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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Divine tentation

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Divine tentation

« On ne modifie pas la société par décret »
Jacques CHIRAC



Il y a une divine tentation à vouloir boycotter les prochaines élections législatives. C’est le meilleur moyen, après une rude défaite, de forcer l’ennemi au Cessez-le-feu, et de perdre sans s’avouer vaincu. Mais on ne le fait pas en début de mandat.
Le boycott est un puissant antalgique contre notre mal électoral, mais il ne nous guérira pas du Wadisme. Nous n’en guérirons pas très vite. C’est le pays du choléra et des inondations qui a plébiscité Wade, et il est malheureusement en grande expansion. C’est lui qui a réélu son président, et c’est, chose paradoxale, sur lui que l’opposition compte réaliser ce qu’elle appelle « le boycott actif » des législatives. Elle ne verra personne dans les rues. C’est une fausse idée de croire qu’Abdoulaye Wade n’a pas gagné la présidentielle. Il ne l’a pas seulement gagnée dans les urnes, il l’a gagnée dans les têtes. C’est ce fort « Knock-down » qui nous engourdit les jambes et nous empêche de réfléchir à cette défaite. Même ses adversaires à terre, il a continué à les harceler et à les rouer de coups. C’est ce qu’il appelle dans son jargon à lui, « maintenir la pression sur l’adversaire ». Eh bien, cette pression risque de durer très longtemps, puisque « même grabataire », notre président présidera quand même, et notre opposition devra apprendre à s’opposer.
Non, pour réaliser une unité de combat, il faut avoir une unité d’objectif. L’opposition n’en a pas. Certains d’entre eux (nos opposants) ne souhaitent qu’une chose, être appelés dans un futur « gouvernement d’union nationale » pour payer leurs dettes. Landing Savané l’a déjà exprimé clairement. J’ai trouvé indécent qu’après avoir combattu Abdoulaye Wade, travaillé à sa défaite, il soit le premier à parler de gouvernement d’Union nationale. Le « folliste » reconverti expliquait son maintien au gouvernement par sa participation à l’élection de Wade en 2000. Il nous a bien parlé de la fin de ce compagnonnage, pour expliquer son départ du gouvernement. Qu’il veuille embrayer sur l’idée d’un gouvernement d’union nationale, après le score électoral qu’il a obtenu est quelque peu bizarre. Non. Wade est plus cynique que ça. Il va diviser son parti, débaucher ses cadres un à un, et d’Ajmrdn devenu Ajpads, à moins que la Croix-Rouge vienne à son secours, il ne restera que quelques soixante-huitards amochés. Idrissa Seck a déjà présenté ses félicitations officielles, et Moustapha Niasse s’est déjà excusé auprès du « peuple » sénégalais d’avoir « polémiqué » avec Wade. Ousmane Tanor Dieng et Abdoulaye Bathily auront beaucoup de mal à se faire entendre. Ils seront rejoints par Amath Dansokho, mais le reste de la troupe est fatiguée de combattre. C’est ce qui rend confortable cette idée de boycott. C’est une réddition qui ne dit pas son nom.

Nos opposants ont raté les véritables occasions de mobiliser la rue. C’est quand Abdoulaye Wade a augmenté le nombre de députés ; c’est quand il a donné aux députés des terrains viabilisés et des véhicules tout terrain ; c’est quand il a décidé de prolonger le mandat des députés ; c’est quand il a décidé de leur offrir leurs voitures à la fin de leur mandat ; c’est quand il a soumis les Ics et la Sénélec au pillage systématique de ses proches . Il y avait de bonnes raisons de se rebeller. Mais certains ont vite fait leurs calculs, et se sont dit « au fond, ça ne nous arrange pas de partir ». Et les états-majors des partis ont fait face à des frondes intérieures de leurs députés, qui leur disaient « mais nous allons perdre nos terrains, mais nous n’avons pas encore payé nos dettes ». Observez bien les responsables de l’opposition post-alternance. Ils ont tous obtenu un terrain aux Almadies sans sortir un seul sou. C’est ce qu’ils appellent « les poches laissées par le Parti socialiste ».
Nous parlons souvent de la corruption du commandement territorial, de la Magistrature. Nous oublions que Wade a commencé par les «élèves » de sa classe politique. Ils sont tous passés chez le commandant Cissokho prendre une enveloppe, en oubliant les plus pauvres les avaient élus.
Il y a une césure entre « le peuple » et sa classe politique, qu’il ne faudrait pas seulement imputer aux populations ou à leur « inculture ». En réalité, nous nous sommes retrouvés, en ce moment de notre histoire, avec des dirigeants qui ne savent pas diriger, et une opposition qui ne sait pas s’opposer.
C’est ce qui va faire de ces cinq prochaines années les années les plus ennuyeuses de notre histoire politique. Nous opérons une rupture générationnelle semblable à celle du début des années 80, quand de nombreux opposants à Senghor ont quitté la scène, pour laisser Abdoulaye Wade en roue libre. Nous savons ce que cette errance a donné de bon. Vingt années de crises majeures et un long désenchantement des populations. Nous verrons une jeune génération de politiciens, pressée et mal préparée, et une vieille garde qui passera le plus clair de son temps au Val de Grâce.

On a dit, à tort, que les analystes politiques se sont trompés, mais non. Voyez bien tous les sondages. Wade et Idrissa Seck étaient partout au coude à coude. Ce qu’aucun analyste ne pouvait prévoir, ce sont les erreurs monumentales d’Idrissa Seck, qui ont fait basculer son électorat vers Wade. Il n’y a eu aucune magie, et l’idée d’une Ceni avant les prochaines législatives ne ferait que rajouter à la confusion. L’électorat a viré au mercantilisme libéral, et ce n’est pas en trois mois qu’il va changer d’avis.
C’est pourquoi, l’adversaire des sociaux-démocrates, comme ils se qualifient tous maintenant, ce n’est pas Abdoulaye Wade. L’horizon du président de la République, aussi lointain soit-il, ne peut pas dépasser les deux prochaines années. C’est Idrissa Seck et… Karim Wade. Si Wade ne renonce pas à son idée, son fils sera sur les prochaines listes, et l’opposition lui ferait un beau cadeau, en boycottant les élections. Il faudra compter avec ce libéral de sang, après la liquidation programmée d’Idrissa Seck. L’avenir risque de se jouer chez eux, à l’exclusion de la gauche traditionnelle, qui peine à prendre pied. C’est la seule chose juste dans l’énoncé de Mamadou Diop Decroix. Nous sommes tous des libéraux.



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