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Quelle médiation dans un difficile mariage à trois: Ville de Rufisque, Sococim et Etat central ? (Par Abdou Lahad Diakhate)

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Quelle médiation dans un difficile mariage à trois: Ville de Rufisque, Sococim et Etat central ? (Par Abdou Lahad Diakhate)
J’ai le privilège de me mettre du côté du marché et de parler pour le compte des clients-populations de Rufisque, enfants déshérités d’un mariage à trois. Partant de la richesse sous-jacente au concept hégélien de « l’esprit objectif » et celui, durkheimien, de « conscience collective » nous parvenons facilement à nous accepter dans nos rôles distinctifs tout en reconnaissant l’impérieuse nécessité d’en venir à ce que d’aucuns appellent l’esprit client qui voudrait que tous, nous soyons résolument orientés sur le développement du territoire communal étant donné notre appartenance à un même groupe communautaire et donc ayant une seule identité communale, Rufisque.
 
C’est pourquoi notre approche sera volontairement moins technique, elle vise à simplifier la compréhension et à susciter, en chacun de nous, un peu plus de hauteur et de bienveillance, bref un peu plus d’amour pour cette ville.  La vérité, c’est qu’il n’y a qu’une seule bataille à livrer, elle se tient au niveau supra, et partant de là, il nous faut bâtir un groupe communautaire fort et très influent. Commençons d’emblée par admettre  à chacune des parties prenantes la légitimité de sa posture, d’une part la mairie ville telle une collectivité locale en charge de l’administration locale et de façon plus large maître d’œuvre d’une supposée gouvernance locale et  d’autre part la Sococim, entreprise installée sur le territoire communal, cherchant à être compétitive, à faire du profit et à accroître ses performances opérationnelles et financières.  Mais jamais nous ne devrons perdre de vue la vraie menace, celle d’un territoire condamné à tomber dans l’oubli  et l’indifférence de l’état central. Que devrions nous, par conséquent, trouver comme gain dans une bataille fratricide ? Et plutôt que de s’en tenir à une lecture d’intentions isolées, il devrait être question d’un jeu de conciliation en vue d’aller sur des compromis dynamiques, forts et durables. Les Rufisquois n’attendent pas moins que ça de la ville de Rufisque et de Sococim.
 
En matière de politique publique locale, on aura observé au cours des dernières années le glissement d’une logique de concurrence territoriale centrée sur la collecte de revenus (primes à l’implantation, exonérations fiscales...), vers une logique de concurrence par la création endogène de nouvelles ressources, notamment technologiques ou infrastructurelles. Cette logique s’appuie sur la mise en place d’un projet collectif de développement local qui s’apparente à de l’ingénierie de projet et qui mobilise une pluralité d’acteurs aux intérêts et aux motivations multiples : entreprises, services déconcentrés de l’État, collectivités territoriales, associations. Ainsi, nombreux sont les territoires qui se dotent aujourd’hui de cadre de médiation?, alliant ces différents acteurs dans un but d’excellence scientifique et opérationnelle au service des populations. De cette volonté de différenciation émergent des formes nouvelles de gouvernance territoriale fondées, en présence d’intérêts multiples, sur des mécanismes complexes de pouvoir de négociation et de co-décision. La gouvernance territoriale se définit ici comme une modalité de mise en compatibilité des actions, des modalités de coordination et des intérêts en jeu entre tous les acteurs géographiquement proches et partie prenante d’un projet collectif de développement socio-économique. 

Evidemment, avec des raccourcis on aura du mal à converger, il convient tout d’abord d’évoquer l’histoire pour  rappeler qu’en plus des désaccords sur l’assiette foncière que devait occuper la Sococim, objet de la concession minière,  un autre dossier plus ancien mettait dos à dos la ville de Rufisque et la Sococim industrie, la plus grande cimenterie d’Afrique de l’Ouest implantée dans la ville de Rufisque depuis 1948. Plus tard, une décision impopulaire de l’état central en avenant de la convention minière du 03 Février 2006, consistant à exonérer le fleuron de l’industrie de versement de certaines taxes «dues à la municipalité de la ville» rendait la situation plus inflammable. Il est tout de même essentiel de rappeler qu’à travers le principe de l’unicité de caisse il ne pourrait en aucun cas s’agir d’une transaction excluant l’état central qui à travers le trésor public et le ministère des finances, administre la réaffectation des taxes préalablement collectées. Le mécanisme de redevabilité laisse néanmoins transparaitre des insuffisances, car même si les recettes sont transférées dans des comptes spécifiques au niveau de la nomenclature budgétaire, la cotisation des sociétés extractives n’est pas tracée dans un compte distinct rendant techniquement impossible aux collectivités bénéficiaires de confirmer les données reportées.

