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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Entretien

EMISSION «GANOU SENEWEB» Avec…Fadel BARRO, Coordonnateur du Mouvement Y’En A Marre: « Nous ne croyons pas que ce système peut changer le pays »

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EMISSION «GANOU SENEWEB» Avec…Fadel BARRO, Coordonnateur du Mouvement Y’En A Marre: « Nous ne croyons pas que ce système peut changer le pays »

La situation du pays près de deux ans après l’arrivée de Macky Sall, les attentes des populations, la philosophie, les nouveaux chantiers et les perspectives de Y’En A Marre sont, entre autres, les sujets abordés avec le Coordonnateur du Mouvement, Fadel Barro. Il est le premier invité de Ganou Seneweb et montre que malgré l’importance de la chute de Wade, le combat et la mobilisation ne s’estompent pas.


SENEWEB : Pourquoi avez-vous senti récemment le besoin de rappeler que l’objectif principal du Mouvement Y’En A Marre n’était pas de faire partir Wade ?


Fadel BARRO : Comme dit une formule, la répétition est pédagogique. Ce n’est pas que les gens soient de mauvaise foi, c’est juste un oubli. Parce que beaucoup lient Y’En A Marre au 23 juin, alors qu’il est né bien avant. Il en est de même concernant nos objectifs, et à propos de Wade nous savons toujours qu’à lui seul, il ne peut changer les choses. Il en est de même pour tout autre dirigeant dans ce monde. Le système de fonctionnement ne peut pas le permettre. Nous ne cessons de répéter que le changement viendra du peuple. Dans l’historique du Mouvement, vous verrez que nous parlons d’un combat contre un système large et nous avons choisi une cible pour réussir. Il s’agit du citoyen. Notre première action a ainsi été, en mars 2012, « Les 1000 plaintes contre le gouvernement sénégalais » initiée à Rufisque et marquée par l’arrestation de tous les responsables du Mouvement. La démarche consistait à compiler les difficultés de la population et de désigner un responsable, le gouvernement en l’occurrence. Accepter de suivre cette logique signifiait déjà une rupture avec ce fatalisme et ce laxisme qui nous gangrènent, et nous empêchent d’avancer. Notre diagnostic est donc structurel. Ce n’est pas une personne que nous visions sinon, le combat serait fini. Il est vrai après que quand les défis baissent d’intensité, le combat suit le même rythme. Tout ramener au départ de Wade concernant la vie de Y’En A Marre s’explique par le combat mené dans ce cadre, le contexte politique d’alors et surtout le 23 Juin, date de la grande mobilisation contre le projet de ticket présidentiel. Il faut se référer à la première déclaration du Mouvement qui disait « Y’En A Marre où », « Y’En A Marre comment », etc.


Un peu comme les règles de la profession de journaliste dont vous êtes ici ?


Exactement, mais en ajoutant un intro et outro, pour tenir également compte de la réalité des musiciens qui composent le Mouvement. Y’En A Marre est une rencontre heureuse entre un homme de lettres et des hommes de culture. Nous avons décidé de faire les choses à 4 heures du matin. Nous avons pris nos responsabilités face aux nombreuses difficultés du pays, en réfléchissant bien à toutes les actions pour réussir ce combat. Faire partir Wade en était juste une partie, mais ce n’était pas l’objectif principal. Nous voulons créer les conditions pour faire en sorte qu’aucun président ne puisse rompre avec les préoccupations des populations dès après son élection pour attendre la nouvelle élection et espérer le faire partir.


Voulez-vous dire que Wade est parti mais les choses n’ont pas changé ?


