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Des mosquées aux cantines, pourquoi la macronie diabolise les écolos

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ELIOT BLONDET VIA POOL/AFP VIA GETTY IMAGES Pourquoi la macronie diabolise-t-elle les Écolos?

POLITIQUE - Il est des domaines dans lesquels la macronie ne retient pas ses coups: les accusations en “islamo-gauchisme”, et les politiques menées par les élus Europe Écologie-Les Verts en font partie. Alors quand la mairie EELV de Strasbourg se voit accusée de subventionner la construction d’une mosquée soutenue par une association controversée pro-turque, les ministres Gérald Darmanin et Marlène Schiappa tapent fort. 

Le premier a saisi la justice en dénonçant “le financement d’une ingérence étrangère sur le sol” français à travers la Confédération islamique Millî Görüs, “qui a refusé de signer la charte des principes de l’islam de France et qui défend un islam politique.” La seconde, invitée de LCI mardi 23 mars, accuse pour sa part les verts de “flirter de plus en plus dangereusement avec les thèses de l’islamisme radical”, estimant que l’adoption par la mairie de Strasbourg de ce “principe de subvention” de plus de 2,5 millions d’euros pour la construction du fameux édifice religieux en était “la démonstration.”

Une offensive coordonnée particulièrement virulente à l’encontre de la maire Jeanne Barseghian et de sa formation politique. Mais pas franchement nouvelle. On ne compte plus les différentes passes d’armes entre marcheurs et écolos, sur quelque sujet que ce soit. Comme un avant-goût de la campagne présidentielle?

“Le sujet n’est pas de décrier l’ensemble des responsables EELV...”

Eva Sas voit en tout cas dans ces propos ministériels la marque “d’une fébrilité” dans la majorité à un an de l’élection. D’autant que pour la porte-parole d’EELV, “il n’y a aucun sujet de financement”, concernant la mosquée de Strasbourg. “La mairie a précisé que cette subvention serait conditionnée à un exercice de transparence et à la confirmation de l’adhésion aux valeurs de la République”, explique-t-elle au HuffPost, en regrettant une “polémique honteuse montée de toute pièce, alors que la première pierre avait été posée par le maire précédent Roland Ries.”

Ceux qui aspirent à une société apaisée, à une meilleure qualité de vie se tournent du côté de l’écologie. Emmanuel Macron l’a bien compris, il essaie de discréditer ce qui incarne l’espoir”Eva Sas, porte-parole d'Europe Écologie-Les Verts

Plus largement, l’ancienne députée dénonce “une volonté de caricaturer, de jeter l’opprobre sur le mouvement écolo”: “c’est la technique de ‘calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose’”. “L’espoir n’est plus chez La République en marche, ceux qui aspirent à une société apaisée, à une meilleure qualité de vie se tournent du côté de l’écologie. Emmanuel Macron l’a bien compris, il essaie de discréditer ce qui incarne l’espoir”, estime Eva Sas, en citant les récents succès électoraux de sa formation politique. 

Rien de tel, assure pourtant la porte-parole du mouvement présidentiel Prisca Thevenot. “Le sujet n’est pas de décrier l’ensemble des responsables EELV, ou de mettre telle ou telle formation politique au ban de la République, mais de pointer du doigt certaines ou certains élus”, nous dit-elle, quitte à quelque peu atténuer les propos de Marlène Schiappa qui dénonçait, la veille, des pratiques “coordonnées” chez les écolos avant d’enfoncer le clou en évoquant une “complicité” avec l’islam politique.

Des adversaires aux multiples rivalités

De nouvelles charges qui ont poussé le patron des écolos, Julien Bayou, à “solennellement” réclamer “des excuses ou un recadrage”, ce jeudi matin sur Radio Classique, sans quoi il portera plainte pour diffamation contre les ministres de l’Intérieur et celle en charge de la Citoyenneté. “Il n’est pas possible aujourd’hui de profiter de sa position de ministre pour diaboliser ses adversaires”, s’est-il indigné. 