A l’époque une vieille accusation de la mairie de ville qui considérait que la cimenterie était « mauvaise payeuse » dans la mesure où elle peinait à recouvrer la taxe sur la patente. La direction de l’entreprise Rufisquoise, elle, soutenait mordicus que cette patente n’était plus opposable à la Sococim conformément à la convention et aux accords fiscaux qui les lient à l’Etat du Sénégal. Une exonération qui, néanmoins, n’empêchait pas à l’entreprise de contribuer chaque année à hauteur de 1,3 milliard dans le cadre de sa Responsabilité Sociétale d’Entreprise.  En réalité, les responsables de la Sococim n’ont jamais accepté l’idée de devoir payer des taxes et à l’Etat du Sénégal et à la ville de Rufisque ; ce qui a fait qu’en son temps Cremier (ancien propriétaire de la Cimenterie de Rufisque) utilisant le prétexte comme quoi la Sococim est implantée sur des terres qui appartenaient à la fois à Rufisque et à Bargny, mais plus à Bargny, avait joué de toute sa stratégie pour frustrer le conseil municipal d’alors avec à sa tête M.Mbaye Jacques Diop, avec comme proches collaborateurs, l’actuel maire Dr. Oumar Cissé (agent voyer). Ce qui avait fait qu’à l’occasion du découpage des communes, Cremier s’était arrangé pour que la Sococim aille vers Bargny, chose que l’édile de la ville de Rufisque M. Mbaye Jacques Diop n’allait pas supporter. Il s’en était suivi un combat entre la ville de Rufisque avec les dignitaires de Rufisque et de l’autre côté la ville de Bargny soutenue par les dignitaires de Bargny. Le point d’achoppement avait finalement été tranché en faveur de la ville de Rufisque car, au lieu de mettre les limites de Rufisque côté Ouest, elles seront érigées au-delà de la Sococim et du côté de la limite de Bata ; ce qui ramène Sococim à l’intérieur de Rufisque.
 
Autre fait marquant, vers les années 1999 - 2000, à l’époque Cremier cherchait un repreneur pour ses actions, deux candidats semblaient présenter de sérieux atouts. Il s’agissait du groupe français Vicat et d’un groupe marocain. La passion de cette opération de rachat semblait avoir quitté les fours de la cimenterie pour intéresser l’ancien maire de la ville M. Mbaye Jacques Diop à tel point qu’il jouera de toute son envergure en faveur de ses alliés marocains. C’était sans compter sur la détermination de Cremier qui, à son tour, va peser de tout son poids pour sponsoriser la candidature de ses parents Français du groupe Vicat. En définitive, convaincus par l’alléchante promesse de Cremier de leur donner 1% des actions, les dignitaires de Rufisque avaient fini par manifester leur manque de confiance à l’endroit de la candidature des Marocains et c’est ainsi qu’au bout du rouleau la Sococim est revenue au Français.
 
Autre décision, prise cette fois à l’échelle de toutes les collectivités territoriales du pays,  l’entrée en vigueur  le 20 mars 2018, d’une nouvelle réforme sur le système fiscal local. La Contribution Economique Locale comme instrument de péréquation pour une meilleure équité territoriale venait de remplacer la patente, une vieille imposition héritée du système colonial. Une réforme qui viendra asseoir les désaccords dans ce mariage à trois : mairie ville, Sococim et Etat central, mais également alourdir la liste des décisions politiques en défaveur de l’élargissement de l’assiette fiscale en mesure de garantir l’émancipation économique de la ville de Rufisque. Les autorités municipales  avaient dénoncé une «fumisterie d’Etat ». Même admettant la spécificité d’un secteur extractif, bien encadré d’une disposition constitutionnelle : article 25-1  « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie.», il demeure important de dénoncer cette logique de nivellement par le bas, où les communes bien loties sont déshabillées en pleine tempête budgétaire pour  en habiller d’autres. Rufisque doit assumer sans complexe cette revendication vis-à-vis de l’état central, Et la ville doit pouvoir compter sur l’engagement de chacun d’entre les Rufisquois pour couper le sifflet aux fossoyeurs des aspirations de la ville de Rufisque.
 
