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Chronique

Le ministère du culot

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Le ministère du culot
« Un dictateur n’est qu’une fiction.  
Son pouvoir se dissémine en réalité  
entre de nombreux sous-dictateurs  
anonymes et irresponsables dont la tyrannie  
et la corruption deviennent bientôt insupportables »
Gustave LE BON

Il y a une chose qui choque plus que les propos d’Abdoulaye Wade. C’est son refus d’admettre son forfait et l’obstination avec laquelle il soutient que ses propos ont été tronqués. C’eût été la première étape vers sa guérison, l’admission de sa propre faute. Le cardinal Adrien Sarr, qui lui a parlé la veille et le matin-même du 31 décembre, lui a répété à satiété que les journalistes n’étaient en rien fautifs, qu’il a écouté la bande audio à partir de sources diverses et qu’avec ses collaborateurs, il en était arrivé à la conclusion que oui, le président de la République a blessé, il a humilié. C’était sans compter avec la détermination d’Abdoulaye Wade. C’est sa foi contre celle du Cardinal ; sa vérité contre celle de douze millions de Sénégalais.  
Nous attendions le mot « pardon », et c’est pourquoi nous n’avons rien retenu de son discours de fin d’année. Plus nous attendions, plus nous le trouvions long, tentant de dépeindre avec ses propres mots, son paradis artificiel. Au bout de six heures d’intenses enregistrements, c’est le meilleur qu’il a trouvé à nous servir : une heure au bout de laquelle il a concédé des « regrets » précédés d’un « si », sans céder sur l’essentiel : il est revenu à son obsession originelle et le mot que Monseigneur Sarr voulait entendre, il ne le prononcera jamais. S’il avait fait son mea culpa à l’entame de son discours, il aurait mis fin à la polémique et concentré les téléspectateurs sur l’essentiel. On aurait dit ah, le voilà donc revenu parmi les mortels, il reconnait sa faute. Mais c’est mal connaître Abdoulaye Wade. Il se prend pour Dieu, et Dieu ne se trompe pas.  
Ce qui nous sépare de la folie, ce n’est pas la gravité de nos actes. C’est la conscience que nous en avons, cette idée que, pris sous l’angle de la morale, ils sont répréhensibles et que nous ne devons pas les répéter. Cette décence de l’esprit a quitté le président de la République, qui vogue comme un fou gyrophare dans ce Dakar obscur, allant de catastrophe en catastrophe.  
Mais ce qui est encore plus affligeant, c’est que non content de se dérober à sa propre conscience, Abdoulaye Wade accable injustement celle des autres. Ce sont les journalistes les éternels coupables. Quand il soulève son pied nickelé de la nasse d’un filet, il l’enfile dans un autre. Au point que si ses pratiques n’étaient pas empreintes de la gravité liée à son statut, cet homme m’inspirerait de la pitié plus que tout autre sentiment. A l’âge qu’il a, continuer à entretenir des relations aussi tendues avec la vérité relève de la malédiction.  
Il était évident qu’en réélisant cet homme qui montrait des signes précoces de sénilité, nous nous sommes livrés à sa caste de mafieux, sa famille au premier chef. C’est elle qui mène la barque Sénégal à la dérive. Je le constate avec une grande tristesse, mais par un retournement effrayant, toutes les institutions du pays se sont affaissées pour laisser debout Farba Senghor, Viviane Wade et ses deux enfants. Quand il a fallu demander pardon à l’Eglise, c’est Karim Wade qui l’a fait. Quand il a fallu renvoyer sans ménagement le superviseur du « monument de la renaissance », c’est Viviane Wade qui l’a fait. Quand il a fallu insulter le clergé, le vigoureux Farba Senghor s’en est chargé. Ce sentiment est renforcé par le fait que celui que nous avons élu pour occuper le palais de la République trouve tous les prétextes possibles pour voyager. Il ambitionnait d’offrir à l’Afrique le symbole de son unité, il est devenu un facteur de division dans son propre pays.
