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[ CONTRIBUTION ] Wade Peut mais ne Doit pas être Candidat ( Par Jean- Paul Dias)

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[ CONTRIBUTION ] Wade Peut mais ne Doit pas être Candidat ( Par Jean- Paul Dias)
 Maître Abdoulaye Wade, l’actuel Président de la République du Sénégal est, juridiquement, admissible à briguer un nouveau mandat. La Constitution lui en offre la faculté. Nous ne nous contenterons pas de l’affirmer, nous  le démontrerons ci-dessous. Toutefois, il n’est ni souhaitable ni décent qu’il se représente.

 Ceux qui, comme son Premier ministre Ndiaye font une lecture première des textes pour, finalement, s’agacer et déclarer que,  tout compte fait, le problème est essentiellement politique, pour ne pas dire politicien, ont tord car ce n’est pas conforme à la vérité.

 Les professeurs de droit qui prétendent que l’affaire est purement juridique n’ont pas raison non plus parce que en matière de mise en œuvre de la Constitution, l’éclairage de la science politique, celui de l’histoire parfois, celui qu’apporte l’attitude des hommes, du peuple etc…font que la solution se trouve, très souvent,  en dehors du droit stricto sensu. Certains d’entre eux ont d’autant moins raison et sont d’autant moins excusables qu’ils confessent avoir participé à la rédaction du projet de Constitution. Que n’avaient-ils pas réglé, de manière limpide, cette question de candidature au lieu de laisser s’instaurer et prospérer la confusion ?

 Depuis Boileau au moins, chacun sait que «  Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement … ». La nébulosité apparente qui enveloppe la rédaction des articles 27 et 104, objets du débat, se retrouve dans plusieurs autres dispositions de la Constitution.

 On se souvient encore du cafouillage autour de l’article 27 : « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une fois.

 Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ou constitutionnelle. »

 A cette occasion, tous les hommes d’Etat,  les acteurs politiques comme les juristes avaient émis sur la même longueur d’onde. Malheureusement, la faiblesse rédactionnelle du texte, surtout du second alinéa, avait ouvert une brèche à travers laquelle se sont engouffrés des esprits tordus aussi bien à la présidence de la République qu’à l’Assemblée Nationale pour finir par modifier irrégulièrement la durée du mandat prétextant que le recours au referendum ne concernait que le nombre de mandats et que donc la première phrase pouvait, allégrement, faire objet de tripatouillage.

  Par la simple onction d’une élection à l’Assemblée Nationale, acquise grâce au seul support d’une formation politique d’envergure, il est des individus qui s’imaginent pénétrés voire imbus, ipso facto, de la science juridique. Résultat, ils donnent dans le juridisme et vous débitent des monstruosités inattendues.

 Pour parer à ce genre de situations, il aurait fallu écrire :

 «La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans.Le mandat n’est renouvelable qu’une seule fois.

 Le présent article ne peut être révisé que par référendum. »

 L’avantage de cette présentation réside en ce que la négation « ne… que » impose et renforce la limitation du nombre de mandat ainsi que le Constituant de l’époque en avait, probablement, l’intention. Au deuxième alinéa, en disant « Le présent article... »  on ferme la porte aux apprentis sorciers, non seulement parce que l’expression commande les deux phrases du premier alinéa, globalement donc sans séparation, mais aussi parce qu’elle impose de façon irrémédiable le recours au referendum pour toute tentative de modification de la durée comme du nombre de mandats  ainsi que les uns et les autres le souhaitaient. Aucune place n’est laissée à une quelconque modification par voie parlementaire, source de manipulation.

 Ceci pour indiquer comment les professeurs de droit, membres des commissions de rédaction ont failli techniquement. A l’avenir, d’ailleurs, compte tenu de la baisse du niveau général en français (langue officielle) il ne serait pas superflu de s’entourer de l’expertise des professeurs de lettres.

 Au point qu’au stade où l’on se situe, je préfère la posture du professeur El Hadji Mbodj, pourtant intellectuellement hostile à la candidature de Wade, mais qui déclare que son «…  raisonnement peut  certes souffrir de la preuve contraire mais que le débat s’installe dans la sérénité afin que jaillisse la lumière, au grand profit de notre peuple. » (Populaire n°3222 du 19/08/2010 p.5)

 Noble attitude du juriste qui invite ceux qui en ont le temps et l’aptitude, à un exercice de doctrine ou plus  simplement d’exégèse. A notre avis, compte tenu de l’urgence relative, c’est à travers l’exégèse (une sorte de commentaire et d’explication de texte) que nous trouverons la bonne réponse à la question de la recevabilité de l’éventuelle candidature du Président Wade.

 Pourtant, dans des situations de ce type, ce sont, en priorité, les Travaux Préparatoires puis la Jurisprudence qui auraient dû nous éclairer.

 Pour faire bref, les Travaux Préparatoires, c’est comme qui dirait le brouillon, les archives. Apparemment, bien qu’essentiels, ils n’existent pas ou alors ne paraissent pas disponibles. Si nos constitutionnalistes les détiennent, qu’ils les rendent publics. Par exemple, les échanges avec Me Wade ont-ils eu lieu verbalement ou par écrit ?  A l’avenir, il conviendrait de recueillir et de conserver ces documents de Travaux Préparatoires.

