises, c’est inquiétant pour une réforme qui était censée accélérer les procédures pour lutter contre les longues détentions provisoires. Le stock de dossiers de drogue, au niveau du tribunal de grande instance de Dakar, est inquiétant. On nous parle de plus de 500 dossiers en instance. Comment résorber tout ce gap. Ça c’est extrêmement préoccupant. Pour vous dire que, en l’état des choses, nous ne voyons pas aujourd’hui le gain qu’on aura en terme de respect des droits fondamentaux de la personne, en terme de respect du droits d’être jugé dans un délai raisonnable et du respect de la présomption d’innocence. Nous ne voyons pas aujourd’hui les effets positifs qui sont attendus. Nous n’entrevoyons aucun effet positif par rapport à la réforme.

Lors des cours d'assises, le représentant du ministère public était appelé avocat général. 


Est-ce dans les chambres criminelles, on conserve la même appellation ?

 Je pense qu’il faut parler de procureur simplement. Avec les chambres criminelles du tribunal de grande instance, c'est le président du tribunal qui siège. La chambre criminelle n’est pas adossée à une Cour d’appel. Si elle était adossée à une Cour d’appel, on aurait appelé “avocat général” le Procureur général qui occupe le siège du ministère public. Mais comme c’est adossé maintenant au tribunal, c’est le procureur près le tribunal de grande instance qui est le représentant du ministère public.

 Est-ce qu'il y aura une ordonnance de prise de corps avec la réforme ? 

 Par ordonnance de prise de corps, il faut comprendre qu’en matière criminelle, maintenant comme à l’époque des Cours d’assises, la personne ne comparait jamais libre. Elle comparait toujours détenue. Donc si la personne est en détention, le juge, en renvoyant la personne devant la Chambre criminelle pour jugement, décerne une ordonnance de prise de corps. C'est-à-dire que la personne est censée être déférée de force devant la Cour d’assises. Si la personne est en liberté provisoire, le juge peut ordonner une ordonnance de renvoi sans décerner une ordonnance de prise de corps, parce que l’audience n’est pas imminente. Mais là, si on est à l’approche du jugement, il y a un délai requis qui impose qu'on exécute l’ordonnance de prise de corps. A l’approche de la session de la chambre criminelle, il y a une audience préliminaire qui se tient au cours de laquelle on vérifie l’identité de la personne. Le président de la chambre criminelle fait un certain nombre de formalités. Et là, nécessairement, l’ordonnance de prise corps est exécutée avant cette audience. L'ordonnance de prise de corps est donc une formalité pour mettre une personne, qui devrait être jugé dans un dossier criminel, dans les liens de la détention. Si elle est détenue, le problème ne se pose pas parce qu’elle est déjà en prison.

Y a-t-il eu des changements concernant les peines. 

Est-ce que ce sont les mêmes appliquées par les Cours d'assises qui seront appliquées par les chambres criminelles ? 

 Sur le plan criminel, je ne pense pas que la réforme ait consacré des changement ou des aggravations de peine. Il est vrai que sur le plan délictuel, cette réforme était censée aggraver un certain nombre de peines relatives au vol de bétail, au viol, aux agressions sexuelles et autres. Mais sur le plan des crimes, en tant que tel, il n’y a pas eu de modification des peines. En matière d’homicide volontaire (meurtres, assassinats), c’est le maximum, c’est à dire les travaux forcés à perpétuité. Les peines peuvent aller à 20 ans de travaux forcés. 

Concernant les personnes qui seront jugées, comment les appelle-t-on, des accusés ou des prévenus ? 

 D’abord, au niveau de l’information (instruction), on parle d’inculpé. Tant qu’une personne n’est pas renvoyée devant une chambre criminelle, on parle d’inculpé. Mais une fois que la personne est renvoyée, la personne est mise en accusation, donc la personne devient accusé. C’est le terme d’accusé qui est utilisé devant la chambre criminelle comme à l’époque devant la Cour d’assises. Si nous sommes en matière délictuelle, la personne est toujours inculpée devant le juge, mais devant le tribunal correctionnel, la personne est un prévenu. Donc le terme de prévenu, c’est devant le tribunal régional, le tribunal correctionnel. Mais, devant la Cour d’assises ou la chambre criminelle, c’est le terme accusé qui est utilisé.
Si la personne est relaxée, déclarée donc non coupable, en matière délictuelle, on parle de relaxe. Mais devant la Chambre criminelle, on parle d’acquittement si la personne est jugée non-coupable. On dit qu'elle a été acquittée. Ce sont là les termes appropriés.


1 Commentaires

  1. Auteur

    Rd Congo

    En Janvier, 2016 (16:05 PM)
    Bonjour les internautes







    Un sénégalais a-t-il besoin d'un visa pour un court séjour en RD Congo (Kinshasa) ?



    Merci de vos conseils.

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