Le Mouvement Y’En A Marre avait tiré sur la sonnette d’alarme, afin qu’on ne change pas le chef d’orchestre et que les musiciens continuent de jouer la même symphonie. Nous l’avions dit. C’est pourquoi, nous avions choisi de ne soutenir aucun des candidats à la présidentielle de 2012. De même, à l’arrivée de Macky Sall nous n’avons pas voulu assumer des postes dans la gestion du pouvoir. C’est comme si nous étions d’accord avec la marche du système. Nous ne croyons pas que ce système peut changer le pays. Nous voulons contribuer humblement à installer un fonctionnement qui change le pays. Aujourd’hui, on peut avoir l’impression qu’on a juste changé de chef d’orchestre mais les musiciens jouent le même rythme. Nous en avons tous les jours des preuves avec des Sénégalais qui défilent pour nous exposer leurs problèmes. L’un d’eux nous a exposé le problème d’une réserve naturelle à la Somone déclassifiée on ne sait par quel chemin, et permettant à un étranger d’étendre son hôtel jusqu’au seul endroit où la population pouvait goûter à la fraîcheur marine. Cela été fait sous Wade et Macky Sall n’a pas rectifié ce mal. Même les environnementalistes ont essayé d’interférer dans ce problème en plantant sur le site une cabane et le drapeau du Sénégal mais, l’autorité leur a demandé de tout enlever. Il y a ensuite le cas d’un imam originaire de Diogo, dans le département de Tivaouane, venu nous parler du zircon. Nous estimons que si Thierno Ousmane Sy a été emprisonné pour l’affaire Sudatel, quelqu’un comme Pierre Goudiaby Atepa devait être arrêté ou interpellé pour le zircon, vendu à coup de milliards et personne ne sait la destination de l’argent. Le peuple a été dessaisi de ce patrimoine légué par leurs ancêtres, pour leur donner des indemnisations. Si vous avez la chance de parler au peuple, vous vous rendez compte que les choses n’ont pas changé. Et là, je ne parle pas des choses mieux partagées, comme la cherté de la vie. Ma conviction est que les choses ne peuvent se faire qu’avec le peuple. Nous devons arriver à une maturité faisant qu’on n’élise pas une personne, pour ensuite la laisser faire ce qu’elle veut. Ce sera plutôt en s’arrêtant sur sa démarche, l’utilisation des deniers publics tirés de nos impôts mais surtout notre foncier et les autres ressources. On y arrivera avec des propositions comme nous le faisions par le pays du NTS (Nouveau Type de Citoyen) pour arriver à la République des Citoyens. Lesquels exigeront aussi le droit d’influer sur l’application des programmes proposés par les politiques. C’est le sens de notre nouvelle initiative Dox Sa Gokh. La situation du pays exige qu’on mobilise tout le peuple pour trouver des solutions.


Pour faire simple, Y’En A Marre est déçu par le président Macky Sall ?


En ce moment, il n’y a pas encore un avis concerté de Y’En A Marre à ce sujet. Ensuite, nous sommes tellement bien organisés que si ça doit se faire, ce sera également avec des actions. Pas uniquement des propos. C’est pourquoi je ne veux pas donner un avis hâtif. Mais après presque deux ans de pouvoir, ce que nous voyons ne présage pas quelque chose de rassurant. La preuve a été apportée par le changement de Premier ministre. L’impression est que les engagements pris par le président à l’endroit du peuple n’ont pas été bien traduits par le gouvernement. Cela me semble beaucoup plus plausible que des divergences entre personnes ou des problèmes d’ego. Ils sont eux mêmes conscients que le peuple ne voit pas le Yonu Yokkuté prôné. Ils doivent rythmer la cadence. S’il s’agit toujours de s’installer, on commence à accuser du retard. Le plus grave, c’est qu’il n’y pas de vision pouvant rassurer quant à des lendemains meilleurs. Quelles que soient les capacités de Mimi Touré et notre respect à son endroit, nous ne croyons pas qu’elle puisse faire des résultats dans ces conditions. Si elle y arrive cependant, cela me fera énormément plaisir, parce que personne ne souhaite que Macky Sall échoue. Nous en sentirons tous, les conséquences, si cela se produit. Nous voulons un succès que garantisse la paix, de meilleures conditions de vie aux Sénégalais et la réussite de Macky Sall peut assurer cela. Nous ne sommes pas une opposition souhaitant que le pouvoir échoue pour nous donner du grain à moudre. A côté de la contestation, nous faisons des propositions pouvant créer les conditions que nous souhaitons pour le peuple. Nous n’attendons pas pour cela les partis politiques ou les tenants du pouvoir, mais essayons de voir comment contribuer à créer les conditions.

 
« Faire partir Wade était juste une partie, mais pas l’objectif principal de Y’En A Marre »


La création de ces conditions aurait justement pu passer par votre présence dans les cercles de décisions en acceptant d’occuper des postes. Pourquoi n’avez-vous pas voulu aller dans ce sens ?