Quant à la jurisprudence, il vaut mieux ne pas en rêver avec un Conseil Constitutionnel éternellement « incompétent » (cf. notre article in Walf du 30/6/09 p.10 et Quotidien n°1940 du 1/7/09 p.13).  Aucune source n’est à espérer de ce côté-là, même pas suite à une demande d’avis. Au demeurant, il urge de dépasser la formule Conseil Constitutionnel pour adopter une autre plus efficace du style Conseil des Sages dont nous pourrions tracer les contours plus tard.

Reste donc à tenter de voir ce qui se cache derrière l’article 104. Il dispose que : «  Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme.

Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables. »

Cela signifie que le mandat de sept ans acquis en l’an 2000 par le Président Wade sous l’empire de l’ancienne Constitution prend fin en 2007 et que l’article 27 de l’actuelle Constitution n’interfère pas sur cette durée. Cette phrase met aussi de côté le mandat en cours du point de vue du comptage.

Du deuxième alinéa, se confirme l’information selon laquelle dans le mandat en cours, seuls l’existence (comptage) et la durée (une fois de plus) ne relèvent pas de la nouvelle Constitution.

Pour tout le reste, (sens à donner à « toutes les autres dispositions ») le mandat initié en 2000 est régi par l’actuelle Constitution de 2001 : A titre d’exemple signalons qu’ après la mise en place d’une nouvelle Assemblée Nationale, le président dont le mandat court, pourtant, depuis l’an 2000 ne peut plus procéder à une dissolution avant deux ans de fonctionnement (a.87) ; Qu’il le veuille ou pas, que cela l’intéresse ou pas le président de l’an 2000 «… est le premier Protecteur des Arts et Lettres du Sénégal »(a.42) ; Le titre V (a.58) sur l’Opposition s’impose à lui, même si, dans les faits, il  n’en respecte rien etc.. etc..

En d’autres termes, c’est quand il se représentera en 2007 que le candidat, initialement, chef d’Etat se verra appliquer les dispositions relatives au nombre (2 au maximum) et à la durée (quinquennat) du mandat. Pour dire donc que Wade peut parfaitement être candidat à nouveau.

Pour autant, devrait-il se représenter ? Nous répondons par la négative et ce, pour plusieurs raisons.

Il est constant que ceux de ses alliés de l’époque qui avaient soutenu Wade en l’an 2000, s’étaient entendus avec lui, sur la base de ses engagements,  que ce serait pour un seul mandat. Après deux mandats successifs, la décence et la sagesse lui commandent de passer la main. Quand il a fait, irrégulièrement, modifier la première phrase de l’article 27 pour ramener le septennat, Maître Wade indiquait expressément qu’il se préoccupait du training du nouveau président débutant en 2012. Il devrait, pour une fois, apprendre à respecter sa parole et donc demeurer conséquent avec lui-même. Chacun observe qu’il n’a plus les aptitudes physiques ni intellectuelles ni mentales ou autres pour faire face aux situations de plus en plus complexes du pays et que, dans le faits et dans son camp, il est otage d’un clan qui le manipule à sa guise et décide à sa place. A preuve, de plus en plus, il avoue ne pas être au courant des choses. Sur le papier ou dans les faits, plus vieux chef d’Etat de la planète, plus vieux que le Pape, que Fidel Castro, que la reine d’Angleterre, que tout autre souverain exécutif du monde, le président Wade qui sera, en âge effectif, à l’orée de ses 90 ans en 2012, devrait faire siennes les recommandations du général De Gaulle- qui pourtant a aimé la France, passionnément, plus qu’une épouse ou une maîtresse- quand il enseigne qu’il faut savoir « quitter la table », d’autant que « la vieillesse est un naufrage ». Enfin, faire le forcing relèverait du narcissisme car contrairement à ce qu’il avance, aussi bien dans sa majorité que dans l’opposition, la diaspora ou le reste du pays, nous sommes très nombreux ceux qui peuvent le remplacer et faire beaucoup mieux que lui. Le Sénégal, terre à jeune population, est un pays de gens intelligents qui se révèlent de plus en plus ingénieux et travailleurs.

Voilà pourquoi je soutiens que s’il persiste, Wade devra être battu à plate couture pour qu’il se réveille et comprenne qu’il a engagé l’élection de trop sans oublier que personne n’est dupe dans son projet de transmettre gratuitement le pouvoir à son dauphin de fils.

 

Evidemment, par sa faute, son avenir immédiat et celui de sa famille peuvent le préoccuper et expliquer son entêtement. Des solutions qui privilégient les intérêts du pays et sauvegardent les siens existent qu’il suffit d’explorer entre gentlemen pour parvenir à un arrangement. C’est ou ça ou la défaite suivie de ce qui s’imposera inéluctablement.

Pour autant, nous ne devrions pas faire de fixation sur la candidature ou non du président en exercice ; sinon d’aucuns pourraient imaginer que nous craignons sa candidature. Nul n’a songé mener le débat sur sa double nationalité pour faire obstacle à sa candidature. Pourtant, il nous a fait jeter en prison  sous le prétexte mesquin, fallacieux et mensonger d’absence de nationalité sénégalaise. Malgré les arguments juridiques en notre possession, l’élégance nous interdit de disserter et de brandir sa nationalité étrangère pour lui barrer la route à la candidature.

      « Exclusivement de nationalité sénégalaise » (a.28), ce sont ceux là qui mangent dans la main de Wade depuis l’an 2000, qui l’avaient fait introduire dans le Code Electoral puis dans la Constitution en visant personnellement Abdoulaye Wade. Autre débat avec cette notion qui dans l’avenir posera, très certainement, problème.

Jean-Paul Dias 


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