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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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« La dissolution de la ville de Dakar est inconcevable et inacceptable » (Pape Diop)

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« La dissolution de la ville de Dakar est inconcevable et inacceptable » (Pape Diop)
Nous voici à l’aube d’une nouvelle année dont on espère qu’elle sera bien meilleure que celle qui vient de s’achever et qui a été particulièrement éprouvante. Marquée par une crise sanitaire et économique sans précédent, elle n’a épargné aucune couche de la société, ni aucun secteur d’activité.

J’exprime ma compassion à tous nos compatriotes pour les privations et les difficultés qu’ils ont subies de plein fouet et leur souhaite une bonne et heureuse année 2021. Vivement que cette pandémie à coronavirus s’estompe pour que nous puissions enfin retrouver une vie normale !

Face à cette crise qui devrait nous pousser à mobiliser toutes nos énergies pour lutter contre la Coved-19, je ne peux que regretter que nous soyons malheureusement distraits par des questions sans importance et qui ne relèvent que de la politique politicienne. C’est le cas hélas de ce très controversé projet de dissolution de la Ville de Dakar et des collectivités locales de même nature. En l’occurrence, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès.

Depuis son annonce par le ministre en charge de la Décentralisation, l’idée n’en finit pas de susciter un concert d’indignations. J’associe naturellement ma voix à celles qui se sont déjà exprimées sur le sujet pour marquer leur désapprobation et mettre en garde contre ce qui serait une énorme forfaiture.

Pour défendre cette idée tout aussi saugrenue que surprenante, le ministre des Collectivités Territoriales, du Développement et de l’Aménagement des Territoires soutient que le Code général des collectivités territoriales ne consacre que deux entités territoriales, en l’occurrence le Département et la Commune, et que la Ville ne serait pas donc reconnue comme collectivité locale.

En ma qualité d’ancien Maire de Dakar, je suis autant indigné par ce funeste projet que par l’argumentaire qui le sous tend. Contrairement aux allégations du ministre, le Code reconnait parfaitement la Ville comme entité territoriale et lui consacre même tout un chapitre et pas moins de 20 articles. Ce qui prouve à suffisance qu’une éventuelle suppression des villes de Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès, relèverait simplement d’une manœuvre politicienne. Mieux, tout porte à croire qu’on ne cherche qu’à enlever la Mairie de Dakar du giron de l’opposition sans passer par les urnes.

En vérité, ce projet traduit l’obsession du régime en place de prendre le contrôle de la capitale à tout prix, après avoir échoué à le faire à travers des élections. D’où toutes les manœuvres qui sont déployées pour y parvenir et qui ne datent pas d’aujourd’hui. L’idée de permettre au président de la République de nommer par décret le Maire de Dakar a même été longtemps agitée par la mouvance présidentielle avant d’être abandonnée devant le tollé qu’elle a toujours soulevé à chaque fois qu’on l’a évoquée.

Aussi, le ministre des Collectivités Territoriales ne fait que revenir une nouvelle fois à la charge en agitant, cette fois-ci, la suppression pure et simple de la Ville de Dakar comme entité territoriale.

Mais, au-delà de ses visées politiciennes, le plus grave est que la dissolution envisagée conduira forcément à l’atomisation des communes alors qu’on devrait plutôt travailler à leur mutualisation pour plus d’efficacité dans leur fonctionnement, leur gouvernance et leur action en faveur des populations.

A propos d’atomisation des communes, il est même très regrettable que le pouvoir en place veuille imiter le défunt régime socialiste, vingt-quatre ans après la réforme de 1996 qui avait totalement mis la capitale sens dessus-dessous.

En effet, si Dakar souffre jusqu’à présent de phénomènes comme l’occupation anarchique et la « cantinisation », c’est parce que l’ancien régime socialiste, obnubilé par la récupération de la capitale tombée dans l’escarcelle du Pds aussi bien à la présidentielle qu’aux législatives de 1993, avait morcelé la ville en 19 communes d’arrondissement.

