« Dans tous ces pays, la tentation est toujours forte pour les gouvernements, confrontés à une situation difficile, de prendre des dispositions…faciles pour juguler la montée des prix et les difficultés. Le Sénégal n’échappe pas à la règle et des mesures qui sonnent bien à l’oreille comme « baisse temporaire de la fiscalité », « création de magasins de référence », y sont brandies. Ces mesures...faciles ont, toutefois, leur revers : pour viables qu’elles puissent être, elles ne le sont qu’à très court terme ! Il est indéniable que le choc imposé par le baril de brut à plus de 100 dollars a eu un impact négatif sur la situation économique globale et, en particulier, sur les ménages, l’inflation flirtant avec les 6 %, niveau jamais atteint depuis la dévaluation du franc CFA en 1994. Mais n’omettons pas d’admettre que le Sénégal n’est pas allé au bout des réformes en profondeur qui, menées à bon terme, auraient pu amortir le choc.
Il faut regarder les choses en face et braquer son regard sur l’agriculture, délaissée au profit d’industries sur-protégées, sans pour autant être compétitives et réellement créatrices d’emplois. À force de différer l’application diligente de réformes restructurant ce secteur et notamment la filière arachidière, on débouche sur une situation paradoxale : au Sénégal, les prix des produits alimentaires sont de 24 % supérieurs à la moyenne africaine et sont les plus élevés de la CEDEAO, hormis le Nigeria et le Cap Vert ! Pour un pays doté d’un port desservant jusqu’à des pays enclavés, c’est un paradoxe qu’il faut proscrire. D’autant que la conjoncture intérieure a tout pour éclairer le gouvernement et ses partenaires au développement : les prix des denrées alimentaires sont, à Kaolack, inférieurs de 11 % à ceux de Dakar. La raison en est simple : le ménage kaolackois profite de la concurrence des produits gambiens. Alors à quoi sert, dans ces conditions, d’imposer des surtaxes sur l’huile végétale et le sucre importés ? Sinon qu’à restreindre le pouvoir d’achat des ménages les plus pauvres ! Examiner, dans le détail, les facteurs internes qui contribuent à la hausse des prix, devient crucial.
Il ne s’agit pas de prendre des mesures à la hussarde sous la dictée de l’envolée du prix du pétrole. Elles ne seront ni adéquates, ni durables. En revanche la bonne conduite à tenir serait de se « hâter lentement », en visant au minimum le moyen terme. Il n’y a aucune main magique pour passer de l’importation de riz à l’autosuffisance céréalière. Il n’y a que la sueur et des réformes rationnelles, ne s’annulant pas les unes les autres par leurs effets contradictoires, pour remédier à la situation. Pour ce faire, encore faut-il, non seulement, une vision partagée avec les producteurs et les consommateurs sur les orientations à prendre dans le secteur agricole, dans sa globalité, mais aussi et surtout un consensus large sur des questions telles que la production des semences, la gestion des terres, le financement de l’agriculture, la modernisation des pratiques culturales et j’en passe…
Cette vision partagée est aussi celle qui doit prévaloir dans le secteur de l’éducation. N’absorbe-t-il pas l’essentiel des ressources du pays sans produire les résultats attendus ? Le dossier de ce numéro lui est consacré. Quand une nation accepte que ses enfants perdent annuellement le tiers de l’instruction que ses enseignants leur doivent, c’est son déclin à long terme qu’elle construit. Et cela n’a rien à voir avec un baril de brut à plus de cent dollars ! »
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