Jeudi 28 Mars, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Contribution

[ Contribution ] Qualité de l’éducation : le Centre de Linguistique appliquée de Dakar entre gabegie, incompétence et escroquerie scientifique

Single Post
[ Contribution ] Qualité de l’éducation : le Centre de Linguistique appliquée de Dakar entre gabegie, incompétence et escroquerie scientifique

Selon une opinion largement partagée, la crise de l’école sénégalaise serait essentiellement due à un manque de ressources financières. Le « manque de moyens », comme on dit,  expliquerait les grèves cycliques, les lacunes dans la formation initiale et continuée des enseignants, les difficultés d’instrumentation des langues nationales, bref, la dégradation de la qualité de l’éducation. La preuve est un indicateur qui a la force de l’évidence, les mauvais résultats scolaires. Ce point de vue,  qui ne manque pas de pertinence, a fini de s’imposer comme un fait et accepté sans nuances par tous ou presque – les faits sont têtus - y compris l’Etat qui dit pourtant consacrer 40% de ses ressources à l’éducation (Le Soleil, 07/08/2009).

L’unanimité étant suspecte par nature, il est permis de se demander si le « manque de moyens » n’est pas, plus souvent qu’on ne le dit, l’arbre qui cache la forêt des moyens détournés de leurs objectifs, en partie à cause de la communication officielle. Réduite à l’information voire à la réclame, elle oublie que le discours politique satisfait aux conditions, statutaires notamment, lui permettant de faire advenir ce qu’il dit par le seul fait de le dire. En d’autres termes, l’argument du « manque de moyens » de l’éducation relève, pour une bonne part, de la croyance, puisque personne ne l’a encore démontré formellement (ce n’est pas nécessaire puisque c’est évident). Mais « la Vérité dépend de qui la dit » et non des faits. Ce constat de  Bouki l’Hyène est valable pour tous : à force d’être répété par la voix la plus autorisée, l’Etat, l’argument va prendre forme (in-former = donner forme), acquérir de la consistance et ainsi, servir de terreau à la gabegie, de masque à l’in!
 compétence.

Ce point de vu ne procède pas de théories lumineuses,  mais plus modestement, de l’observation quotidienne pendant sept ans, d’un institut de recherche appliquée, dont la raison d’être est justement de contribuer à la qualité de l’éducation dans le domaine précis des langues. Depuis près d’une vingtaine d’années, le Centre de Linguistique appliquée de Dakar (CLAD) n’a pas mené une seule activité dans le cadre de sa mission. Le directeur, M. Chérif Mbodj, justifie cette situation par le « manque de moyens ». Si on lui rappelle que l’institut a un budget, il évoque le refus des  fournisseurs de livrer l’UCAD (université Cheikh Anta Diop), à cause des retards de payement. Soit. Mais comment a-t-il alors pu déclarer que le budget en cours est « fini » ? Que cache cette apparente incohérence qui empêcher la moindre action de cherche puisque même la revue de l’institut, Sciences et techniques du langage (STL), ne paraît plus depuis dix ans ?

Beaucoup de chercheurs avant nous ont posé cette question à l’interne, en vain. Le problème dépasse le chercheur. Il est devenu celui du citoyen. C’est de ce titre que se prévaut la présente contribution qui, après un bref historique, examinera la léthargie du CLAD avant de montrer qu’il a les moyens de sa mission.

1. Bref historique

L’histoire du CLAD se confond avec celle de la méthode « Pour parler français » (PPF), communément appelée « Méthode CLAD ». Sans elle, le CLAD se réduit à peu de chose. Créé en 1963, cet institut avait pour mission de « Développer, avec les organismes existants, des recherches dans le domaine des langues actuellement parlées en Afrique et appliquer le résultat de ces recherches à la pédagogie des langues vivantes tout particulièrement en vue de faciliter l’enseignement des langues de communication internationale en Afrique ». PPF est née de cette mission dont il sera l’instrument le plus connu.

