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Les Industries Chimiques du Sénégal (ICS) : Retour sur un pillage qui fera tomber des têtes

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Les Industries Chimiques du Sénégal (ICS) : Retour sur un pillage qui fera tomber des têtes

Les Industries Chimiques du Sénégal (Ics), ayant démarré ses activités tout au début des années 80, ont fait la fierté du Sénégal sur le plan des rentrées de fonds comme l’est aujourd’hui la Sonatel, dont la vente à France Télécom suscite beaucoup de remous. Les Ics, dont l’actionnaire majoritaire est l’État du Sénégal, (avec 47,4 %) aux côtés du groupe indien iffco (Indian famers fertilizer cooperative- 14,3 %), du gouvernement indien (9,97 %) et de pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Nigeria entre autres, est en déliquescence. L’audit des comptes de la société, a révélé un trou béant représentant un passif qui s’est approfondi de 35 à 90 milliards, cumulés de 2003 à 2004. Ainsi, le rapport d’audit du cabinet Mazars qui est sur la table du chef de l’Etat, met à nu ce que l’on peut appeler sans se tromper, un véritable «pillage», est accablant. Dans les prochains jours, des têtes vont tomber et des déballages sans merci s’en suivront. Retour sur les péripéties de la faillite, de ce qui fut naguère le fleuron de l’économie sénégalaise, et sur les efforts consentis par l’Etat du Sénégal, pour que les Ics retrouvent son lustre financier d’antan.

La découverte du pot aux roses

A la tête des Ics entre octobre 2000 et novembre 2004, Djibril Ngom, successeur à la tête de l’entreprise de feu Pierre Babacar Kama, a vu sa gestion décriée par le rapport d’audit de l’entreprise. Nos sources révèlent plus de 200 milliards Cfa de passif, au point que la boîte ne pouvait plus honorer ses créances vis-à-vis de ses différents partenaires nationaux et internationaux. Ses comptes sont bloqués par des partenaires et les produits destinés à son fonctionnement, font l’objet de tentatives de saisies par les partenaires, mis au parfum des difficultés de l’entreprise. C’est en ce sens que le Sénégal recherchait un nouveau partenaire stratégique pour les ICS, en proie à une crise qui s’aggrave d’année en année et qui alourdie la dette estimée à 200 milliards de francs CFA. À cet effet, M. Madické Niang, ministre de l’industrie et des mines, s’est rendu à Paris du 9 au 11 décembre 2007, en vue de rencontrer les dirigeants d’iffco, le partenaire historique des ICS. En réalité, il s’agit d’une recapitalisation, c’est-à-dire une nouvelle répartition des parts du capital, et du financement d’un plan triennal d’investissement. Après des dettes et des déficits cumulés de près de 340 milliards de francs CFA en trois ans, le Sénégal et Iffco ont décidé en février 2006, de sortir les Ics de cette période trouble, en sollicitant auprès du président du tribunal régional hors classe de Dakar, leur admission au régime du règlement préventif, prévu par l’Acte uniforme de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Sur les procédures collectives d’épurement du passif, afin de sécuriser leur patrimoine face aux créanciers. Ils ont ensuite continué de travailler ensemble pour rendre supportable les activités de l’entreprise. L’impact de la dette locale et internationale de la société, sollicité auprès des créanciers, des banques locales et des bailleurs de fonds, concernant les abandons de créances, est un rééchelonnement de cette dette.

Mauvaise restructuration de la société

Si on en est arrivé là, selon toujours notre confrère de Cafard, c’est que le Sénégal n’a pas pris les mesures nécessaires pour restructurer la société, et rétablir l’équilibre financier. «Toute proposition de sortie de crise, ne peut être pertinente sans une compréhension du fonctionnement de la société, mais aussi des contraintes tant structurelles que conjoncturelles, qui l’ont souvent tenaillée», indique un cadre des Ics, ayant requis l’anonymat. En effet, les ICS ont procédé à partir de 1998, à un important investissement de développement d’un montant de 333 millions de dollars, en lieu et place des 275 millions de dollars estimés à l’origine. «Les bailleurs de fonds ne s’étant engagés qu’à hauteur de 130 millions, tout dépassement aurait dû être financé par les actionnaires». Ces derniers n’ont jamais voulu suivre, et se sont faits financer par les banques locales, en crédit moyen terme, «ce qui a faussé le niveau d’endettement, compatible avec une autonomie financière. Ce ratio d’autonomie a frôlé les 10%, entre 2003 et 2004, et serait actuellement de plus de 25%, au vu des baisses drastiques du chiffre d’affaires de l’entreprise ». En plus de ce déséquilibre financier, une source de Cafard révèle «la non robustesse des hypothèses du business plan, du projet de doublement de la production d’acide (le fameux ICS 2)». Il s’agit du prix de l’acide à 550$, seulement atteint au second trimestre de 2007 ; du taux de change du dollar par rapport au FCFA de 600 FCFA, il a tourné autour de 500 FCFA depuis 2003 ; du ratio frais financier - CA de 3% ; du prix du soufre stable autour de 35 dollars la tonne, il a atteint 85 dollars en 2003 et se négocie actuellement autour de 190 dollars la tonne. Les atouts de la société résident principalement sur les réserves en phosphate de bonne qualité (plus de 60 millions de tonnes), et du contrat à long terme avec Iffco, qui achète la totalité de la production d’acide. Il n’y a donc pas de problème de débouchés, d’autant plus que les cours internationaux sont corrects depuis 2006. La faiblesse de l’entreprise réside actuellement dans « la mauvaise marche de la société depuis 3 ans, doublée d’une politique de maintenance défaillante par manque de moyen, d’où les risques importants sur la fiabilité de l’appareil de production ». Le niveau d’endettement est élevé avec des frais financiers importants (plus de 200 milliards de FCFA), mais, une valeur patrimoniale de près de 700 milliards. Pourtant, et malgré ces contraintes, ajoute nos confrères, l’entreprise a d’énormes potentialités. Une meilleure gouvernance, sans injonctions démesurées de l’Etat, peut stabiliser son compte d’exploitation et revenir sur le sentier de la profitabilité. Le chiffre d’affaires de la société «dans l’hypothèse d’une utilisation à 80% des capacités de production, est de 150 milliards de FCFA avec un cash flow (argent en espèces) de 50 milliards de FCFA» et, dans le cas d’une optimisation, «le chiffre d’affaires serait de 200 milliards, soit 400 millions de dollars». En résumé, l’Etat vient d’offrir les ICS, une entreprise potentiellement rentable, à Iffco qui achète toute la production d’acide, à un tarif plus que préférentiel.