Nous avions, à la veille de la présidentielle, mis en garde contre l’erreur qui consistait à donner un second mandat à un homme qui montrait déjà des signes précoces de sénilité. L’aveuglement pécuniaire de quelques concitoyens et la machine informatique du ministère de l’Intérieur a eu raison de notre détermination, mais l’histoire nous a donné raison. Ce qui nous a surtout manqué dans ce combat, c’est la lumière de ceux qui constituaient jusqu’ici la conscience morale de ce pays. Ils ont laissé faire, peut-être en sous-estimant le danger. Les imams de Guédiawaye ont certes été pour nous ce que Serigne Abdoul Aziz Dabakh était à lui tout seul, un contre-pouvoir et un objecteur de conscience. Mais il a manqué à ce pays des voix plus autorisées pour dire la vérité à Abdoulaye Wade. Elles ont abandonné le combat d’avant-garde pour la démocratie et la Justice sociale à des marabouts charlatans qui monnaient la parole de Dieu contre les pécules d’Abdoulaye Wade.  
S’il y a une chose que j’ai retenu du brillant article de Mansour Sy Jamil, c’est bien d’avoir rappelé que le combat pour la  Démocratie et la Justice sociale est au cœur de la doctrine islamique. Il reprend la réflexion entamée par Serigne Mbaye Sy Mansour, en la menant au bout de sa logique, le départ d’Abdoulaye Wade, nécessaire à notre survie en tant que Nation. J’ai eu des frissons en franchissant chaque ligne de son texte, tellement il est empreint de vérité et de générosité. Ce qui donne toute sa pertinence à son sujet,  c’est que cet intellectuel resté méconnu au Sénégal parcourt le monde entier pour prêcher le dialogue interreligieux. A la fin, une seule question vous préoccupe : comment le Sénégal peut-il avoir des fils aussi valeureux et tomber aussi bas ? C’est parce que le clergé religieux dans son ensemble a vécu avec cette fausse idée qu’elle vivait dans un sanctuaire qu’Abdoulaye Wade ne serait jamais tenté de prendre. Alors que cet homme a perdu toute capacité de discernement. Rien ne doit faire obstacle à sa mégalomanie.
Sa dernière charge a fait trembler sur ses bases chancelantes cette jeune République.
Mais il y a un motif de satisfaction, pour nous tous qui sommes pris par le découragement. Après dix années de manœuvres incessantes pour nous diviser, Abdoulaye Wade a réussi la prouesse d’unir les Sénégalais au-delà des partis et des religions. Grâce à lui et sans doute contre lui, Joseph Ndong et Ousmane Tanor Dieng, le Cardinal Adrien Sarr et Serigne Mansour Sy Jamil parlent d’une même voix. Au point que s’il disparaissait aujourd’hui, les mercenaires qui le soutiennent dans ses basses-œuvres seraient les premiers à dire : merci de nous avoir débarrassés de ce fripon, nous en étions tout embarrassés.
De nombreuses personnes ont évoqué la nécessité d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition, mais elles se trompent de sujet. Il s’agit d’un problème entre Abdoulaye Wade et tout le pays. Le problème ne vient pas du pouvoir, il vient d’un seul homme, Abdoulaye Wade, qui menace la cohésion de tout un pays. Serigne Mansour Sy et Serigne Bara Mbacké doivent, dans l’intérêt supérieur de la Nation sénégalaise et pour ce qu’ils représentent dans ce pays, lui demander de partir. Ce n’est pas un service qu’il rend au pays, c’est un service que le pays veut lui rendre. Nous ne pouvons plus rester les bras croisés, en espérant que sa mort nous sauve du pire.
Son entêtement ne donnera rien de bon, puisqu’en dehors de quelques groupuscules accrochés à leurs privilèges, plus personne ne le soutient. La nomination d’un ministre du Culte à l’insu de son Premier ministre ne fait que confirmer sa déchéance mentale. Quand on ajoute aux membres du gouvernement les nombres ministres conseillers, nous arrivons à un total de 121 ministres.  
Ce qui rend cette fin fatalement tragique, c’est que Viviane Wade et ses enfants ne veulent plus s’imaginer en dehors du pouvoir et s’accrochent à tout. Alors qu’il ne vient à l’esprit d’aucun homme sensé de se laisser gouverner par elle ou par son fils. Et ce qu’Abdoulaye Wade et sa fratrie n’ont pas obtenu par le doux consentement des sénégalais, ils veulent l’imposer par la force. Sa dernière tentative est d’une exécrable ignominie. Il fait don des terres appartenant au domaine national à son complice, force les retraités à les racheter à plusieurs dizaines de milliards, se fait construire un monument à sa gloire avec une partie de cet argent volé et veut obliger tous les chefs religieux de ce pays à non seulement se rendre à son inauguration, mais à bénir publiquement sa statue. Tous ceux qui refusent  cette frivolité à son égo sont injuriés et humiliés. C’est d’un culot épatant. Mais il y a une limite à tout et il vient de la dépasser.
SJD
 


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