En 1981, les Etats généraux de l’Education et de la Formation (EGEF) mettent fin à PPF, lui imputant quasiment tous les maux de l’école sénégalaise. Trente ans après, les problèmes se posent toujours dans les mêmes termes, alors que PPF est en train de renaître de ces cendres, comme le Phénix. Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, le manuel de langage PPF (CLAD et BPD 1967), n’a été remplacé qu’en 1990, c’est-à-dire après dix ans d’errements que l’école a nécessairement payés. Qui plus est, pour remplacer ce livre, on a fait que l’adapter tant bien que mal, à deux reprises. La première adaptation (INEADE 1990) ayant révélé  trop d’insuffisances, il fut procédé à une autre (INEADE 1996), meilleure que la première, mais nettement en deçà des résultats atteints en 1967 par PPF. C’est dire que l’apport de cette méthode en termes de qualité de l’éducation n’était pas tout à fait ce qu’ont prétendu les EGEF. Il ne fallait pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Cette sagesse est de plus en plus conforté par une étude en cours, et plus décisivement par le fait que des enseignants, de Dakar et Thiès particulièrement, photocopient les manuels du CLAD, les deux volumes du livre de langage plus souvent que les autres. Selon certains de ces  enseignants, ces ouvrages seraient meilleurs que tout ce qui est disponible en langage. Ils souhaitent disposer aussi des supports de ces manuels :
        les figurines, parce qu’il est difficile voire impossible, selon les localités, d’illustrer une leçon sur le stade, le transport ferroviaire ou une partie de chasse, par exemple. Dans bien des cas, le maître est obligé soit de renoncer à la leçon, soit de faire une leçon abstraite pour des enfants de 6-8 ans. Le matériel est à la charge du maître, dira-t-on. Mais ça, c’est de la théorie prétentieuse : en l’absence d’un minimum, le salaire du maître n’y suffirait pas ;
        De même, les  supports sonores de PPF seraient, toujours selon ces enseignant, très utiles pour les séances de phonétique préventive et de phonétique corrective. Le maître lui-même a besoin de ce type d’outil, selon une étude du Ministère de l’Education (DEE 2008).

Par l’adaptation de PPF malgré sa suppression officielle, les enseignants, des Volontaires de l’Education en particulier, administrent, sans tambours ni trompettes, une leçon magistrale de pédagogie générale : on peut utiliser un manuel et ses supports indépendamment de la méthode pour laquelle ils ont été conçus et réalisés. PPF est donc encore d’une évidente utilité pour la qualité de l’enseignement élémentaire, et partant du reste du système éducatif ; mais les supports ne sont plus disponibles.

2. La léthargie du CLAD

Les voies du seigneur sont insondables : alors que la quête de qualité est en train de faire renaître PPF de ses cendres, le CLAD, son géniteur, est devenu un institut voyou.

2.1. Gabegie et marginalisation des chercheurs

Le directeur du CLAD a transformé un institut de recherche en une violente machine administrative dont la fonction se réduit, en dernière analyse, à casser du chercheur pour empêcher la moindre activité. L’un de ces instruments privilégier est la politique du diviser pour régner. Des bureaux non fonctionnels, sans lumière ni meubles de rangement, leur sont affectés alors qu’il y en a de fonctionnels. Quand un chercheur a voulu s’installer dans l’un de ces bureaux (le n° 9) qui était inoccupé depuis plus de deux ans, le local a été affecté à un agent qui n’avait rien à y faire. La preuve, l’agent en question a refusé de libérer l’armoire au seul motif qu’il y rangeait son sac à main. C’était en présence du directeur qui avait monté le coup. Par une naïveté à la limite du tolérable, le même chercheur a alors demandé une des armoires non utilisées que le CLAD garde dans son local du camp Jérémie. Il essuya un refus d’une violence telle qu’il guérit définitivement de sa candeur.

