Le juge Demba Kandji, président du tribunal régional hors classe de Dakar, a fixé un échéancier aux actionnaires des Industries chimiques du Sénégal (Ics). Après avoir prorogé, jusqu'au 6 octobre 2006, la saisine de la juridiction compétente en matière de règlement préventif et de concordat, le juge a signé, le 20 juin dernier, une nouvelle ordonnance afin que des diligences ‘complémentaires’ soient satisfaites par les parties concernées par le dossier des Ics. C'est ainsi que le juge Demba Kandji a demandé que soit déposé, au plus tard le 31 juillet prochain, au greffe du tribunal régional hors classe de Dakar les états financiers arrêtés par le Conseil d'administration des Ics, dont la 99e réunion va coïncider avec la date fixée par le juge. Ce qui laisse croire que le bilan financier 2005 tant attendu sera présenté devant les administrateurs de la société. Un bilan financier qui a battu le record de toutes les pertes. Celles-ci sont estimées à plus de 60 milliards de francs Cfa.
Les états financiers approuvés par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires des Ics seront déposés, au plus tard le 20 août 2006, au greffe. Et l'accord des actionnaires relatif au contrôle de la société fait partie des ‘diligences’ complémentaires à satisfaire par les parties. Autrement dit, au plus tard le 31 août 2006, les travailleurs devront être édifiés sur la recapitalisation et le nouveau partenaire stratégique. Avant que le rapport définitif de l'expert (le cabinet Cice Deloitte) ne soit déposé au plus tard le 30 septembre 2006.
Ces mesures prises par le juge Demba Kandji ont été discutées lors de la 98e réunion du Conseil d'administration qui s'est tenue, le 23 juin dernier, à Paris. Inscrite dans la deuxième partie de l'ordre du jour de ce Ca intitulée ‘Marche de la société’, la nouvelle ordonnance du juge était le 5e point abordé par les administrateurs qui ont aussi reçu la déclaration de l'Intersyndicale des travailleurs.
Des sources proches du Ca rapportent qu'après avoir passé au peigne fin la marche de la société aux plans technique, commercial et financier, et le rapport du comité de gestion, les administrateurs ont été unanimes à reconnaître la nécessité du respect de l'échéancier fixé par le juge pour réussir le sauvetage des Ics. Un sauvetage qui passe par une recapitalisation et l'arrivée d'un deuxième partenaire technique et stratégique. Pour cela, les estimations des administrateurs portent sur un minimum de 110 milliards de francs Cfa. Avec les créances du Sénégal à consolider chiffrées à 12 milliards de francs (subventions tirées du Sysmin mis en place par l'Union européenne) et les créances commerciales d'Iffco (partenaire indien) de 9 milliards, le cumul est de 21 milliards de francs. Avec un capital de 130 milliards de francs et des pertes cumulées estimées à 110 milliards de francs, les Ics ne se retrouvent qu'avec 41 milliards de francs dans son capital (21 milliards de créances à consolider en capital, plus les 20 milliards après pertes). Ce qui fait que pour une recapitalisation, la société a besoin de 90 milliards de francs. Ce qui est hors de portée des principaux actionnaires, en l'occurrence l'Etat sénégalais et Iffco.
Pour combler le gap, les administrateurs ont décidé de la recherche d'un deuxième partenaire stratégique à côté d'Iffco. Telle est la solution à laquelle l'Etat sénégalais travaille aujourd'hui. Ceci après l'accord intervenu entre le Sénégal et le partenaire indien. Et c'est le président du Conseil d'administration des Ics, U. S. Awasthi, qui a procédé au listing des potentiels partenaires qui pourraient répondre aux critères fixés. D'après ces critères, le deuxième partenaire doit avoir des compétences avérées dans le secteur minier, des capacités manageriales et une assise financière conséquente pour pouvoir apporter de l'argent frais aux Ics. Cinq pays ont retenu l'attention des administrateurs. Il s'agit notamment de la Jordanie, du Maroc (n°1 mondial du phosphate), de l'Afrique du Sud, de l'Egypte et des Etats-Unis. La Chine dont le nom était de plus en plus avancé parmi les prétendants, se trouve parmi les pays grands consommateurs d'engrais.
La dernière réunion du Ca a donné son accord de principe pour que l'Etat sénégalais puisse conduire les négociations pour la recherche de ce nouveau partenaire stratégique. Ce dernier devrait être présenté, le 31 juillet prochain, à la 99e réunion du Ca qui se tiendra à cette date dans la capitale française. D'autant plus que le juge attend, au plus tard le 31 août 2006, le dépôt de l'accord des actionnaires relatif au contrôle de la société. Et si la restructuration est finalisée, la Banque islamique de développement (Bid) s'engage à accompagner les Ics à hauteur de 45 millions de dollars (environ 24 milliards de francs Cfa). Une enveloppe qui provient de la reconduction de la ligne de crédit soufre.
En plus, l’Agence française de développement (Afd) et la Banque ouest-africaine de développement (Boad) ont décidé aussi d'accompagner le plan de sauvetage des Ics. Le directeur de l'Afd, Jean-Marc Gravellini, avait d'ailleurs annoncé que ces deux institutions vont s'engager auprès de l’Etat du Sénégal, du partenaire stratégique des Ics, les Indiens, et d’autres partenaires impliqués dans le dossier de l’entreprise. Selon lui, l’Etat du Sénégal est dans de bonnes dispositions pour donner toutes les assurances aux futurs bailleurs de fonds en vue de résoudre les difficultés que traversent les Ics. Le gouvernement du Sénégal, a-t-il ajouté, y croit et a déjà donné un signal fort pour une recapitalisation des fonds des Ics.
Lors de la dernière réunion du Ca, l'Etat sénégalais a réaffirmé sa volonté de trouver une solution globale durable pour une recapitalisation de la société. C'est pourquoi d'ailleurs, expliquent nos sources, le juge a décidé de la suspension des paiements liant les Ics à ses bailleurs de fonds, notamment la Boad, l'Afd et la Banque européenne d'investissement (voir par ailleurs).
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