Dimanche 14 septembre 2014, le chiraquien François Baroin, étiqueté filloniste, a rejoint Nicolas Sarkozy dans sa reconquête de l'UMP, s'ajoutant au parterre des ténors de l'opposition qui l'avaient déjà devancé. Le principal intéressé n'a pourtant toujours pas annoncé sa candidature (il a jusqu'au 30 septembre pour le faire). Autant dire que son élection à la tête du mouvement s'annonce plébiscitaire, dans la plus grande tradition de la droite française.
Une semaine politique charnière. Mardi 16 septembre, Manuel Valls engagera la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale, via le vote de confiance. Le surlendemain, sur la base du résultat de cette échéance, qu'il espère positif, François Hollande tiendra sa quatrième conférence de presse bisannuelle du quinquennat, en plein référendum écossais. Et dimanche prochain peut-être, selon Le Figaro, Nicolas Sarkozy annoncera sa candidature à la présidence de l'UMP.
C'est ce troisième fait politique qui devrait, sauf imprévu, s'avérer le plus marquant. Il a d'ailleurs occupé, dimanche 14 septembre, la manchette du journal Le Monde. « Son message (celui de Nicolas Sarkozy, NDLR) : réunir tous les clans, toutes les chapelles, toutes les sensibilités, toutes les personnalités, même celles qui ont tout fait pour l'empêcher de revenir », décrypte le « quotidien du soir », conforté dans son analyse par la succession millimétrée des ralliements publics de cadres de la famille gaulliste ces derniers jours, avant même que le principal intéressé ne daigne prendre la parole (se contentant d'une nouvelle « carte postale » envoyée devant un théâtre parisien, à la sortie d'une pièce sur l'Europe écrite par Bernard Henri-Lévy, tout un symbole).
« Je lui apporterai naturellement mon soutien »
Dans le triumvirat qui assure l'intérim à l'UMP, Jean-Pierre Raffarin n'est pas un problème pour M. Sarkozy, car ce qu'il vise, c'est la présidence du Sénat. Quant à Alain Juppé, 69 ans, candidat à une éventuelle primaire ouverte à droite pour la présidentielle de 2017, « il me rajeunit », aurait déclaré Nicolas Sarkozy. Un ami des deux hommes, cité par Le Figaro, explique que « Nicolas a assuré qu'il ne ferait rien contre les primaires, c'est tout ce qu'Alain voulait entendre. » « Sa seule véritable incertitude affichée concerne M. Fillon, avec lequel les relations sont polaires et qui n'a pas, pour l'instant, répondu à son invitation à venir le voir », explique Le Monde.
Qu'à cela ne tienne, les soutiens officiels de l'ancien Premier ministre ont, eux, répondu à l'appel. Dernière « sortie du bois » en date d'un ténor filloniste : le chiraquien François Baroin dans le Journal du dimanche (JDD). « J'apporterai naturellement mon soutien à Nicolas Sarkozy s'il décide de briguer la présidence de l'UMP », déclare l'ancien ministre, qui précise : « J'ai apporté mon soutien à François Fillon à la présidence de l'UMP en 2012. Je regrette profondément tout ce qui lui est arrivé. »
« Un général en chef a besoin de soldats, comme Bonaparte »
Avant lui, un autre filloniste, Laurent Wauquiez, était aussi sorti de son silence. Après la présidentielle, il défendait l'idée d'un « devoir d'inventaire », mais selon lui, Nicolas Sarkozy est désormais « la meilleure solution ». « Le combat entre Copé et Fillon nous a beaucoup abîmés », argumente-t-il. Laurent Wauquiez assure lui aussi qu'il faudra organiser une primaire, mais en attendant, contre le « désordre », « oui, je veux un chef ! », s'emporte l'ancien ministre au micro de BFM-RMC.
Certes, il est toujours question d'alliances entre partis, de positionnements politiques, de curseurs idéologiques, de débats sur l'Europe, l'immigration, les thèmes sociétaux, la croissance, ou la réduction des déficits, mais nous assistons surtout, pour l'instant, à un modèle de prise du pouvoir de type gaulliste et bonapartiste, revisité à l'heure de l'hypermédiatisation. Se faire désirer, titiller cette « fibre » sensible dans les rangs de la droite française, celle du « chef », et ainsi gagner avant même de prononcer un discours, avant même de battre la campagne, c'est apparemment intuitif chez Nicolas Sarkozy, capable de susciter la frénésie chez ses soutiens.
Si le journaliste Alain Duhamel avait cru voir, pendant le quinquennat précédent, une nouvelle « marche consulaire » (son confrère de Mediapart Laurent Mauduit comparant plutôt la mandature Sarkozy à une morgue de Second empire), Bernadette Chirac elle-même semble désormais revivre le retour de l'île d'Elbe (avant le vol du faucon puis les cent jours ?) « Je fais partie de ses soldats (ceux de Nicolas Sarkozy, NDLR). Un général en chef a besoin de soldats, comme Bonaparte », a-t-elle récemment affirmé sur Europe 1. Seule inquiétude de l'ex-première dame ? Que Nicolas Sarkozy s'abîme en mer en débarquant trop tôt, car seule doit compter la France à ses yeux, et non l'UMP.