Pour l’équipement, les plus démunis sont les derniers servis et ce sont toujours des chercheurs, parfois un an après les autres. Il en a été ainsi pour les ordinateurs ; mais pour les climatiseurs (2008-2009), le directeur a fait un peu mieux. Il a remplacé les climatiseurs en bon état sans daigner réparer ceux qui étaient en panne depuis au moins sept ans et qui, comme par hasard, se trouvaient tous dans des bureaux de chercheurs. Ces derniers ou certains d’entre eux avaient peut-être envie de se contenter des restes des autres. Cette faveur leur a été préventivement refusée. Et lorsque l’un de ces chercheurs qui ne méritent même pas les restes a eu le culot de demander une cartouche d’encre, la réponse est tombée comme un couperet : « le budget est fini ». Ce bout de phrase signifiait que, pour 2008-2009, ce chercheur n’aura eu droit à rien, même pas un crayon, puisque depuis le début de l’année, aucune dotation n’a été faite ; à moins qu’elle l’ait été de manière sélectiv!
 e. Pire, la ligne Internet est en panne depuis plusieurs mois et on change du matériel qui fonctionne.

Le directeur rejette de manière autoritaire tout projet soumis à l’institut (cas du dictionnaire sérère dans le cadre de l’introduction des langues nationales à l’école). Mais curieusement, il réserve le même sort à certains projets conçus pour répondre à un appel d’offre international. Or dans ce type de cas, le budget de l’institut n’est pas sollicité, le CLAD est seulement chargé de transmettre le dossier, au titre de la réglementation en vigueur. Le directeur a motivé son refus par le fait  qu’il devait voyager, et qu’il n’y avait personne pour assurer l’intérim. Pourtant, à l’époque, il y avait au moins un chercheur du même grade que lui, et un autre était son supérieur scientifique. Quand ce problème a été posé lors d’une réunion (IFEE) en présence du Recteur, le directeur a osé dire que l’intérim n’était pas formellement inscrit dans les textes régissant l’institut. On peut être incompétent, mais à ce degré là pour un universitaire, il y a de quoi s’inquiéter. Il a fallu l’intervention de l’autorité pour remettre les choses dans l’ordre.

En plus du « manque de moyens » (argument passe-partout), de l’absence de la personne indispensable pour la transmission de certains dossiers, le directeur justifie aussi le rejet des requêtes parce qu’« on a déjà fait tout cela ». Pour vérifier la sincérité de cet argumentaire, je lui proposai quelque chose 1) à un moment où il ne voyageait pas, 2) dont une parie des « moyens » étaient déjà trouvés, 3) et que le CLAD n’avait jamais « fait ». Il s’agissait d’un projet éducatif pour les enfants déficients cognitifs ainsi que les handicapés cognitifs , improprement et péjorativement appelés « enfants déficients mentaux ». Leur éducation coûte cher : 500 000 F/an/enfant dans le privé catholique (Le Quotidien 03/12/2004), presque le double dans le privé laïc, et il n’y a que quelques écoles concentrées pour l’essentiel à Dakar.
L’objectif était de contribuer à promouvoir,  pour cette catégorie d’enfants, en priorité ceux issus des milieux défavorisés, l’accès à une éducation de qualité supérieure à celle du privé, en termes d’application des résultats de la recherche interdisciplinaire (sciences cognitives, pathologie du langage, didactique, technologie de l’éducation, etc.).
Le directeur a accueilli l’idée avec mépris. D’inutile, cet homme est devenu nuisible. L’éthique commande de neutraliser, dans toute la mesure du possible, les effets de sa méchanceté chaque fois qu’ils sont de nature  à enfreindre une entreprise visant l’intérêt public. En conséquence, je propose aux parents et surtout aux associations de parents de handicapés cognitifs, à titre gratuit, des outils et une initiation à certains didacticiels, pour les aider à aider leurs enfants (apprentissage de la parole dans n’importe quelle langue ; lecture, calcul, éducation sensorielle, etc.).