Je comprends l’avis de certains Sénégalais estimant que Y’En A Marre devait faire du Takh Ci Rip, pour prendre un terme en vogue, dans le gouvernement. J’estime que chacun est libre de choisir la démarche qui lui sied pour participer au développement de son pays. Il faut une masse critique qui va s’ériger en rempart citoyen pour porter elle-même son développement. Nous ne pouvons pas le faire dans le système. C’est notre conviction. Mais c’est un choix difficile parce que des proches pensent qu’il faut bénéficier des 4X4 et autres privilèges du pouvoir, afin que cela puisse aussi leur profiter en leur trouvant du boulot. Cela nous a valu beaucoup d’incompréhensions et de critiques. Je pense qu’en persévérant dans cette voie, on se fera comprendre avec le temps.


Ces personnes ne comprennent pas qu’après la victoire, vous n’alliez pas profiter des fruits…


Simplement. Mais quand on amorce une démarche de rupture, il faut aller jusqu’au bout. Y’En A Marre est dans la formulation l’expression d’un ras-le-bol mais au-delà, il y a l’appel pour une rupture et pour la réussir, il faut éviter certaines erreurs commises par le passé. C’est à dire, créer son mouvement, passer son temps à critiquer pour se faire remarquer et ensuite appeler au moment du partage des responsabilités. Nous sommes dans une autre logique, même si elle est difficile à comprendre. En créant un rempart citoyen, on évitera ce que le Pr Souleymane Bachir Diagne qualifie d’« incarnation de certaines causes à des personnes précises », comme la bonne gouvernance à Mouhamadou Mbodji du Forum Civil, les droits de l’homme à Alioune Tine. Cela crée une Société Civile personnalisée. Il faut plutôt placer le peuple au cœur de toutes activités, c’est cela qui nous a valu du succès durant toutes nos actions. Maintenant, s’il fallait tremper dans la gestion des affaires pour essayer ensuite de s’ériger en pourfendeur, on aurait du mal à convaincre.


Certains l’ont pourtant fait dans la politique sénégalaise, même si le résultat est discutable…


Il est bien sûr discutable… Notre choix est d’être dehors pour construire. Le plus difficile a été fait, c’est de se mobiliser contre quelque chose. Se mobiliser pour déconstruire est facile, la complication c’est de se mobiliser pour construire quelque chose. C’est un autre combat, un autre défi pour Y’En A Marre qui, ne déviera cependant pas de sa trajectoire. Nous allons créer les conditions en notre sein pour mobiliser aussi fort que le 19 mars 2011.


Autrement dit, la beauté de la victoire sur Wade n’a pas démobilisé les troupes ?


Ma conviction est que le signe émis par les peuples n’est pas bien perçu par nos dirigeants. Mettre fin à 20 ans de règne social en 2000, se mobiliser de manière un peu plus forte le 23 juin 2011, faire partir Wade un 26 mars 2012 sont autant de signaux montrant que peuple sait prendre son destin en main. Si Macky Sall l’a compris, tant mieux. Sinon, le peuple usera de son pouvoir de changement jusqu’à trouver l’homme qu’il faut. Les Africains de manière générale n’en peuvent plus de faire élire des gens qui, après, les trompent, s’accaparent de leurs richesses et font ce qu’ils veulent. Cela ne peut plus se faire. Les Africains en ont marre d’être des peuples sous-développés.


« Y’En A Marre refuse de s’institutionnaliser »


Beaucoup de choses ont changé…


Exactement ! On va même en arriver à entendre tous les candidats à une élection avant de leur confier les suffrages. Passer tout en revue, sans oublier le rôle que le peuple doit y jouer. On y arrivera avec l’initiative Dokh Sa Gokh.


Une sorte d’audition des candidats en somme ?


Nous l’avions d’ailleurs annoncé mais la contestation de la candidature de Wade ne l’avait pas permis. Nous avons finalement remplacé par la Foire aux problèmes, pour créer des espaces de convergences entre les porteurs de problèmes et ceux qui prétendent détenir des solutions. Afin que la logique des choses soit renversée. Parce qu’en définitive, nous avons porté le combat mais les Sénégalais chez eux en ont bien plus Marre que nous à cause de l’oppression, des humiliations, du sous-développement. Les Africains doivent pouvoir conduire leurs propres avions, construire des trains. Pourquoi faisons-nous reculer tout ce qui nous est confié ? Je ne crois pas que ce soit génital chez les Africains ou les Sénégalais. Le problème, c’est au niveau de nos dirigeants, nos élites politiques. Il est temps que notre génération fasse preuve pour induire des changements. Si chaque génération le fait, les choses vont bouger.


