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DESSOUS DE L’AFFAIRE REISS : POURQUOI WADE VEUT COULER PARANT

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DESSOUS DE L’AFFAIRE REISS : POURQUOI WADE VEUT COULER PARANT

À la lumière du communiqué du ministère sénégalais des Affaires étrangères sur l’affaire de l’otage français Clotilde Reiss, on se rend compte que le Président sénégalais et le conseiller de Sarkozy se sont livré une guerre impitoyable, sur fond de manœuvres dont le but inavoué est de garder une certaine influence auprès de la cellule diplomatique de l'Elysée dirigée par Jean-David Lévitte.

On en sait un peu plus sur la nature orageuse des relations entre Me Abdoulaye Wade et André Parant. Ce dernier, on se souvient, est au cœur d’une brouille entre Paris et Dakar, après les propos qu’on lui a attribués concernant l’âge du chef d’Etat sénégalais et son «projet de dévolution monarchique du pouvoir». Mais, en réalité, cet incident n’est que la partie visible de l’iceberg dans le combat à mort entre les deux hommes relativement à la gestion de l’affaire de l’otage français Clotilde Reiss. Dans un communiqué daté d’avant-hier et signé depuis l’Iran par Me Madické Niang, on apprend qu’après moult tentatives de Me Wade pour convaincre les autorités iraniennes de libérer la jeune femme de 23 ans, André Parant est arrivé à Dakar par vol spécial, le 13 novembre 2009. Reçu en audience par le président de la République, pendant plus de deux heures, en présence des ministres d’Etat Madické Niang et Karim Wade, il fut informé de la «teneur des discussions avec les autorités iraniennes et de leur volonté de libérer rapidement Clotilde Reiss».

Selon le communiqué que nous avons parcouru, André Parant avait pris bonne note. Mais, au grand étonnement des autorités sénégalaises, une fois de retour à Paris, il a fait savoir aux officiels de Dakar que les autorités françaises souhaitaient qu’ils suspendent leur médiation. Un constat d’échec qui fait monter la tension entre Dakar et Paris sur ce dossier. C’est dans ce contexte que, le 26 novembre 2009, le Président iranien a effectué une visite officielle au Sénégal en compagnie de son épouse. Mais, «conformément à la demande française», l’affaire Clotilde Reiss n’est pas évoquée.

Ces différentes péripéties ont poussé le Président sénégalais à accuser M. Parant, conseiller aux Affaires africaines au sein de la cellule diplomatique de l'Elysée, d’avoir voulu torpiller ses efforts. Interrogé hier par Rtl (voir ailleurs), Me Wade a laissé entendre que, n’eussent été les manœuvres de l’ancien ambassadeur de la France au Sénégal, l’otage aurait été libéré depuis six mois…

Madické Niang magnifie la médiation de Wade, Karim s’en prend aux «petits fonctionnaires»  des ambassades

Joint à Téhéran où il a été dépêché par Me Wade pour «superviser» la libération de l’otage français, le ministre d’Etat ministre des Affaires étrangères a, d’emblée, voulu magnifier le rôle joué par le Président sénégalais dans cette affaire. Apparemment euphorique face à ce qu’il considère comme un «important  succès diplomatique du Sénégal», il affirme que c’est grâce à la médiation de Wade que Mlle Reiss a recouvré la liberté. Me Madické Niang estime également que notre pays a réussi là où d’autres ont échoué. Il se réjouit, par ailleurs, du coup de fil que le Président Sarkozy a passé hier à son homologue sénégalais, pour le remercier d’avoir contribué au dénouement de cette affaire.

Interpellé sur la guéguerre qui a opposé Me Wade à André Parant sur ce dossier, le ministre d’Etat a fait savoir que l’ancien  ambassadeur de France au Sénégal n’est pas l’interlocuteur de Wade. Lui emboîtant le pas, Karim Wade, qui est également en Iran, précise que cette affaire a été directement gérée, à l’Elysée, par le Secrétaire général Claude Guéant et non par des «petits fonctionnaires» qui sont dans les ambassades.

ME WADE  S’EXPLIQUE SUR RTL : «S’il n’y avait pas l’intervention de M. Parant, Clotilde Reiss serait libérée depuis six mois»

Quel rôle a joué le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, dans l'affaire de la libération de la jeune française Clotilde Reiss, condamnée en Iran pour espionnage ? Certaines sources évoquent le rôle crucial joué par le Président sénégalais. C'est lui qui aurait négocié directement avec son homologue iranien, Mahmoud Ahmadinejad : il aurait été, en quelque sorte, le médiateur... Il s'explique sur Rtl.

