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[ CONTRIBUTION ] DEBAT SUR LA GESTION DE L’ACTION REVENDICATIVE ET DU PROCESSUS DE REUNIFICATION DU MOUVEMENT SYNDICAL

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[ CONTRIBUTION ] DEBAT SUR LA GESTION DE L’ACTION REVENDICATIVE ET DU PROCESSUS DE REUNIFICATION DU MOUVEMENT SYNDICAL
Un impératif au regard des graves menaces qui pèsent sur l’intégrité sociale du travailleur

« C’est sur la base de notre propre initiative que le mouvement ouvrier s’est réunifié et s’est renforcé, c’est la meilleure preuve de notre indépendance vis-à-vis de nos différentes appartenances politiques, car il n’est nullement interdit à un citoyen fut il un syndicaliste d’avoir des convictions politiques et choisir un cadre pour la réalisation de ses convictions. »  

Ces mots sont tirés de conclusion de l’intéressante contribution de Cheikh DIOP, secrétaire général de la CNTS/FC, parue dans la presse il y’a quelques jours, sur la gestion de l’action revendicative et du processus de réunification du mouvement syndical sénégalais. Ils campent parfaitement la posture qui doit être celle du syndicaliste engagé résolument dans la défense des intérêts des travailleurs, au-delà des considérations de toute autre nature ou d’une quelconque affiliation à un groupe de pression ou, osons le dire, à une formation politique.     

En abordant la question sous un angle qui n’exclut pas, loin s’en faut, un certain regard inquisiteur sur la supposée prégnance des états-majors politiques dans les décisions formulées ou mises en avant, lors de certains conflits avec l’Etat ou les organisations patronales, il nous semble en effet juste de clarifier ces rapports, au préalable, pour éviter des interprétations ou des allusions inopportunes.  

Quand il s’agit de lutter pour des droits intangibles comme celui d’assurer à l’employé de meilleures conditions de travail et d’existence dans un cadre sain et propice au mieux-être, seuls une parfaite convergence de vues, et des objectifs clairement définis, en dehors de toute considération partisane, peuvent permettre de parvenir aux résultats escomptés. Pour le bénéfice de tous.  

Avec l'émiettement du syndicalisme constaté, fort justement, par le SG de la CNTS /FC, il se pose donc le débat sur l'urgence d’un rassemblement, pour dit-il « l’émergence d’un leadership issu de notre unité ». Ce constat est réel et pertinent. Faut-il le rappeler, il s’est posé en France, il y a quelques années, pratiquement dans les mêmes conditions. Nous ne ferons pas l’économie d’un petit rappel historique pour analyser la situation que nous vivons à l’heure actuelle. Chez Sarkozy comme ici, les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Jugez-en vous-même !   

Après l'élection de François Mitterrand, en 1981, la désunion était totale dans le mouvement syndical français. Les principales centrales évoluaient chacune selon ses convictions. La CGT (confédération générale des travailleurs) demeurait toujours la seule force de proposition et d'entraînement des luttes, alors que la CFDT (Confédération française démocratique du travail) prônait le "réalisme social", FO (Forces ouvrières) "l'indépendance", et la CGC (Confédération générale des cadres) "le corporatisme".  

En face de ces mastodontes, on trouve le Groupe des 10 constitué de syndicats autonomes. A partir de 1986, la CFDT tentera une recomposition syndicale avec la FEN, qui elle-même cherchait à mettre en place un axe réformiste avec FO et la FGAF. En 1991, les accords CFDT - FEN ne rallient pas FO, la CGC ni la CFTC. Certaines composantes du groupe des 10 rejoignent la FEN en 1992. Le seul objectif apparent de ces différentes recompositions "ratées" étant la marginalisation de la CGT. Avec l’éclatement de la FEN en 1992, on assistera à la création de la FSU (Fédération Nationale Unitaire).  

En 1993, malgré la constitution de l'UNSA à partir des syndicats demeurés à la FEN, la FGAF, la FMC, la FGSOA et la FAT, la CGT poursuivit son travail unitaire. Même si en 1995, FO, SUD, FSU et des militants CFDT se mobilisent avec la CGT contre les projets du gouvernement français remettant en cause les retraites, l'éparpillement se poursuit. L'UNSA, reconnue représentative, et le groupe des 10 tentent de se structurer. FO et CFDT connaissent des divergences internes importantes. C’est dans ce contexte là que la CGT a lancé l'idée du "syndicalisme rassemblé".  

Certes, le Sénégal n’est pas la France, et l’environnement des centrales syndicales comme les stratégies de lutte différent, comme également les ressources et les moyens de pression mis en avant pour représenter dignement la classe ouvrière, il n’en demeure pas moins que les mêmes facteurs qui ont été à la base de la dispersion des forces syndicales portent les mêmes stigmates.  

Là-bas comme sous nos cieux soumis à la tyrannie des injonctions des bailleurs de fonds très peu soucieux du fait social, le combat reste le même : c’est celui de la lutte pour davantage d’acquis sociaux pour ceux qui amènent la richesse, au prix d’un abandon de soi et d’un engagement total. La révision annoncée, puis démentie en haut lieu, des articles L 42 et L 47 du code du travail, relatifs à la limitation des contrats à durée déterminée et à l’indemnisation de fin de CDD à titre de complément de salaire, en constitue le meilleur exemple.  