Les agissements du directeur semblent absurdes, mais au fond, ils obéissent à une logique, celle de la jalousie maladive d’un ego surdimensionné, mais frustré par vingt ans d’incapacité notoire à entreprendre et réussir la moindre activité.


2.2  Incompétence et escroquerie scientifique

Le site du CLAD (www.osil.ch/gtf-rifal/dakar/clad1.html) a été créé en 2001 (site 1). Il se réduit à une seule page Internet et un seul lien, « université Cheikh Anta Diop ». Site 1 est repris tel quel par site 2 (http://clad.ucad.sn) à une date inconnue, avec une mise en page différente. Rien ne s’est passé entre temps, ni avant ; il n’est fait mention d’aucun programme ou projet de recherche. Ce vide va être comblé de manière factice par des manipulations grossières.

Sur site 1, on lit sous la rubrique « Publications » :
« Revues » : 1) « Réalités africaines et langue française : 24 numéros disponibles, mais a cessé de paraître » ; 2) « Sciences et techniques du langage (STL) : 3 numéros parus ».

Ces informations, qui sont vérifiables dans les bibliothèques, sont reprises par site 2. Mais celui-ci, à côté de la rubrique « Publications », en a créé une autre, « Revues en lignes » : une revue en ligne n’est donc pas une publication. Toujours est-il que ce dernier lien conduit à une page avec comme tout contenu : « Revue en ligne : Sciences et techniques du langage : n° 1, n° 2, n° 3/4 ». Dans une revue normale, ces numéros constituent des liens et conduisent à du contenu. Il n’en est pas ainsi au sur site 2. J’avais cru à une erreur et effectué en conséquence des recherches dans plusieurs moteurs de recherches, en vain. La « Revue en ligne » Sciences et techniques du langage n’existe pas à ce jour (30/08/09) ; les numéros mentionnés sont ceux de l’édition papier, la seule qui existe. D’ailleurs, comment concevoir dans un même institut deux revues publiées sous le même nom ? Ce qui est courant, c’est une revue en deux versions : papier et électronique.

La version papier de STL ne vaut pas beaucoup mieux malgré les apparences. C’est un périodique dont personne ne connaît la périodicité : trois éditions en 14 ans (1995-2009) et un nouveau numéro en préparation depuis dix ans (2000). Passons ce détail. Formellement, la revue a un comité de lecture dont  le directeur du CLAD, qui en est aussi le directeur de publication. En réalité, le comité de lecture, c’est encore le seul directeur. Au nom d’une sorte de compétence universelle, il reçoit et décide du sort de propositions de publication sans même en informer les autres membres du comité de lecture. Il l’a dit lors d’une réunion, en présence de deux personnes qui était dans ce cas.

 Or, celles-ci et le directeur sont de trois spécialités différentes. Pire, la discipline dont se réclame l’une des propositions, l’analyse du discours,  est ce qu’il y a de plus opposé à la seule chose que le directeur est censé connaître, l’immanentisme saussurien. Il se trouve que le directeur ne s’est jamais intéressé à la discursivité et on ne lui connaît aucune publication dans ce domaine. C’est son droit. Mais le même droit lui prescrit un devoir de réserve qu’il n’a pas observé, sans doute pour avoir aveuglement suivi son ego balaise dans la confusion infantile entre, d’une part la fonction administrative, d’autre part la compétence scientifique dont il n’est pas particulièrement doté. Mal lui en prit : l’article rejeté a été soumis tel quel à une vraie revue, c’est-à-dire respectant les normes de publication. Son avis a été infirmé par deux instructeurs compétents.

Pour le directeur, une revue, c’est tout simplement une vitrine dont le rôle est de donner l’impression de sérieux. Ainsi, selon lui (Mbodj 1995 : 5), la création de STL participe du souci du CLAD de se conformer aux exigences des publications universitaires, dont « un comité de lecture international ». Malgré cette exigence, le comité de lecture de STL ne compte que six membres dont le directeur du CLAD. Trois de ces six sont du département de linguistique de Dakar dont encore le directeur ; le quatrième est un ancien directeur du CLAD même s’il ne travaille plus au Sénégal. Pour un comité international, on peut faire mieux.