Le Sénégal a joué un rôle, apparemment, dans la libération de Clotilde Reiss. Quel a été ce rôle précisément ?

A l’occasion d’une visite à Téhéran, j’ai parlé au Président Ahmadinejad. Je lui ai suggéré de libérer Clotilde Reiss qui avait été arrêtée en 2009 et il m’avait donné son accord. Je lui avais conseillé de le faire pour des raisons humanitaires et que cela aurait une très grande portée. Surtout que lui avait des problèmes avec l’opinion, d’un autre côté.

Dès le départ, il vous avait donné son accord de principe ?

Oui absolument. Non, non ! Dès le départ, il m’avait donné son accord de principe, mais il m’a dit que c’est compliqué, car l’affaire est entre les mains du Tribunal musulman et que si elle serait jugée, elle serait condamnée sévèrement. Par conséquent, il avait tout fait pour la soustraire de la juridiction musulmane. Mais pour cela, il avait préparé le terrain et a eu l’aval du Guide de la République.

Ça, il y a un an. Récemment, quelle a été votre intervention pour accélérer les choses ?

Quand je suis rentré, j’ai parlé à Sarkozy directement en lui disant que le Président Ahmadinejad était d’accord pour libérer Clotilde Reiss. J’ai appelé à l’Elysée pour demander à Sarkozy de m’envoyer quelqu’un en qui il avait confiance pour voir dans les détails comment on pourrait procéder à la libération de Clotilde Reiss et on m’a envoyé André Parant. (Il est le Conseiller spécial pour l’Afrique de l’Elysée). Nous nous sommes entretenus jusqu’à trois heures du matin. Cela s’est passé en octobre 2009 et il est reparti. Mais quelques jours après, j’ai été très étonné quand il m’a appelé pour me dire : «Président Wade, on vous demande de laisser ce dossier de côté pour l’instant, parce qu’il se trouve que nous sommes sur une piste. Nous avons un contact extrêmement sérieux.» Je lui dis : «C’est bien, moi j’ai voulu simplement vous aider et aider mon ami Sarkozy. Si quelqu’un peut le faire, c’est tant mieux.» Seulement, depuis lors, il ne s’est rien passé et j’ai repris sur moi de relancer cette affaire. J’ai parlé à Sarkozy et il m’a donné le feu vert. C’est ainsi que j’ai re-contacté les Iraniens qui m’ont dit qu’ils sont dans les mêmes dispositions. J’ai envoyé les ministres d’Etat Karim Wade, et Madické Niang pour régler les détails de la libération.

C’est sur ces entrefaites que je suis venu pour la mise en œuvre qui avait été arrêtée. Les Iraniens ne voulaient pas qu’elle quitte Téhéran avant mon arrivée, je suis quand même le Président de l’Organisation de la conférence islamique (Oci). Et une des dispositions de notre Umma, c’est que nous devons rechercher la paix, partout où c’est un de nos membres qui a un problème. C’est fort de cela que j’étais sûr de pouvoir faire quelque chose, mais je ne dis pas que quelqu’un ne l’aurait pas fait. Mais, je suis arrivé à la conclusion que s’il n’y avait pas cette intervention de M. Parant, Clotilde Reiss serait libérée depuis six mois. Alors que j’avais monté, avec les Iraniens, un chronogramme extrêmement précis de libération, il fallait simplement me laisser faire et l’affaire serait terminée depuis très longtemps. Je ne sais pas si c’est lui ou s’il a reçu des instructions ; je dis que le fait, pour lui, de me dire d’arrêter de m’occuper de cette affaire, il y a six mois, parce qu’ils avaient un bon contact, c’est la preuve que ce contact n’était pas bon.

COMMENTAIRE : Dessous de Clotilde

Wade suait sang et eau pour la libération d’un otage français en Iran, sans aucune arrière-pensée ? Trop simple. Derrière le volontarisme diplomatique affichée par le président de la République dans la médiation qui a abouti, le week-end dernier, à l’élargissement de Clotilde Reiss, la jeune universitaire retenue en Iran après s’être vue accusée d’espionnage, il y a la volonté de toujours mettre en avant l’implication du ministre d’Etat Karim Wade, dont les projets d’entrée dans les bonnes grâces de l’Elysée sont régulièrement mis à mal en dépit de l’activisme de son conseiller, l’avocat Robert Bourgi, qui l’accompagnait d’ailleurs dans ses allers-retours entre Dakar,  Paris et Téhéran pour dénouer les fils de l’écheveau.