En définitive, Rufisque pouvait bien se passer de ces rapports heurtés entre deux puissantes entités qui font l’histoire de cette ville. A l’heure actuelle, il faille remettre au beau fixe les rapports  de confiance centrés sur les attentes des Rufisquois et ensemble porter un plaidoyer fort au niveau supérieur. Les Rufisquois ne demandent qu’à voir leur territoire s’émanciper des difficultés majeures qui jalonnent un quotidien déjà très difficile : assainissement, voirie, infrastructures médicales et scolaires, activités à fort potentiel de main d’œuvre pouvant booster l’emploi des jeunes, soutien au secteur tertiaire. Pendant longtemps la capacité d’action des municipalités a été enfermée dans une conception relativement étroite de l’administration municipale par opposition au concept de gouvernance locale.  Et considérant la Sococim comme  icône de notre identité communale il faudra travailler en parfaite intelligence, conforter le groupe communautaire, car je me répète, Rufisque gagnerait beaucoup à aller sur de meilleurs compromis . Des compromis qui, pourquoi pas, permettraient de concilier les objectifs financiers et d’ancrage local de la cimenterie avec les ambitions de la ville concernant la levée de fond pour adresser les impératifs de développement durable, chacun y trouvera son compte. A ce niveau, la médiation des populations  pourrait être salutaire dans la mise en place d’un nouveau cadre de collaboration plus adulte , assez objectif,  mieux co-construit et surtout qui puisse garantir la participation populaire à la gestion des communes. Ce qui fait désormais exister la ville, c’est le projet collectif, le partage d’objectifs communs, d’une vision identique pour l’avenir, d’un véritable projet de société urbaine . La ville est conçue comme un système au sein duquel il ne serait plus possible de penser isolément l’acteur municipal. La maîtrise des policy networks, leur transformation en policy communities, permet le pilotage urbain bien au-delà de l’orchestration symbolique. La scène décisionnelle à Rufisque, s’en trouve modifiée dans le sens d’une plus grande complexité et d’une plus grande diversité. Il n’y a plus d’un côté l’acteur municipal et de l’autre la société locale, associations, entreprises. De nouveaux acteurs émergent, à l’autonomie partielle, à la temporalité singulière: nouveaux leviers d’action entre les mains d’une municipalité se démultipliant jusqu’à l’ubiquité, en faveur d’une fragmentation du pouvoir local. C’est ainsi qu’à mon avis il ne serait pas plus mal de prendre le Directeur Général de Sococim au mot, donnons-lui l’occasion « en cinq ans de faire de Rufisque comme Paname », le mérite reviendrait au maire qui seul détient le bon rôle celui de pouvoir faire bouger tout le monde dans la direction du progrès.  L’opérationnalité d’un vœux pareil, tiendra sur un retour à de bonnes relations de confiance, la décision stratégique reviendra naturellement à la municipalité tandis que Sococim sera le meilleur partenaire stratégique que Rufisque pourrait avoir dans un si vaste chantier, bâtir un Rufisque nouveau !
 
Ensemble pour Rufisque !
Abdou Lahad Diakhate


5 Commentaires

  1. Auteur

    En Décembre, 2022 (16:06 PM)
    Excellente contribution !

    L'engagement pour sa communauté est primordial pour un développement local durable

    Machallah
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  2. Auteur

    Bouba Diop

    En Décembre, 2022 (20:16 PM)
    Merci pour cette contribution qui permettra de connaître davantage de ce bras de fer entre la sococim , l'Etat du Sénégal et la ville de Rufisque .Tout naturellement en tant qu originaire de cette localité, je trouve dérisoire l'assiette fiscale versée par la cimenterie à la municipalité. Vus les dégâts environnementaux, sanitaires ect... que subissent ces populations. La sortie médiatique récente du directeur général ( Mr sow à la TFM )de cette entreprise qui se glorifie du versement annuel d'un milliard 300 millions est catastrophique pour ne pas dire méprisante .

    Rufisquois, soyons exigeants. 

     

     
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    Auteur

    En Mars, 2023 (11:44 AM)
    B­­o­n­­­j­­­o­u­­r, j­­e m'a­­p­p­­e­­lle Alisa, j'ai 21 a­ns) Dé­bu­­t du mo­­dè­­­le S­­E­­­X­­­E 18+) J'a­­ime êt­­re pho­to­­­grap­­hi­­­ée n­u­­e) V­­­e­­­u­­i­­l­lez no­­­ter me­­s phot­­os à l'adr­­esse su­­­i­va­­­nte ->>> W­­W­­W­­.­­X­­­2­­1.­­­F­U­­N id06019304
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    En Mars, 2023 (12:37 PM)
    B­­­o­­­n­j­­­o­u­r, j­­e m'a­­p­­p­­­e­lle Alisa, j'ai 21 a­­­ns) Dé­­­bu­­­t du mo­­­dè­le S­­­E­­X­­­E 18+) J'a­­­ime êt­re pho­­­to­grap­­­hi­­ée n­­­u­­e) V­e­­­u­i­­l­­­lez no­­­ter me­­­s phot­­os à l'adr­­­esse su­­i­­­va­nte - W­­W­­­W­­­.­X­­2­1.­­F­U­­­N id04050238
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    En Mars, 2023 (12:54 PM)
    B­­o­n­­j­o­u­r, j­­e m'a­­­p­­­p­e­­­lle Alissa, j'ai 21 a­­­ns) Dé­­bu­­­t du mo­­dè­­le S­E­­­X­­­E 18+) J'a­­ime êt­­­re pho­to­­­grap­hi­­ée n­u­­­e) V­e­­u­­i­­­l­lez no­ter me­s phot­­­os à l'adr­­esse su­­­i­va­­­nte --- W­W­­W­.­X­­2­­­1.­­­F­­­U­­N id09800468
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