Les efforts du gouvernement Sénégalais

C’est dans ces conditions selon le Cafard, que le conseil d’administration des Industries Chimiques du Sénégal, a entériné le 15 janvier dernier à Paris, la prise de contrôle de l’entreprise par Iffco (Inde) à hauteur de 85%, du capital. Ainsi, l’Etat du Sénégal doit également encaisser la somme de 100 millions de dollars le 29 février 2008, au plus tard. Les Ics représentent aujourd’hui un investissement cumulé de 750 milliards de francs CFA. L’Etat du Sénégal détient 47% du capital, Iffco (Inde) 22%, l’Etat indien 4%, Spic (Inde) 1,5%, Nishoway (Japon) 1,5%, Côte d’ivoire 3%, Cameroun 3%, Nigeria 3%, France 3% et la Banque Islamique de Développement 3,5%. Conformément à l’acte uniforme, relatif au droit des sociétés commerciales et du Gie, le conseil d’administration des Ics est composé de 12 membres, dont 3 pour le Sénégal, et un pour chacun des autres Etats précités. Les travailleurs détiennent moins de 1% du capital, pour une valeur estimée à 300 millions de F CFA. A en croire le Cafard, il faut rappeler qu’Iffco s’était déjà engagé en 1998, alors que Pierre Babacar Kama était le PDG des Ics, à compenser tout manque de liquidité, issu de l’augmentation du devis du doublement de la production d’acide. Il est notoirement connu que ce manque existe et qu’Iffco, même sur insistance des bailleurs, n’a jamais respecté ses engagements.

Entre temps, l’Etat du Sénégal a reçu une nouvelle offre émanant du groupe français Rouiller qui souhaitait détenir 51% du capital des Ics regroupant les engrais et les phytosanitaires. Ce groupe Français proposait 80 millions de dollars de capital, un investissement de 100 millions de dollars sur 3 à 5 ans, une cession de 15% des actions et de 15% de la production à l’Etat du Sénégal, réservation de 15% de la production d’acide à l’usine d’engrais. Le Sénégal était enthousiaste à l’idée de valider cette offre, mais Iffco, usant de son droit de préemption, s’y est catégoriquement opposé. Ainsi, ne souhaitant pas arriver à un contentieux juridique, préjudiciable aux Ics, l’Etat du Sénégal selon le Cafard, a saisi les autorités indiennes, et a initié la réunion de Paris, tenue du 9 au 11 décembre 2007.

En marge de cette rencontre, la délégation sénégalaise, conduite par Maître Madické Niang, a rencontré son homologue indien, conduite par le secrétaire d’Etat aux engrais. Cette rencontre a eu pour objectif de permettre aux deux parties, de niveler leurs visions concernant l’entreprise et d’échanger des informations. C’est à la suite de cette réunion, que les Indiens ont pu faire une offre qualifiée de «concrète» par Maître Madické Niang. La proposition porte sur un capital de 100 millions de dollars, aucune exigence d’abandon de créances, qui seront négociées au cas par cas, un investissement de 100 millions de dollars sur 3 ans, une cession gracieuse de 15% des actions de l’Etat du Sénégal, et une réservation de 15% de la production d’acide à l’usine d’engrais. Les usines d’engrais qui n’intéressent pas Iffco seront cédées à un repreneur, choisi par le gouvernement du Sénégal, qui a accepté l’offre, non sans demander et obtenir une avance de cinq milliards de francs CFA à Iffco, pour faire face aux besoins immédiats. En outre, le Sénégal a posé des conditions au groupe Rouiller, qui a souhaité travailler avec Iffco dans l’acide, et a manifesté son intérêt pour l’engrais. Les conditions portent précisément sur la création d’une société, qui reprend la production d’engrais et qui aura 10% du capital des Ics. Cette nouvelle entreprise sera la propriété de Rouiller à 51%, 15% du capital de cette société reviendront à l’Etat du Sénégal, et 34% à des investisseurs sénégalais. Iffco avait préalablement fait une offre de 80 millions de dollars, pour la recapitalisation, et proposé 50% d’abandon de créances et un étalement de la dette commerciale de l’entreprise sur 4 ans. Cette proposition n’a pas rencontré l’agrément des bailleurs et banques locales, rendant ainsi caduque la convention entre Iffco et l’Etat du Sénégal. Cette convention est rendue nulle parce que jusqu’à son échéance, aucun accord n’a pu être trouvé entre l’Etat et Iffco. Néanmoins, les autorités Sénégalaises veulent à tout prix faire la lumière sur ce qu’il est convenu d’appeler un «pillage» tous azimuts. C’est ainsi, qu’avec l’audit du cabinet Mazars, le compte à rebours ne tardera pas à commencer du côté du parquet. Des déballages en perspective.



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