Au-delà de cette question de forme, il faut noter que les membres de ce comité ne couvrent que deux spécialités, celle du directeur naturellement, et la sociolinguistique. Ce qui est une aberration au regard du  pluriel de sciences (Sciences et techniques du langage) consacrant,  à partir des années 1960, une rupture épistémologique comparable à celle opérée par Saussure une cinquantaine d’années plus tôt, et à laquelle on doit la configuration actuelle du champ des études du langage. Mais le directeur semble ignorer cela, pour autant qu’on peut en juger par l’avant propos du n° 1 de STL : « L’esprit d’ouverture du CLAD justifie également le titre de sa nouvelle revue. Celle-ci pourrait accueillir des travaux de linguistique, de sociolinguistique, de psycholinguistique, de didactique des langues, de terminotique, de traductique » (Mbodj loc. cit.). Pour autant qu’on sache, le CLAD, à l’époque où il servait à quelque chose (1963-1980), faisait essentiellement de la didactique!
 des langues en s’appuyant surtout sur des études de sociolinguistique, conformément à la mission qui lui avait été confié (voir supra). Dans ces conditions, comment l’institut peut-il s’ouvrir à la  sociolinguistique et à la didactique des langues ? De toute évidence le directeur ignore tout, y compris la mission du CLAD et partant, les raisons de sa propre présence dans l’institut. L’utilisation qu’il fait du budget s’explique donc : l’ignorance ne ment pas.

Par ailleurs, aucun des domaines cités (linguistique, sociolinguistique…) n’a joué un rôle notable dans le passage du singulier au pluriel de sciences. Cette question ne peut se traiter sans référence à la problématique du discours que le directeur ignore une fois de plus. Ainsi, incapable de définir une ligne rédactionnelle de la manière qui sied pour le premier numéro d’une revue, c’est-à-dire en situant le nouveau né dans son champ disciplinaire, le directeur s’en convoque un prosaïque et improbable « esprit d’ouverture du CLAD » ; et même dans ce cas, il y a un abus de langage. En effet, en parlant d’« esprit d’ouverture », le directeur veut se présenter pour une fois comme un acteur à un tire quelconque. Non, le CLAD ne s’est pas ouvert, en témoignent les domaines cités qui montrent qu’il n’a aucune conscience de sa mission ni de la  conjoncture épistémologique dont le directeur peine à faire le point pour indiquer la l’orientation de sa revue, ses positionnements dans !
 l’univers foisonnant des sciences du langage.

Au total, STL est un périodique papier dont on ignore la périodicité ; la revue compte trois numéros en quatorze ans. Sa version en ligne est un fantasme. Son comité de lecture officiel, dont le rôle est de donner le change, n’est pas en cohérence avec sa ligne rédactionnelle manifestée par le pluriel de sciences ; le vrai comité de lecture, à la fois directeur de publication et directeur du CLAD, est incapable de situer la revue dans son champ disciplinaire. STL n’est pas une revue dans la tradition universitaire. C’est une escroquerie scientifique.

L’escroquerie est moins raffinée dans certains cas où le chercheur paye cash au plan de la carrière. Il lui est en effet difficile, dans les dossiers du CAMES (organisme africain qui gère la carrière des universitaires) de remplir la rubrique « Activité institutionnelle » parce qu’il n’y en a pas au CLAD, sauf tricherie. Or il arrive que le directeur refuse de reconnaître comme activité institutionnelle ce que le chercheur fait en dehors de l’institut. Quand il croit vous tenir fermement par ce moyen, il vous propose un travail « institutionnel » en s’arrangeant pour que tout le bénéfice scientifique lui revienne. Si vous acceptez le deal, vous pouvez avoir un dossier nickel, sinon c’est le bâton. Il ne vous interdira pas seulement sa revue, il vous empêchera aussi, quand il en a la possibilité, de parler même dans les rencontres scientifiques (forum linguistique, UCAD 2, 2008), au mépris encore une fois des règles quasi universelles qui président à ce genre de réunion.  Le !
 directeur est une sorte de parrain ; il ne supporte pas la moindre activité de recherche dans son fief, le CLAD, en dehors de ceux dont il tire un profit immédiat ou lointain.