Parlons de l’initiative Dokh Sa Gokh dont le financement vaut à Y’En A Marre déjà des critiques.


Un ami me rappelait récemment que « seuls les fruits mûrs font l’objet de jets de pierre ». Je rappelle simplement que quand des informations faisaient état de problèmes de Y’En A Marre pour payer son local, des critiques disaient que nous n’étions même pas fichus d’organiser notre fund raising, nous sommes de jeunes ignares, fumeurs de chanvre indien, etc. Maintenant qu’on s’organise pour avancer, on nous accuse d’avoir pris de l’argent d’Ong. Nous avons l’habitude de travailler avec ces dernières mais personne ne nous fixe des œillères. Nous réfléchissons sur des axes stratégiques et cherchons des partenaires qui les partagent, pour nous accompagner. Nous ne fermons pas nos portes et ceux qui partagent notre vision peuvent venir travailler avec nous. Des projets ont été exposés à des Ong et chacune a essayé de voir ce qui l’intéresse pour nous accompagner. Nous avons fait une sélection.


C’est à dire que vous n’avez pas accepté les offres de toutes les Ong désireuses d’accompagner Y’En A Marre ?


Il n’y a pas eu que des Ong. J’aurais pu vous montrer des mails dans ce sens… Quelqu’un nous a proposé de faire entrer au Sénégal une centaine de milliards, avec comme condition que nous portions juste le projet au niveau du président de la République. Il avait obtenu l’audience avec le chef de l’Etat et nous assurait qu’après validation par ce dernier et le ministère des Finances, l’argent allait arriver et nous gagnerions 6% du montant. Cela pouvait nous rapporter environ 1 milliard Cfa, en juste nous portant comme défenseurs de ce projet quand il va y avoir des critiques. On s’est rendu compte, après enquête, qu’il s’agissait d’un blanchiment d’argent et notre responsabilité allait être engagée après injection de cet argent sale dans l’économie sénégalaise. Laquelle allait être fragilisée, comme c’est le cas de certains pays. Nous aurions pu le prendre pour mener grand train et même disposer de moyens pour mieux réussir nos activités, mais on a préféré s’abstenir. Les échanges sont là pour le prouver. Nous n’avons cessé de recevoir des propositions du genre. Déjà dans l’après-midi du fameux 23 juin 2012, des gens nous ont suggéré que Wade ne reste pas, et en contrepartie ils nous donnent ce qu’on veut.


Dans le projet Dokh Sa Gokh, nous nous sommes retrouvés avec Oxfam qui nous a donné une partie de nos besoins, avec le montant de 95 millions de F Cfa. Oxfam ne nous a pas donné tout ce que nous demandions, faute de moyen et cela ne porte que sur 7 régions alors que nous voulons toutes les 14. Du coup, Y’En A Marre va se porter volontaire pour les autres régions, en élargissant à un nombre plus élevés de ses membres que le quota budgétisé avec l’Ong. A partir du 22 septembre, nous serions dans les régions de Tamba, Kédougou, Kolda. L’idée est d’essayer, à chaque fois, d’amener un des membres emblématiques dont la présence peut nous être utile dans la sensibilisation, en même temps que de permettre au public de les voir. Ou des gens originaires de localités visitées et pouvant être utiles pour leur maîtrise des langues.

 
« Si Thierno Ousmane Sy a été emprisonné pour l’affaire Sudatel, Atepa devait être interpellé pour le zircon »

 
Parallèlement, vous cherchez des moyens auprès d’autres bailleurs ?


