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Immigration

EDITORIAL : Simplissime

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EDITORIAL : Simplissime

Pour consacrer une sorte de tyrannie de la majorité, on a bien l’habitude de dire que les goûts et les couleurs ne se discutent pas, même si nous créons des musées d’art. Il faudrait cependant se demander comment une star de seconde zone en Inde, qui vient juste de démarrer une carrière, est élevée au rang de déesse, ici au Sénégal, pays de la Téranga et… du bon goût. A qui profite vraiment ce sacrilège ? N’est-il pas l’indice de la faillite de la créativité au Sénégal, d’un problème de consommation ou plus sérieusement d’une crise de la société dans sa totalité ?

Les images, déroulées sur tous les tons sur la 2STV, se passent de commentaires. L’ambiance, tout en adrénaline hier à l’aéroport, n’a rien à envier aux séquences bien romantiques de la série en question. Une foule en délire, des femmes qui tombent en transes, l’émotion qui paralyse totalement les fans de la jeune actrice indou, au point que là où elle passe, les fans «trépassent». Et le rituel n’a absolument rien à voir avec l’accueil qu’on réserve aux chefs d’Etat, amis du Sénégal. Et comment ! Vaidehi a mobilisé beaucoup mieux que le Président Iranien, lors de son bref séjour au Sénégal, le 26 novembre dernier. Combien étaient-ils ? Des milliers… Le Président Wade va sans doute en vouloir à El Hadj Ndiaye d’avoir su drainer, par la magie certainement de la télévision, des milliers de jeunes. Sans l’ombre du plus petit car «Ndiaga Ndiaye», s’il vous plaît ! «Voir Vaidehi et vivre», ainsi pourrait bien se libeller le titre du film qui nous a été servi, hier. Sauf que ce n’est pas du cinéma mais bien la réalité.

Et pourtant, Vaidehi est ce qu’il y a de plus ordinaire, le scénario est même simpliste. L’héroïne est une jeune fille de 21 ans qui rêve de se marier un jour avec un prince charmant et de fonder une famille. Elle n’est pas riche, mais est très belle. Elle tombe sur Aryavardhan, un jeune, beau et autoritaire de la puissante famille des Jaisingh. On la force à se marier, mais l’héroïne du téléfilm a d’autres rêves. Elle ne veut pas d’argent, mais d’amour. Comment va-t-elle faire pour échapper aux pièges (trahison, délation, jalousie…) qu’on lui tend de partout ? Et c’est alors parti pour une romance à faire chavirer le cœur des sénégalais.

Nos cinéastes et producteurs de téléfilms peuvent gloser le caractère simpliste des telenovas du genre Vaidehi. A juste titre peut-être. Mais que propose-t-on en fin de compte à ces millions de jeunes sénégalais, à la recherche de sensations nouvelles, loin du schème Yadikone, ou «Coumba Am Ndèye, Coumba Amoul Ndèye» ? Car, il ne faut pas se tromper de cible, si Le Titanic a battu tous les records (il vient d’être détrôné par Avatar du même producteur) ; c’est bien parce que le film de James Cameron qui a généré 1,842 milliard de dollars de recettes a réussi à ferrer des centaines de millions de jeunes, même dans les pays asiatiques. Le filon sentimental, le business du cœur, marche si bien aujourd’hui qu’il faut remarquer avec surprise, qu’au Sénégal, aucun téléfilm, même de qualité moyenne, n’est venu narrer le tragique naufrage du «Joola», qui a fait près de 2000 morts.

Sans cynisme aucun. La nature ayant horreur du vide, pourquoi devrait-on s’étonner que Vaidehi, qui, soit dit en passant, n’a produit que deux séries - la première ayant été un fiasco total - que cette artiste de seconde zone dans son pays, se taille une bonne place dans le cœur des sénégalaises et sénégalais. Que le scénario soit d’une simplicité déconcertante renseigne au moins sur une chose : on n’a pas besoin d’être un grand défenseur de la cause nègre, un panafricaniste convaincu ou un superbe théoricien d’un réveil continental, pour faire des séries qui accrochent. L’Etat a sans nul doute la responsabilité de protéger les producteurs locaux, en imposant par exemple, un système de quotas de téléfilms locaux aux télévisions privées, mais il ne pourra jamais instaurer une sorte de tyrannie du goût, aux sénégalais. Peut-on simplement reprocher à nos compatriotes de ne point être emballés par l’héroïque suicide des femmes de Nder, le dernier combat de Lat Dior Ngoné Latir Diop ou la farouche résistance de la belle et rebelle Aline Sitoé Diatta ? N’y a-t-il pas d’autres histoires qu’on pourrait nous raconter ? Ou encore une autre manière de raconter ces histoires-là ? Il faudra bien qu’on se pose des questions bien simples. Que voulons-nous faire ? Sommes-nous aujourd’hui armés pour résister à l’impérialisme des goûts ? On a assez disserté là-dessus, la mondialisation ne se réduit pas seulement à la circulation de la marchandise et à la fragilisation de nos économies complètement englouties dans la mare des grandes puissances économiques. Elle engendre aussi une sorte de métamorphose des sentiments. Pouvons-nous raisonnablement persister dans une posture de rejet, en nous réfugiant derrière nos traditions, et oubliant sans doute que dans 100 ans, la tradition, ce sera aussi notre vécu actuel ? Pourquoi ne ferait-on pas comme les Grecs, que les Romains accusaient d’être de vulgaires plagiaires, en nous acclimatant à la température mondiale en produisant des telenovas du genre ? A-t-on intérêt à simplement deviser le niveau de perception (jugé primaire) des populations.

 

Post-scriptum 

Le message de Valdehi est sans doute aussi…massage. Au sens où, les jeunes sénégalais, aujourd’hui tenaillés par des difficultés de toutes sortes, ont bien sûr besoin de bouée de sauvetage. Et naturellement, le pouvoir en place, ne doit pas être mécontent de voir tous ces jeunes, marcher pour demander du travailler, mais bien plutôt s’effondrer sur les routes non encore achevées qui mènent à l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Même s’il faut se rappeler que si le jeune «prodige» Cheikhou Sharifou avait réussi, par la baraka de quelques versets basiques du Coran, à faire oublier aux sénégalais les «grimaces de la marmite», en 1999. Le régime socialiste qui avait encouragé sa venue tombait six mois après ses prêches enflammés. 



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