Le directeur est sans doute le seul au monde à continuer à croire fermement et sincèrement que la langue peut être « envisagée en elle-même et pour elle-même » (Saussure 1972 : 317), et à en tirer toutes les conséquences, c’est-à-dire, répéter sous mille et une formes, en théorie comme en pratique, la dernière phrase du Cours de linguistique générale (CLG). La première édition de cet ouvrage datant de 1916, le directeur vit d’une hypothèse vieille de cent ans et fondée sur la dichotomie langue/parole. Or Saussure lui-même pose l’« interdépendance de la langue et de la parole »  (p. 37) et explicite cette idée en ajoutant que « dans le domaine du syntagme il n’y a pas de limite tranchée entre le fait de langue, marque de l’usage collectif, et le fait de parole, qui dépend de la liberté individuelle » (p. 173). Si le statut du syntagme est aussi problématique, que faut-il penser de ce qui est considéré comme la plus grande unité de la linguistique, la phrase ? Celle-ci est rés!
 olument rejetée dans le domaine de la parole (CLG : 148 et 172). Benveniste également est formelle : « avec la phrase on quitte le domaine de la langue […] » et l’on entre dans celui du discours (1966 : 129-130).

Fort de tout cela, Tulio de Mauro (CLG : note 65, p. 420 sq.) souligne le caractère « dialectique » de l’opposition langue/parole, avant de regretter l’interprétation de cette dichotomie « comme la distinction entre deux réalités séparées et opposées, deux ‘choses’ différentes. » Dès lors, poursuit-il, « il ne restait plus qu’à reprocher à Saussure d’être coupable […] de cette séparation. » Si l’on en croit donc Tulio de Mauro – y’a-t-il une raison de ne pas le croire ? - on fait dire à Saussure ce qu’il n’a pas dit. Le terme dichotomique langue/parole serait plutôt conçu comme un concept méthodologique dynamique, à l’antipode de l’enferment dans la langue réduite à l’arbitraire de ces unités et de ces règles formelles.

Rien n’y fait. Le directeur s’en tient au plus pur formalisme en convoquant abusivement l’autorité de Saussure. Structuraliste sérieux, il fait de la « linguistique linguistique » (Hjelmslev : 1971 : 31, article de 1944 !!), celle du mot. La deuxième linguistique, celle de la phrase (Chomsky à partir des années 1950) ? Il ne connaît pas. La troisième linguistique, celle du discours, actuellement en construction ? Du bricolage d’apprentis sorciers. Et s’il se dit terminologue ces derniers temps, surtout à l’extérieur du pays, il ne s’agit pas de terminologie en contexte, mais de celle de papa, c’est-à-dire, dans le cadre strict de l’isomorphisme des plans du signifié et du signifiant, lequel postule une relation biunivoque entre forme et sens (toute différence de sens se manifeste par une différence de formes et vice versa). Pourtant même les robots font un effort d’intégration du contexte (correcteur orthographique des ordinateurs, par exemple).

On peut résumer en disant que la léthargie du CLAD est l’expression, sur le plan administratif, de l’hibernation scientifique du directeur. La tension constitutive de l’action de recherche est, par nature, la négation d’une vie au ralentie permettant de subsister, pendant un temps plus ou moins long, de l’énergie précédemment accumulée. Ce temps est actuellement de vingt ans pour le CLAD, et rien ne permet de présager une évolution. En effet, le directeur a pris sur lui de ne pas présenter de rapport d’activité pour 2007-2008, faute d’activités. Pour 2008-2009, il pourra toujours mentionner le remplacement de matériels encore en bon état, et la publication du numéro de STL qui attend depuis 2000.