Il y’en a qui se signalent, mais bon…Il est certain que dans la Société Civile africaine, Y’En A Marre est en train de faire un travail pour lequel des organisations ont été financées sans résultat. Dans le futur, même de grandes organisations comme le Banque Mondiale pourraient revoir leur façon de financer des activités, pour s’assurer d’un impact auprès des populations. On a souvent dit qu’en auditant les chefs d’Etat, les chefs de projets et patrons d’Ong ne devraient pas être laissés de côté parce qu’ils sont reçu d’énormes subventions. Au Mali par exemple, en dix ans environ 10 millions de dollars ont été injectés pour la bonne gouvernance et cela n’a pas empêché la survenue d’un coup d’Etat. Combien d’argent des Ong ont reçu au Sénégal lors des dernières élections pour amener les jeunes à s’inscrire et à voter ? Et pourtant, la plupart des jeunes n’ont retenu que le Dass Fananal que nous avions réussi sans aucun moyen.


Finalement, vous avez travaillé pour ceux qui ont encaissé l’argent…


Voilà…Nous sommes en train d’expérimenter une nouvelle façon de faire, dont les résultats faciliteront les choses aussi bien aux donateurs qu’aux populations bénéficiaires des sommes injectées. Après, nous pourrons apporter les preuves de toutes les dépenses. Pour mieux réussir tout cela, Y’En A Marre ne gère même pas l’argent, qui se trouve avec une autre organisation avec laquelle nous avons signé une convention. Cette organisation contrôle toutes les dépenses et a signé avec Oxfam.


Elle est une sorte de garantie pour vous ?


Parce que Y’En A Marre refuse de s’institutionnaliser. Nous ne voulons pas le faire. Les gens se trompent en espérant nous voir dans ce sens. On reste un mouvement populaire, un mouvement spontané. Si on préserve ces aspects, on garde l’essence du mouvement. Le fonctionnement des projets a été d’ailleurs détaché de celui du noyau dur. Nous avons la chance de savoir où est-ce qu’on va et comment y aller. Le reste est de trouver des moyens pour faire face, car il y a des souteneurs et des pourfendeurs de notre démarche mais, tout cela nous rend fort. Je me souviens d’une dame qui nous soutenait beaucoup alors que son mari, responsable dans le régime de Wade, nous détestait. Nous la surnommions « la Tata de Simon » et avant chaque action, notre souci était de tenir compte de l’impact auprès d’elle, pour surtout éviter à l’amener à baisser les yeux devant son mari. Sans mandat électif, une nomination à des postes, il n’y a que la crédibilité, la détermination et l’envie de contribuer à changer les choses dans notre pays qui constituent encore la force de notre action. Cela dérange beaucoup de gens car, comme dit l’adage, le pouvoir estime que tout ce qu’il ne contrôle pas est contre lui. Beaucoup de gens viennent nous saluer avec un gant de velours mais, nous savons qu’il y a une main de fer derrière.


C’est à dire que vous parez à toutes les éventualités ?


Certains disent que notre mission est terminée, parce qu’ils n’ont pas intérêt à ce que le Y’En A Marre continue. La préoccupation devrait plutôt être de savoir si le travail du mouvement et ses revendications sont utiles pour le pays, même si la personne de Fadel ou d’un autre membre dérange. Nous ne nous focalisons pas sur une personne. J’ai reçu une éducation qui m’aide beaucoup dans ce sens. Nous nous battrons toujours pour conserver cette crédibilité et ces valeurs à l’origine de la création du mouvement lors de cette fameuse nuit qui nous a vus échanger longuement autour de la situation de pays et de la démarche à adopter. A chaque fois que besoin, je m’arrêterais pour faire le bilan de ma démarche conformément aux idéaux de Y’En A Marre. Tant que j’en aurais les moyens, je me battrais pour cela.


Avez-vous la même garantie concernant vos camarades membres fondateurs du mouvement ?


Pour la plupart, je peux le dire. C’est une grande chance pour nous que Dieu nous ait rendu des gens positifs. Lorsqu’on m’a parlé de potentielles trahisons dans une émission radio, j’en ai rigolé. Nous sommes toujours tous là, les membres fondateurs du mouvement. Personne ne s’est retiré. Je dis bien personne !


Sauf qu’on ne semble plus sentir la plupart de ces membres fondateurs ?


Il n’y a aucun membre du mouvement dont la présence souffre du moindre problème. Il peut y avoir un problème de disponibilité. Thiaat définissait d’ailleurs Y’En A Marre comme une équipe nationale avec des joueurs venant de plusieurs clubs qui peuvent avoir besoin d’eux. Et, ils répondent aux convocations de la sélection.


Vous seriez alors le titulaire indiscutable, étant donné votre présence plus remarquée que tous les autres ?


