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Chronique

Réseaux sociaux, le « campus proelii » des Sénégalais

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Réseaux sociaux, le « campus proelii » des Sénégalais

Au Sénégal, tout semble aller vite. Oui, on est à l’ère du digital ! Le temps de grâce accordé au tandem Diomaye-Sonko plébiscité, le 24 mars dernier, est-il arrivé à terme ? Tout porte à le croire, vu l’évolution du débat public autour de l’homosexualité. Le sujet est remis sur la table à la suite des propos jugés « complaisants » du Premier ministre Ousmane Sonko qui recevait l’opposant de gauche radicale française Jean-Luc Mélenchon.

Saisissant la balle au bond, la nouvelle opposition s’est réveillée pour apporter son soutien à l’activiste républicain Bah Diakhaté arrêté, en même temps que le prêcheur Cheikh Tidiane Ndao, pour « diffusion de fausses nouvelles » et « offense » à l’encontre du chef du gouvernement.

« Accepter que Bah Diakhaté soit dans les liens de la détention, c’est abdiquer, c’est ouvrir la voie à l’arbitraire et à toutes les forfaitures », menace l’Apr, qui annonce même une « grande mobilisation » afin de « barrer la route aux fossoyeurs des libertés et de la démocratie ». Bis repetita donc ! Le « gatsa-gatsa », cette stratégie visiblement payante pour les nouvelles autorités, sera sans nul doute adoptée par les alliés de Macky Sall. Au grand dam du pays et de ses 18 millions de citoyens qui ne réclament que de meilleures conditions de vie.

La roue tourne. Le feu couve. Et ce, à cause des accusations graves à l’encontre de hautes autorités du pays sur une question aussi délicate et sensible que l’homosexualité.

Rétorquant à son hôte, Jean-Luc Mélenchon, le leader de Pastef déclare que « la question Lgbtq risque d’être le prochain casus belli entre le monde occidental et le reste du globe ». Mais chez nous, les réseaux sociaux sont, depuis quelques années, le « campus proelii » (champ de bataille) des compatriotes sénégalais. En effet, comment ne pas s’émouvoir face aux discours incendiaires qui se propagent à travers les médias sociaux, des paroles qui n’honorent pas notre pays qui a toujours été cité comme modèle de gestion constructive de la diversité. L’esprit d’ouverture, de tolérance et mieux encore le respect de l’autre dans sa différence sont jusqu’ici la marque de notre génie. C’est ce génie qui nous a assuré la stabilité et la cohésion tant vantées.

Mieux encore, le respect du droit à la liberté d’expression ne peut être invoqué pour justifier sa jouissance par des propos diffamatoires qui portent atteinte à la vie privée, à la réputation et à l’honneur d’une personne. En effet, les normes internationales et la législation nationale comportent des dispositions claires qui, d’une part, garantissent la liberté d’expression, et d’autre part, la limitent.

 

« Cancer des sociétés modernes »

 

Mais le constat est ahurissant. Déjà passablement embourbés dans des crises multiples et multiformes dont les causes structurelles mériteraient une approche plus rigoureuse pour fonder un consensus fort sur les voies et les moyens de les juguler, les pays africains, et plus particulièrement notre Sénégal, sont livrés au cannibalisme des réseaux dits sociaux. Au vu des dégâts considérables que les nouveaux outils de diffusion de la parole commencent à causer sur les équilibres sociaux ancestraux de notre nation, il est impératif de refuser la fatalité et de rebâtir des digues, inexpugnables, pour protéger le cœur de notre « commun vouloir de vivre ensemble », a alerté Amadou Tidiane Wane, ancien ministre de la Culture sous Wade.

En tout état de cause, comme il l’avait fait constater d’ailleurs, les outrances verbales, commises naguère sous le sceau de l’anonymat, osent désormais s’afficher, en direct et à l’image, et veulent s’incruster dans la normalité. Aucun secteur n’est épargné. Du profane au sacré !  Aucune personnalité politique, religieuse ou coutumière, quel que soit son âge et son honorabilité, n’est plus à l’abri d’agressions verbales de bas étage venant de personnages inconnus au Panthéon des bâtisseurs du Sénégal. À quelque échelon que ce soit. Le fait nouveau étant que certains de ces « illuminés » vont jusqu’à s’attaquer aux croyances les plus sacrées des différentes composantes de notre nation.

Malheureusement, modérer du contenu en ligne, ce n’est pas une tâche facile. Cela nécessite de maîtriser le contexte culturel, politique et linguistique et d’avoir également des sources fiables sur le terrain pour distinguer ce qui est, ou non, du contenu nuisible.

« Cancer des sociétés modernes » et « peste mondiale » : en plein débat international sur le projet d’Elon Musk de « débrider » Twitter, le loquace Macky Sall ne dépeint pas les réseaux sociaux avec le dos de la cuillère. Devant des organisations syndicales, le 3 mai 2022, le président sénégalais a annoncé vouloir contrer les dérives d’Internet dans le but de sauvegarder l’intérêt national et la dignité des personnes. « Aucune société organisée ne peut accepter ce qui se passe aujourd’hui chez nous. Nous allons y mettre un terme d’une façon ou d’une autre », avait ainsi martelé le chef de l’État d’alors, non sans préciser que la régulation tiendrait compte des conclusions des récentes Assises de la presse.