3. Le CLAD a les « moyens »

Le CLAD a les « moyens » de sa mission mais les développements qui précèdent n’en constituent pas une preuve irréfutable ; ne permettent pas de répondre affirmativement à la question suivante : l’argent détourné de son objectif - je pèse mes mots – suffit-il pour mener une action de recherche appliquée dans le cadre de la mission de l’institut ? La  seule solution qui nous a paru plus ou moins viable pour répondre à cette question a été de concevoir un projet de recherche appliquée, de le mettre en œuvre, le tout sur fonds propres. L’hypothèse était que si ce bricolage marche, c’est que le CLAD a les « moyens », ma seule ressource étant le salaire, augmenté des revenus d’éventuelles heures complémentaires. Donc rien d’extraordinaire côté « moyens ».

L’objectif fondamental était de contribuer à améliorer la qualité de l’enseignement du français, en proposant des contenus pour le système formé par les trois entités suivantes : école élémentaire, Ecole de formation des instituteurs (EFI), faculté de sciences de l’éducation (FASTEF sections inspecteurs et professeurs du moyen/secondaire). Contrairement à la démarche classique qui est descente, nous avons opté pour l’inverse : les contenus pour tous les niveaux devaient être inférés des besoins de l’élémentaire, y compris les handicapés cognitifs.

La première difficulté a été de trouver les « moyens ». Le directeur ayant naturellement rejeté l’idée, je pris la décision peu sage (je m’en suis rendu après coup, mais le vin était tiré) de créer des ressources supplémentaires essentiellement en augmentant le volume de mes heures complémentaires. C’était de l’argent virtuel, d’autant plus difficile à mobiliser et à planifier que la date du payement est imprévisible et que parfois, le montant peut considérablement  varier à cause de facteurs difficiles à prévoir.

Des  informations ont été recueillies petit à petit à Vélingara, Thiès, Louga et Bakel. Leur exploitation a abouti à un programme de formation d’enseignants de douze modules, réduits à neuf par économie (cinq pour l’élémentaire et quatre pour le moyen/secondaire). Sur ce total, six ont été effectivement écrits ou réécrits. Mais seuls deux ont fait l’objet d’une mise en œuvre effective dans l’élémentaire (l’inspection départementale de l’éducation de Bakel pour les niveaux 2 et 3, décembre 2008 ; une école privée du Point E, Dakar, pour le niveau 1 et les handicapés cognitifs, mars 2009).

Lorsque j’ai rendu compte au directeur, sa seule réaction a été : « mais on t’a payé pour çà ». J’ai eu pitié de lui et je l’ai rassuré par de fastidieuses explications. Résumé : « à Bakel, au taux du PDEF (Programme décennal de l’Education et de la Formation), j’ai tout juste reçu, en plus du transport et du logement, le prix d’une cartouche d’encre ; itou pour Dakar, même s’il s’agissait d’une école privée ; j’ai accepté pour des handicapés cognitifs ; ngapati ngololi. ». Le visage du directeur se détendit : je n’avais pas gagné de l’argent. Heureusement qu’il n’a pas demandé la source de mes « moyens », car alors, vu son rapport à l’argent, il n’aurait jamais cru à la thèse de l’autofinancement et m’aurait irrévocablement rangé dans le lot des mythomanes tout juste bons pour la fac de médecine ou mieux, le CHU de Fann ou Dala xel de Thiès. Heureusement donc !

Pour les résultats, il ne s’agira que de ceux de Bakel. L’enquête diagnostic avait permis d’identifier le problème suivant : « les maîtres semblent assez bien outillés pour aider l’élève à maîtriser la structure de la langue (vocabulaire, orthographe et grammaire). Ils sont en revanche désarmés face aux besoins des élèves en matière de compréhension/production de texte. Cette situation s’expliquerait par l’absence, dans la formation des maîtres et de leurs formateurs des EFI, de contenus explicites et de méthodes appropriées relatives  à la textualité. Les solutions existantes pour améliorer cette situation (développements sur les types de textes) procèdent d’un présupposé théorique, la linguistique structurale, dont la capacité de traitement maximale est la phrase  considérée indépendamment de son sens, or le texte est sens.