(Rires) Etant donné mon rôle de Coordonnateur, je suis obligé d’être là. Pour nos artistes par exemple, il y a des impératifs liés à leur carrière. Keur Gui est en train de préparer un album, sous forme d’encyclopédie. Le contenu de ce produit ira dans le sens des intérêts du peuple. Fadel est plus visible mais juste pour ce moment. Par rapport à nos objectifs de communication, on détermine toujours celui qui doit être au devant de la scène. Il y a dans le mouvement beaucoup d’autres leaders que les gens ne connaissent pas encore.


« Kilifeu n’a pas appelé l’épouse d’Ameth Khalifa Niasse à 3 heures du matin »

 
Concernant la crédibilité les récentes accusations de Ameth Khalifa Niass contre Kilifeu, n’ont-elles pas égratigné celle de Y’En A Marre ?


Un éminent penseur m’éclairait récemment par rapport à un adage africain disant que « l’homme est le remède de l’homme » en me disant qu’il s’agit de « l’humanité est le remède de l’humain ». Quand on connaît bien quelqu’un, on ne s’interroge pas sur ce qu’il est en mesure de faire ou pas. C’est pourquoi, je ne m’arrête pas trop sur cette affaire. Mais je vais être clair, parce que la langue de bois ce n’est pas mon truc. Etant donné son âge et le respect dû à Ameth Khalifa Niass, nous n’allons pas répondre à ces accusations. Pour la vérité, Kilifeu n’a pas appelé son épouse à 3 heures du matin. Je connais les rapports de Kilifeu avec cette dame et les heures auxquelles il l’appelait. La dame est venue à notre QG, au Relais lors d’une activité, à la Foire aux problèmes et a acheté des tee-shirts Y’En A Marre. Elle n’entretient que des relations professionnelles avec les membres du mouvement. Après, les gens peuvent dire ce qu’ils veulent.


Que dit Y’En A Marre concernant la gestion dite de la Dynastie Faye-Sall ?


La démarche a toujours été de ne pas être dans le jeu des polémiques, mais le jeu des préoccupations. Quelles sont les préoccupations dans ce débat ? Quels en sont les enseignements ? Il y a du népotisme, qui ne se limite uniquement à la famille. Confier à un proche des responsabilités non conformes à ses qualifications en fait partie. Au-delà, ce qui pose problème est l’obligation de ne confier des responsabilités qu’à des gens qui militent en politique. C’est le cas avec les structures en charge des politiques d’emploi des jeunes. Je n’ai rien que contre ces gens mais leur expertise avérée en la matière devrait prévaloir. Ce phénomène n’est pas nouveau et fait partie des mécanismes qui favorisent le système que nous combattons. Il s’agit de la réduction du régime à sa famille, ses proches une fois qu’on est élu. Quand on critique les partis politiques ce n’est pas contre les leaders mais le système de fonctionnement qui crée l’échec. Quel DG a été nommé suite à un appel d’affaires ? Cela n’existe pas. A-t-on vu un débat précéder la création d’une institution, à part celle des réformes institutionnelles dirigées par M. Amadou Moctar Mbow et ça traîne. A part ça, on ne semble pas privilégier les connaissances, la formation des Sénégalais pour l’attribution de postes. Cela remet en cause le mérite de ceux qui se sont battus à l’école pour réussir. Aussi pour prévaloir leur expertise, la plupart sont obligés d’adhérer au parti au pouvoir, ce qui favorise la transhumance. Nous combattons ce système, pour décloisonner l’espace public. Ce ne sont pas des problèmes conjoncturels mais structurels. Il faut des réponses structurelles et le combat ne consiste uniquement pas à faire des déclarations. Combien de fois a-t-on dénoncé la décision de Wade d’impliquer son fils dans la gestion du pouvoir ? Et pourtant son successeur fait la même chose.


«  J’encourage Youssou Ndour pour sa sortie du gouvernement »


On pensait justement que pareille chose ne reproduirait plus jamais au Sénégal après l’épisode Karim Wade.