Pour les deux, cette polémique est surtout une façon de “mettre en avant leurs thématiques pouvant plaire à l’électorat LR”, selon le sondeur Mathieu Gallard, alors que le chef de l’État est toujours sous la menace d’une candidature crédible de la droite modérée. “Pour lui, c’est ici qu’il y un risque de pertes et des potentialités de conquérir des voix... bien plus qu’à gauche, où son image est rédhibitoire pour une partie d’entre-elle”, nous dit le directeur de recherche chez Ipsos. 

Mais avant ces échanges autour de la future mosquée strasbourgeoise, la République en marche, derrière plusieurs ministres, n’avait pas laissé passer l’occasion de critiquer les écolos sur d’autres politiques locales. Conditions sanitaires obligent, le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet avait par exemple reconduit, en février dernier, le choix de son prédécesseur Gérard Collomb d’imposer un repas unique sans viande -mais avec poisson et œufs- aux écoliers de sa ville... au grand dam de la majorité. Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie avait même demandé au préfet du Rhône de se pencher sur le sujet. 

Une polémique à laquelle s’ajoutent celles autour de la sécurité à Grenoble, une ville administrée par l’écologiste Éric Piolle depuis 2014 ou l’absence, remarquée, de sapin de Noël géant à Bordeaux. Sans oublier les petites piques du président de la République lui-même, envoyées çà et là, à l’encontre de ceux qu’il définit comme les tenants du “modèle Amish” et du retour à la lampe à huile.

Sociologiquement, les écolos prospèrent sur les mêmes terres qu’Emmanuel Macron en 2017."Emmanuel Rivière, directeur international pour les études politiques chez Kantar Public

La République en marche et Europe Écologie-Les Verts sont “de fait, deux adversaires”, aux multiples rivalités allant de la revendication de l’authenticité écologique à celle de la modernité politique, rappelle de son côté Emmanuel Rivière, d’autant que “sociologiquement, les écolos prospèrent sur les mêmes terres qu’Emmanuel Macron en 2017.”

“Il y a une tentation assez forte (chez LREM ndlr) de faire le procès entre l’écologie raisonnable et l’écologie idéologique”, nous dit le sondeur, directeur international pour les études politiques chez Kantar Public, ajoutant: “il est tentant, pour la majorité, de saisir les occasions de ramener les écologistes à une vision excessive, restrictive, décalée de ce que doit être l’application de l’écologie politique en politique publique.”

Attention danger? 

De quoi séduire une population moins offensive sur ces questions? “Ça peut accessoirement avoir l’avantage de détacher une partie de l’électorat des écolos qui est très centriste”, explique de son côté Mathieu Gallard, en rappelant que “les écolos font de bons scores” quand ils arrivent à réunir leur aile très à gauche et celle plus modérée.

Reste que, pour le sondeur, avoir une approche “radicalement anti-EELV” n’est pas forcément gage de succès futur pour le chef de l’État. Cela peut être, au contraire, contre-productif auprès des sympathisants de La République en marche, dont beaucoup viennent de la gauche, à l’image de nombre de ses députés. “Depuis 2018, la conscience environnementale est montée en flèche dans l’opinion, elle est réelle, profonde, et touche beaucoup de catégories de la population. Selon la manière dont tout cela est médiatisé, ce positionnement peut avoir un impact négatif sur la majorité qui est sensible aux questions écolos”, explique-t-il.

Un député LREM tendance aile gauche nous dit d’ailleurs son “embarras” vis-à-vis de l’offensive de certains ministres, regrettant ce qu’il qualifie de “mauvaises polémiques”. “D’un côté, il ne faut pas être naïf, Darmanin joue à Sarkozy en espérant avoir le même destin politique, quand Marlène Schiappa est neutralisée entre le marteau et l’enclume”, souffle-t-il. Et si cette stratégie n’était pas celle de la macronie?


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