Ce découpage qui correspondait exactement au nombre de coordinations du Parti socialiste à Dakar était ni plus ni moins qu’un stratagème pour la reconquête de la capitale. Hélas, pour n’avoir obéi qu’à ce simple calcul politicien, il a eu des conséquences fâcheuses sur l’évolution de la ville de Dakar depuis maintenant un quart de siècle.

Dépourvues de ressources financières et obligées d’en trouver pour leur fonctionnement, ces 19 mairies d’arrondissement ont dû recourir à l’installation de marchés et de cantines à travers tout le périmètre de leurs communes respectives pour espérer renflouer leurs caisses. Ce qui aura bien sûr comme conséquence, l’occupation anarchique qui règne depuis lors à Dakar.

De la même manière que la réforme de 1996, la suppression de la Ville de Dakar, qui ne repose que sur des considérations tout aussi politiciennes, sera aussi lourde de conséquences pour notre capitale. C’est pour cette raison que j’en appelle à une forte mobilisation pour rejeter cette éventuelle dissolution à la fois très hypothétique et dangereuse pour l’avenir de la ville de Dakar.

Cette intention du gouvernement doit être d’autant plus combattue qu’elle cache mal un autre calcul politique. L’actuel régime veut en effet éviter par tous les moyens la défaite à Dakar et dans d’autres grandes villes lors des prochaines élections locales. Un scénario catastrophe qui ne serait pas de bon augure pour 2024 et qu’il lui faut donc empêcher à tout prix pour ne pas connaître le même cas de figure que celui du Pds à l’issue des locales de mars 2009.

Pour rappel, après avoir perdu le contrôle de grandes villes comme Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès, la coalition Sopi n’a jamais réussi à se relever de ces défaites symboliques et retentissantes jusqu’à la perte du pouvoir en 2012. Il est évident que le régime de Macky Sall, à travers cette dissolution, tient à ne pas connaître la même déconvenue lors des prochaines élections locales pour ne pas aborder le cap de 2024 en mauvaise posture.

Or, plutôt que de se focaliser sur ses calculs politiciens, ce régime doit enfin comprendre que le véritable enjeu est d’aider les collectivités locales à asseoir leur santé financière.

A ce propos, je réaffirme la proposition que j’avais formulée il y a quelques années, à savoir la création d’une Direction des Impôts Locaux au niveau des Impôts et Domaines. Il est en effet établi que ce service se déploie davantage pour la collecte des impôts destinés à l’Etat et beaucoup moins pour le recouvrement de ceux devant aller aux collectivités locales.

Ce dysfonctionnement très préjudiciable aux Collectivités locales peut toutefois être réglé de manière définitive avec la création d’une Direction des Impôts Locaux dont l’action sera uniquement orientée vers la collecte des impôts destinés aux collectivités locales.

Je tiens d’ailleurs à souligner qu’à la suite de ma proposition relative à la création d’une Direction des impôts locaux, une étude réalisée par le CRDI sur les ressources financières des collectivités locales aboutira à la même recommandation.

Mieux, c’est dans cette perspective que j’avais tenu à créer, pendant  mon magistère à la Ville de Dakar, un nouveau service composé d’une soixantaine d’agents dont dix informaticiens. Doté d’un matériel informatique de pointe pour booster les recettes de la Mairie, ce service dont les résultats s’étaient vite révélés très probants, a été déployé depuis à la Direction générale des impôts et domaines (DGID). Naturellement, il aurait pu servir de noyau à une Direction des Impôts Locaux dont la création me parait absolument nécessaire. Le cas échéant, son activité pourrait d’abord être expérimentée à Dakar, avant d’être étendue aux autres collectivités locales en fonction des résultats.

J’ose espérer que cette proposition sera prise en compte dans le lancement de la phase II de l’Acte 3 que tous les acteurs de la décentralisation attendent désespérément pour un règlement définitif de la question des ressources financières.

C’est sur ce terrain-là qu’on attend l’action du gouvernement, et non sur celui de la politique politicienne.

Pape DIOP, Ancien Maire de Dakar, Président de la Convergence Libérale et Démocratique/ Bokk Gis Gis


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