Parce que la méthode des partis politiques isole le leader. On peut avoir les meilleures intentions mais le fonctionnement des partis vous enferme dans une bulle, avec des gens pouvant vous faire croire que vous êtes Dieu. Et cela contribue à vous tromper. Je pense qu’il faut arriver, avant d’élire une personne, à ce que les Sénégalais voient ce qu’elle a apporté à son pays. Aux Etats-Unis ou dans d’autres pays, on se rappelle du passé militaire d’un candidat. Ou encore d’actions de bénévolat. C’est un bon crédit, car attestant de choses faites pour son pays. Ces considérations entrent en compte pour l’accès au plus petit poste. Au Sénégal par contre, on élit une personne parce qu’elle a de l’argent, peut aller un peu partout dans le pays et on lui fait croire qu’elle a tous les droits. Si Macky Sall y repense encore, il saura que les 65% de l’électorat sénégalais qui l’ont élu ne sont pas que des militants de son parti, de la coalition qui le soutient ou des membres de sa famille. Il ne doit pas, par conséquent, satisfaire uniquement les aspirations de ces derniers mais bien de tous ceux qui l’ont élu. Sans compter la majorité silencieuse des électeurs qui, au moment opportun, useront de leurs cartes pour choisir.


Que pensez-vous du limogeage de Youssou Ndour, un artiste comme la plupart des membres de Y’En A Marre, qui avait accepté lui d’aller à la gestion du pouvoir ?


Il dit avoir demandé au président de le décharger mais, je crois que Youssou Ndour n’a pas eu le temps de développer ses véritables ambitions pour ce pays au-delà du slogan « Fekke Facci Bolé ». Je pense que pour entrer dans un gouvernement il faut avoir une ambition et vision à exécuter, pour pouvoir dire qu’elles ne sont pas conformes à ce que tu as trouvé en place. Au lieu d’entrer pour la seule envie d’être ministre. Ne connaissant ni son programme, ni son agenda je ne peux pas m’avancer sur les raisons de la sortie de Youssou Ndour du gouvernement. Je pense cependant que la forme iconoclaste qu’il a incarnée, en tant qu’artiste de renommée internationale, membre du gouvernement, peut lui permettre d’apporter beaucoup au Sénégal. Il peut davantage le faire en étant dehors. Je l’encourage pour sa sortie.


Quelles conditions peuvent amener Y’En A Marre, sous Macky Sall, à un remake du 23 Juin ?


Je ne le souhaite pas (catégorique). Je ne le souhaite pas pour le Sénégal. Les acquis doivent être préservés, afin que ce qui s’est passé avec Wade ne se reproduise plus. Je suis convaincu quand même (il se répète) que Macky Sall ne va pas en arriver là avec les Sénégalais. Je ne souhaite pas aux Sénégalais d’avoir encore à respirer des lacrymogènes ou d’enregistrer des morts comme Mamadou Diop après le 23 Juin, l’emprisonnement pendant un an de jeunes. Je ne veux pas de fitna. Y’En A Marre ne veut pas de fitna. Malheureusement, cela peut arriver si quelqu’un arrive et veut remettre en cause notre option démocratique et la marche des Sénégalais vers une République des citoyens. Voilà ce qui s’est passé avec Abdoulaye Wade mais sur fond de beaucoup de problèmes. Le 23 Juin n’a été que le point culminant. Nous ne le souhaitons pas pour les Sénégalais mais ils seront très regardants dans ce cadre et prêts à refaire la même chose si les conditions se présentent à nouveau. Parce que le mérite du 23 Juin ne revient à personne d’autre qu’au peuple sénégalais. C’est lui qui s’était levé et ça personne ne peut le prévoir. Le penser est même lui manquer de respect. Face à certaines conditions, personne ne peut préjuger ce que le peuple est capable de faire. Les Sénégalais ne constituent pas une exception à ce niveau. C’est eux qui avaient mené les événements de 1989 (Ndlr : Sénégal-Mauritanie) et (nous : ndlr) faisons la guerre en Casamance. Faisons tous en sorte que le pays avance, au lieu de reculer sinon le soulèvement ne sera pas que l’affaire de Y’En A Marre ou d’un autre mouvement mais bien celle du peuple. Ce peuple a fait montre de grandes capacités à négocier des virages importants, du fait sans doute de la bénédiction de ses saints hommes, mais leur en mettre trop peut provoquer des conséquences inattendues.


Rappelez nous avant de terminer les membres fondateurs de Y’En A Marre.


(Désignant des photos dans la salle principale du QG).

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