De cette problématique, nous avons tiré les objectifs suivants : rendre  le maître capable
-        De distinguer grammaire de phrase et grammaire de texte au-delà de leur complémentarité ;
-        De maîtriser et d’intégrer les règles de cohérence textuelle dans leurs enseignements ;
-        D’élaborer, pour tout niveau de l’élémentaire, des exercices dans une perspective textuelle ;
-       De maîtriser et d’enseigner l’organisation de l’unité textuelle de base, le paragraphe ;
-       De proposer des éléments nouveaux pour la correction des textes d’élèves.

Une cinquantaine de maîtres coordinateurs de zones pédagogiques ont été formés. En tenant compte de l’effet de la démultiplication, on peut estimer avoir touché au moins 300 maîtres (Bakel compte 152 écoles) et 7500 élèves à raison d’une moyenne de 25 élèves par maître. C’est une goutte d’eau dans mer des besoins du pays, mais une montagne au regard des vingt ans d’inactivité du CLAD, et autant de budgets qui n’ont jamais servi à rien.

Pour le suivi, nous n’avons encore rien d’officiel. Mais un coordinateur de zone assure que le travail a été fait dans les classes comme convenu lors de la formation, et les rapports, envoyés à l’IDEN. Si tout se passe comme prévu, Bakel sera bientôt en mesure de proposer, pour l’ensemble du pays, un dossier pédagogique pour la prise en charge de la compréhension/production de texte à l’école élémentaire.

La suite dans notre programme, c’est d’entamer un mouvement ascendant en proposant un complément de contenu pour les Ecoles de formation d’instituteurs (EFI), ensuite pour la faculté des sciences de l’éducation. Cette étape a déjà commencé avec un formateur de l’EFI de Louga.

Le coût du travail pour Bakel a été estimé à environ cinq cent mille francs CFA, y compris le prix d’une imprimante laser, du papier, de l’encre et petit matériel, le directeur du CLAD m’ayant dénié le moindre droit pour 2008-2009. Malgré tout, il lui faudra désormais de nouveaux arguments pour convaincre qu’il est possible de remplacer des climatiseurs en bon état pour un institut qui n’est d’aucune utilité depuis vingt ans, et qu’il n’y a pas cinq cent mille francs pour au moins 7500 élèves, soit 67 F/élève ?

Vingt ans de gabegie, d’incompétence et d’escroquerie scientifique. Ça suffit. Si le CLAD n’est pas au-dessus de la loi, il doit être audité, réformé ou à défaut, dissous pour utiliser son budget à quelque chose d’utile. Par respect, sinon par pitié pour le contribuable.

Mamadou Diakité
Chercheur, université Cheikh Anta Diop
[email protected]

 

Bibliographie
BENVENISTE, É. (1966), Problèmes de linguistique générale 1, Paris, Gallimard.
CLAD et Bureau pédagogique de Dakar (1967), Pour parler français. Manuel de langage à l’usage des Classes d’initiation et des Cours préparatoires 1re année. Livre du maître I, Paris, Librairie Istra.
DEE (2008), Niveau linguistique des élèves. Nature et sources des faiblesses,  propositions de remédiassions, Dakar, Ministère de l’Education.
INEADE (1990), Langage. Cours d’initiation et Cours préparatoires. Livre du maître, Dakar, INEADE
INEADE (1996), Manuel de français 1re étape. Cours d’initiation et Cours préparatoire. Guide du maître, Dakar, INEADE.
MBODJ, C. (1995), « Avant propos », Sciences et techniques du langage.
SAUSSURE, Ferdinand De (1972), Cours de linguistique générale, Paris, Payot. (1e édition 1916).



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email