« Oui, Nicolas Sarkozy a changé, je veux le croire »
Autrefois, à en croire quelques chroniqueurs, Nicolas Sarkozy faisait un peu office « d'usurpateur » de la « chiraquie » (voir ici ou là), comme Napoléon Ier au temps de Louis XVIII. Mais les réflexes bonapartistes reprennent le dessus ces derniers jours à l'UMP. Malgré la violence de son éjection de la tête du mouvement, même Jean-François Copé a dû mettre entre parenthèses sa diète médiatique, le temps d'une réunion avec 70 de ses proches. Le tout pour leur annoncer : « Je pense qu'être copéiste et soutenir Nicolas Sarkozy, c'est une démarche cohérente. » Et de les inciter à relayer cette parole (ce qu'ils font désormais).
Mais que dire de cette déclaration de Dominique de Villepin sur BFM-RMC, en marge de sa désapprobation d'une « troisième guerre d'Irak » ? Rappelant qu'il restait opposé à la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Otan, que l'on doit au président Sarkozy, l'ancien adversaire numéro 1 de ce dernier, qu'il fallait planter sur « un croc de boucher » aux yeux des sarkozystes, a lâché cette semaine une confession touchante : « Oui, Nicolas Sarkozy a changé, je veux le croire », assure Dominique de Villepin.
« Je préfère l'énergie de Nicolas Sarkozy à une France qui s'enfonce »
Et M. de Villepin de continuer : « A un moment donné, (Nicolas Sarkozy) avait cédé - je parlais du discours de Grenoble - à la tentation d'activer des clivages et des divisions qui me paraissaient inutiles. Mais vous savez, la politique, c'est la comparaison ! Depuis, on a la gauche au pouvoir, on a François Hollande au pouvoir, et c'est pour ça que je me suis permis de dire sur cette antenne que j'avais été inju... (il se coupe, mais se reprend vite, NDLR) C'est vrai qu'à la comparaison, je préfère l'énergie de Nicolas Sarkozy à une France qui s'enfonce. » Chez M. de Villepin, le bonapartisme (littéraire) et le gaullisme (la politique, « un chemin de croix ») l'emportent sur une éventuelle solidarité entre camarades de l'ENA.
Rien, bien sûr, n'aurait été possible sans les sarkozystes eux-mêmes. A leur tête : Brice Hortefeux, inlassable artisan de la petite musique du retour « nécessaire », guidé par le sens du « devoir ». Ses efforts s'annoncent, du moins pour la prise de l'UMP, pleinement gagnants : M. Sarkozy se prédirait lui-même au moins 80% des voix, croit savoirLe Parisien. Commentaire de l'historien Christian Delporte, auteur de Come back ! Ou l'art de revenir en politique, dans les colonnes du quotidien Le Monde : « Souvenez-vous de De Gaulle. Fin 1957, seulement 11% des Français interrogés par l'Ifop se disaient favorables à son retour. (...) C'est alors que les proches du général se sont activés, à coups de comités et de déclarations pour annoncer l'inévitable effondrement de la IVe République et la nécessité du retour d'un homme à la hauteur de la situation. »
A quoi Nicolas Sarkozy candidate-t-il au juste ?
« Depuis deux jours ici, il y a un nom qui plane sur l'ensemble de notre campus. Ce nom, disons-le franchement, c'est celui de Nicolas Sarkozy », a lancé le maire de Nice Christian Estrosi, dimanche 7 septembre, devant des militants locaux réunis dans la ville qu'il administre.Ces derniers criaient, comme à chaque sondage ciblant la base du parti ou ses sympathisants : « Sarko président ! » « L'UMP, ou peu importe comment elle s'appellera, a continué M. Estrosi face à la foule (on soupçonne actuellement Nicolas Sarkozy d'envisager un changement de nom du parti, NDLR), ne survivra que s'il y a un changement profond ».
A n'en pas douter, là où ni François Fillon, ni Jean-François Copé n'ont réussi, Nicolas Sarkozy est sur le point de se faire plébisciter le 29 novembre, face à son ancien ministre Bruno Le Maire, autrefois villepiniste, et qui aura profité de l'opération pour se faire une notoriété nouvelle. Quant à l'autre candidat déclaré, le député Hervé Mariton, on lui prédit un « flop » si les militants les plus conservateurs de l'UMP, qu'il vise, en viennent à préférer « l'homme providentiel » à leur détestation du « mariage pour tous » (sur lequel Nicolas Sarkozy a fait savoir qu'il ne reviendrait pas).
Pour le meilleur et pour le pire, alors qu'il est également en pleine bataille judiciaireincertaine, Nicolas Sarkozy veut donc prendre la tête de l'opposition française dans moins de deux mois. Reste à voir s'il compte réellement, en cas de succès, organiser des primaires à l'UMP (voire y participer), ou faire fi de cette promesse et reprendre en main sa machine de guerre électorale, créée en 2002 par Jacques Chirac et Alain Juppé dans un seul but : porter son président à l'Elysée.
0 Commentaires
Participer à la Discussion