Cette même rengaine ou au moins complainte est revenue dans son discours prononcé lors de l’ouverture du Forum sur la paix et la sécurité, en octobre 2022. Ce jour-là, l’ex- Président dénonçait les dérives du numérique. A ses yeux, cela constitue « l’une des menaces les plus sérieuses à la paix et à la sécurité de nos pays et est d’autant plus difficile à combattre qu’elles sont multiformes ».

« La cybercriminalité classique, s’ajoute aujourd’hui la frénésie quotidienne de réseaux sociaux devenus une fabrique massive de fake-news et de manipulations », a-t-il déploré, regrettant que le « monde réel [soit] à la merci d’un monde virtuel qui répand à haut débit la tromperie, le populisme, le radicalisme, la haine et la violence. Autant de pratiques qui ne peuvent relever de la liberté d’opinion ou d’expression ». Pour lui, « droit et liberté vont de pair avec responsabilité (…) ils ne donnent pas licence d’attenter à la liberté, au droit et à la dignité d’autrui ou saper la cohésion sociale et la stabilité institutionnelle d’un pays ».

« Il est temps de réglementer les réseaux sociaux », indiquait Macky Sall, en précisant, par ailleurs, qu’il ne s’agit pas « remettre en cause quelque liberté que ce soit, mais de limiter les abus qui sont des facteurs de promotion de la violence et de la haine dans nos pays ». Mais comment limiter ces abus ?

Pourtant, que de possibilités s’offrent à nous pour résorber plusieurs gaps dans tous les secteurs de l’activité humaine grâce aux nouvelles technologies. Un des intérêts des réseaux sociaux est leur utilité en termes de veille démocratique et citoyenne : Plusieurs exactions commises, notamment par des services « d’ordre » ont pu être portées à l’attention des autorités et des organisations en charge du respect des droits humains.

C’est également un secret de polichinelle que d’affirmer que l’avènement du web 2.0 a en quelque sorte chamboulé la politique sénégalaise. Les acteurs adoptent ces nouvelles approches pour informer et communiquer afin de conserver la relation avec leurs publics et les citoyens. Étant aujourd’hui de nouveaux moyens de dire et de faire, les réseaux sociaux, particulièrement Facebook, reste incontournable dans le domaine de la communication de proximité auprès des citoyens.

 

Du cyberespace à l’espace public

 

Dans une excellente contribution, Bilal Doucouré et Lassana Ndiaye, Maîtres en SIC (Sciences de l’information et de la communication), nous rappellent que sur le digital, l’heure n’est plus à la phraséologie incantatoire comme nous avons l’habitude de le voir dans l’espace public sénégalais. Les héritiers du pouvoir actuel doivent leur réussite à la parfaite compréhension de cette nouvelle façon de dire et de convaincre sur Internet. En effet, l’usage fréquent des concepts mobilisateurs sur les « lives » (directs) et autres publications révèle le choix d’un discours orienté sur le pathos. La contagion émotionnelle brouille en réalité notre faculté critique. En suscitant la peur et l’inquiétude, les Sénégalais se sont majoritairement préoccupés à suivre les épisodes Sonko-Macky jusqu’à s’approprier du « Projet ». De plus, les réseaux sociaux et les algorithmes sont programmés pour ces genres de contenus et d’activités facilitant ainsi la propagande politique. D’ailleurs, le premier constat non-négligeable dont devrait s’inspirer désormais tout acteur politique est le fait d’avoir le contrôle dans ses prises de parole sur les plateformes digitales.

Autrement dit, pour être écouté et réussir à mobiliser sur le digital, il faudra adapter son discours et ses actions selon les contextes, les réalités socio-politiques et économiques de son époque. De surcroît, les stratégies et l’organisation mobilisées (riposte-party) par le parti Pastef après chaque publication et durant les directs de ses leaders prouvent à suffisance la pertinence du modèle.

Enfin, l’usage du réseau social pour propager son message du cyberespace à l’espace public a réellement pris son envol au Sénégal. Personne n’a mieux réussi une telle performance avec une telle originalité qu'Ousmane Sonko, selon les deux experts.

 

Malgré ces nombreuses dimensions positives et utiles des médias sociaux, la médiocrité ambiante et les dérives semblent prendre le dessus. En tout état de cause, passer son temps à se distraire sur Internet, c’est passer à côté de tout ce qu’il peut offrir !




2 Commentaires

  1. Auteur

    il y a 3 semaines (11:23 AM)
    J'espère vraiment que le nouveau régime prendra des mesures fortes contre les insanités sur les réseaux sociaux. J'espère vraiment et vivement qu'ils vont les restreindre. Macky Sall n'a pas osé le faire mais j'ose espérer que Diomaye osera. La plus grande menace de notre stabilité c'est l'usage qu'on fait des réseaux sociaux. Sur facebook, sur youtube, twitter, on insulte comme pas possible. Ça ne peut plus continuer ainsi. Les sénégalais surtout de la diaspora sont devenus tellement indisciplinés qu'il faudra des sanctions fortes pour les rééduquer. La première personne qu'il faudra arrêter s'appelle Mollah Morgun et je comprends bien pourquoi il n'ose pas revenir au pays. 
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  2. Auteur

    Amadou Ba

    il y a 3 semaines (11:30 AM)
    celui qui a écrit cet article est surement un homo mais sache que ce phénomène n'est ni toléré ni accepté au sénégal , vous n'êtes que des déchets humaines .

     
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    • Auteur

      Reply_author

      il y a 3 semaines (12:18 PM)
      AMADOU BA, apparemment c'est toi le pédé ou bien tu n'as pas compris ce que dit l'auteur de l'article. 
       
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