Il fallait bien accorder la paternité de la prouesse diplomatique à quelqu’un, surtout que le fameux projet de «dévolution monarchique» du pouvoir, dont est accusé avec insistance le Président Wade par ses opposants, dont le dernier en date n’est personne d’autre que l’ancien chef de la Diplomatie sénégalaise, Ckeikh Tidiane Gadio, a comme premier jalon, au plan international, le blanc seing du Président Nicolas Sarkozy. Les communiqués officiels triomphants des services de Me Madické Niang, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, laissent transparaître une volonté de souligner le rôle joué par le fils du président de la République, ministre d’Etat en charge de la Coopération internationale, entre autres portefeuilles dont il dispose au sein du gouvernement sénégalais, dans le dénouement de la crise diplomatique engendrée par «l’affaire Reiss».

Avec insistance, Karim Wade a cherché et obtenu une audience auprès du président français grâce à ses entrées auprès du Secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. Il est établi que, mis au courant des ambitions politiques du fils du président sénégalais, Nicolas Sarkozy aurait été briefé dans ce sens et ses interlocuteurs sénégalais, pour certifier le caractère démocratique et chargé de périls pour la stabilité du pays, lui avaient fait comprendre que le premier test électoral de «l’héritier biologique», maintenant héritier tout court de Me Wade, serait un succès éclatant.

Le 22 mars 2009, ce n’est pas seulement la coalition «Sopi 2009» qui a été battue dans les grandes villes du pays. C’est surtout le leader de la «Génération du concret», Karim Wade, qui a vu son projet de conquérir la mairie de Dakar tomber à l’eau. Et partant, son image de présidentiable potentiel en a pris un sacré coup auprès de l’Elysée dont on croit toujours l’opinion essentielle, pour des raisons justifiées ou pas, dans la bataille pour de la succession de Me Wade.

Il fallait donc recadrer, donner un nouveau gage de compétence du ministre d’Etat Karim Wade, le présenter comme apte à traiter des dossiers d’envergure internationale. La médiation sénégalaise a permis un triple coup : sortir la tête de l’eau après des mois de mauvaise fortune diplomatique, malgré un intérêt de tous les instants du Président Wade sur les sujets de tous ordres ; surtout «abattre» le personnage qui écorne l’image de Karim Wade au sein de la fameuse cellule africaine de l’Elysée dirigée par l’ambassadeur Jean-Daniel Levitte.

En effet, André Parant, ancien plénipotentiaire de France au Sénégal, membre de la cellule, appartient à l’influent mouvement diplomatique qui veut nettoyer les relations entre Paris et ses anciennes colonies de scories laissées par la «Françafrique». Or, pour ses entrées à l’Elysée, Karim Wade a choisi d’utiliser le carnet d’adresses de l’avocat Albert Bourgi, présent avec lui à Téhéran, mais qui traîne une sulfureuse réputation de lobbyiste peu regardant sur les méthodes, comme il l’a montré un peu partout en Afrique francophone où il est le conseiller écouté de nombreux chefs d’Etat.

Cette mise en situation forcée de l’Elysée pour lui démontrer la pertinence et la justesse des ambitions présidentielles de Karim Wade a finalement eu comme conséquence une crise au sein de la cellule africaine des services du Président Sarkozy. D’un côté, «l’ami» Claude Guéant de plus en plus poreux aux idées du jeune ministre d’Etat sénégalais ; de l’autre, l’ambassadeur André Parant qui n’avait pas pu se retenir devant des journalistes, dont un de «l’Est républicain» pour prévenir des «risques» que prenait le Président Wade en insistant dans sa volonté de se faire succéder par son fils. L’affaire avait un peu secoué l’axe Paris-Dakar, il y a quelques semaines. Le Président Wade, par la voix de Me Madické Niang, avait feint un courroux, pour rebondir de plus belle…

En donnant des détails très précis sur les raisons du retard de la libération de la jeune otage, Me Wade a nommément cité André Parant. «L’otage aurait pu être libérée, il y a déjà six mois», a confié, hier le Président Wade au micro de Rtl, depuis Téhéran où il se trouvait pour les besoins d’un sommet du G-15 que préside l’Iran. C’est net, clair et précis : Karim Wade aurait réussi la mission depuis longtemps, si un fonctionnaire ne lui avait pas mis les bâtons dans les roues. La soulagée Clotilde Reiss ne s’imagine sans doute pas les heureux qu’elle a faits malgré elle…

 

Serigne S. Samb, Ndiaga NDIAYE, Mamoudou WANE



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