Face à ce genre de menaces, les centrales syndicales doivent assumer pleinement leur rôle de sentinelle et de veille, Cheikh Diop l’a relevé, mais dans une véritable unité d’action. "Aujourd'hui, nous dit Evelyne Perrin, alors que le salariat est plus hégémonique que jamais parmi les actifs, et bien que les statuts précaires d'emploi soient encore minoritaire en termes de stocks, l'insécurité et l'instabilité de l'emploi se généralisent. Les CDD et les emplois en intérim deviennent la norme d'entrée sur le marché du travail, débouchant de plus en plus difficilement sur l'emploi stable. Parallèlement, la faiblesse et la division syndicales sont sans précédent et fragilisent la défense des travailleurs..." (*)

 

Il s’agit donc, à mon humble avis, dans le sillage des pistes ouvertes par le syndicaliste Cheikh Diop dont l’engagement pour l’unité syndicale ne souffre d’aucune forme de contestation, d’explorer, à défaut de trouver rapidement les voies de « retrouvailles consensuelles » de toutes les centrales syndicales autour d’un projet commun, d’opter pour soit, l’option de « syndicalisme rassemblé » ou soit celle de « syndicalisme réuni ».  

En attendant le grand Soir qui décrétera, enfin, l’avènement du « syndicalisme unifié », qui consacrera aussi, du coup, la disparition des forces éparpillées au bon vouloir et à la merci d’un patronat jaloux de ses prérogatives et décidé à imposer un rapport de forces toujours à son avantage.

 

Cette initiative donc du SG de la CNTS/FC d’engager le débat autour du processus de réunification du mouvement syndical intervient au moment opportun. La récente mobilisation des travailleurs, en ordres dispersés, à l’occasion du 1er mai dernier ne traduit pas, en réalité, le besoin et la nécessité d’aller rapidement vers l’unité d’action syndicale pour une prise en compte efficiente des revendications.     

Mais, il faudra sans doute, au préalable, répondre à certaines interpellations sur cette unité syndicale. Est-elle opportune ? Sera-t-elle efficace ? Avant d'en débattre, ne faut-il pas s'interroger sur le principe même ?

L'unité syndicale ne peut se concevoir en dehors d'une rupture définitive et clairement formulée avec les appareils politiques et/ou syndicaux qui, de tout temps, ont colonisé et en partie dénaturé, dès le départ, le sens même des luttes menées par les centrales originelles, comme c’est le cas de la CGT en France ou de la CNTS au Sénégal, à l’époque de la « participation responsable ». L'unité syndicale doit exprimer l'unité spontanée de la classe ouvrière. Ainsi, l’adhésion syndicale ne doit donc dépendre ni d'une doctrine ni d'un programme, mais seulement de la situation réelle des travailleurs au sein de l’entreprise et de la volonté de ces travailleurs de défendre leurs intérêts par leur propre mobilisation.

L’unité syndicale, le levier déterminant du rapport de forces

Au Sénégal, il arrive parfois que les centrales syndicales mènent ensemble des actions face au renchérissement du coût de la vie qui a déjà mobilisé plusieurs milliers de travailleurs. Mais, en butte aux mêmes travers, l’unité syndicale qui est souvent de façade ne peut empêcher un essoufflement de la dynamique que les centrales et syndicats regroupés selon les affinités ont construite, souvent dans la douleur et le renoncement à certains principes.  

On compte un grand nombre de syndicats et de centrales syndicales intervenant sur le terrain interprofessionnel. Toutefois, force est de reconnaître que l’audience des syndicats dépasse largement la réalité de leurs forces organisées. Dans ce contexte là, l’unité s’impose comme un levier déterminant dans la construction du rapport de forces. En France, depuis 2003, date où la défection de la CFDT a irrémédiablement brisé l’élan du mouvement contre la réforme des retraites, l’unité est devenue un sujet de débat permanent au sein du mouvement syndical. Nous l’avons déjà évoqué. La CGT a mis en avant la notion de « syndicalisme rassemblé », faisant de la question unitaire une priorité en toutes circonstances, quand la CFDT théorisait un fonctionnement au coup par coup, en fonction d’objectifs.  

Mais en France comme au Sénégal, l’unité syndicale se constitue toujours autour d’un mot d’ordre unique, défensif. Une fois le but atteint, l’attelage de circonstance se disloque. Il en est ainsi du mouvement victorieux, en 2006, contre le contrat dit de première embauche, en France, conjonction d’une puissante mobilisation de la jeunesse et d’une unité syndicale solide, qui ne survécut pas à la lutte menée et gagnée contre le contrat précaire.  

Pourtant, les raisons de parachever l’unité syndicale et d’initier une gestion concertée des revendications s’imposent à tous. Les syndicats ont la même analyse de l’évolution actuelle : la crise économique va engendrer une grave crise sociale dont les travailleurs vont faire les frais, alors qu’ils ne sont en rien responsables de la situation. Face à l’ampleur du désastre qui s’annonce, la capacité à agir de concert est mise à l’épreuve. Seul le ferment unitaire mobilise.  

Certains peuvent d’ailleurs penser que l’unité d’action peut être, parfois, contre-productive, alors que d’autres franchissent le pas, et ce quelle que soit leur appartenance syndicale. Cependant, le débat se pose moins en termes de formes d’action qu’autour d’une stratégie à construire pour une véritable unité syndicale.  

Mais le débat que pose le SG de la CNTS/FC est d’actualité et ne doit pas être esquivé. Il revient à tous les acteurs du mouvement syndical de s’y impliquer, en laissant de côté les querelles de préséance et les considérations politiques. L’unité syndicale requiert un engagement résolu et sans calcul.     

Par Karim DIAKHATE

Directeur des Rédactions

La Dépêche Diplomatique Afrique

<69>[email protected]

 
 

(*) Evelyne Perrin - Nouvelles luttes de classes - 2006, page 133


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