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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

A vos ordures, commandant !

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A vos ordures, commandant !

 

« Le diable, c’est l’ami qui ne
reste jamais jusqu’au bout »
Georges BERNANOS


Il y a deux semaines, deux brillants journalistes, Jacques Julliard et Jean Daniel, tous deux du Nouvel Observateur, ont pris une position courageuse, en appelant à voter contre Nicolas Sarkozy, pour Ségolène Royale. Là-bas, on s’est émancipé du complexe de l’objectivité journalistique, qui veut qu’on n’appelle pas un mal un mal. Prendre position quand la situation l’exige relève d’un impératif catégorique. Dans notre pays, une telle attitude aurait fait scandale. Dans l’euphorie de la victoire, les wadistes ont mêlé à leurs appels au meurtre analystes politiques et intellectuels, tous coupables d’avoir prédit la défaite de leur chef. C’est déjà un mal de le « souhaiter », un crime de le proclamer.
Nous sommes une des rares citadelles où on reconnaît aux militaires et aux policiers un droit qu’on ne reconnaît pas aux journalistes et aux intellectuels, celui de choisir. L’interpellation du président Mamadou Dia dans les colonnes du journal Le Quotidien du samedi 21 avril va au-delà. Nous sommes victimes de la censure, pendant qu’on se pose au sujet du président Wade les mêmes questions concernant La Pointe de Sangomar, jusqu’où est-il prêt à monter ?
Depuis bientôt 5 années, tous les livres critiques sur Abdoulaye Wade sont insidieusement interdits au Sénégal. Une brave dame, à qui un livre a été envoyé par La Poste au milieu du mois dernier, s’est faite dire par un agent de la Douane « je peux vous montrer la dédicace, mais les livres d’Abdoulatif Coulibaly et Souleymane Jules Diop sont interdits au Sénégal ». Cette logique absurde n’a jamais dérangé les intellectuels et universitaires qui avaient pourtant pris les devants au sein du Mouvement des intellectuels pour le changement et l’alternance (MICA) pour l’élection de Wade, contre Abdou Diouf. Combattre le régime de Diouf était un acte de noblesse, combattre celui de Wade une infamie coupable. Toute la horde de justiciers s’est transformée en un ordre qu’on appelle « la société du 25 février ». L’Assemblée nationale est à sa botte, la Magistrature dans sa manche. On y trouve tous ceux qui l’ont aidé à renverser la République, des universitaires en tout genre et même un rappeur venu prêter main forte, avant de se promener allègrement sur une jeune fille de 14 ans. C’est pour respecter l’esprit du père fondateur, capable d’embarquer dans un même avion Mame Bassine Niang et Pape Samba Mboup.
J’ai été honoré de la présence, lors de ma dernière conférence à Chicago, d’un éminent professeur qui a contribué à ma formation, le professeur Souleymane Bachir Diagne.  Ce monument du savoir, d’une discrétion remarquable, a voulu savoir si mon livre était interdit au Sénégal et pourquoi. Il n’a certainement rien à voir avec cet arbitraire qui nous gouverne tous, et qui nous administre un « prêt à penser ». Il a pris la direction de l’Amérique quand le Wadisme n’était pas encore cette maladie sénile de l’alternance. Mais j’ai été tenté de le regarder, et de lui dire « mais c’est à cause de vous, professeurs d’universités, chercheurs, à cause de votre silence, monsieur le professeur ».

Il ne faut pas s’y tromper, le quinquennat qui s’engage sera marqué par une crise d’autorité sans précédent. Ce qui se passe à Kolda, d’une rare violence, le retour annoncé des « rétrécisseurs » de sexe sont les symptômes phalliques d’une crise d’autorité qui va s’aggraver. La périphérie gronde, alors qu’à Dakar, capitale du Sénégal « émergent », les populations ont trouvé un nouveau moyen original d’exprimer leur mécontentement : elles déversent leurs surplus d’immondices dans la rue.
Face à une situation aussi grave que celle de Kolda, le président de la République n’a pas exprimé la moindre tristesse aux familles touchées. Il a déclaré à un de ses visiteurs endimanchés, que la moindre déclaration qu’il ferait donnerait à cette affaire une dimension nationale. Pour des histoires plus banales, il aurait déplacé toute sa cour pour aller présenter des condoléances, mais pas pour des cas aussi troublants. Toujours empêtré dans des calculs politiciens, toujours prêt à calculer les conséquences avant de connaître la cause. Il n’a jamais frémi pour le peuple qu’il commande. Il n’a jamais exprimé la moindre compassion pour les milliers de jeunes qui mouraient en mer, et qui commencent à tomber sous les balles des policiers.
Par contre, il va s’engager, dès la semaine prochaine, et contre les rugissements de son barbouze de Directeur de cabinet, à désamorcer la crise avec l’opposition. Rien que des calculs politiques : il ne veut pas qu’à une crise politique s’ajoute une crise économique et sociale. Il a du ventre pour encaisser, mais ce serait trop. Quand les circonstances seront encore plus favorables, il poursuivra sa politique à sens unique, jusqu’au jour où il cognera un mur. Nous comptons chaque année plus de la moitié des cas de choléra dans l’ensemble des pays de la sous région, nous battons désormais le record en nombre de morts du paludisme, selon les chiffres de l’OMS. Notre capitale est devenue une des plus sales du monde, alors que son budget a triplé en cinq années, suivant la courbe des recettes de l’Etat. C’est le lourd tribut que nous payons au wadisme économique.
La gravité de la situation devrait faire réfléchir, quant à l’attitude à adopter aux prochaines législatives. La logique du boycott est une logique de la résignation, et la logique de la résignation est une logique du renoncement. Il y a une petite bizarrerie à refuser l’unité pour aller à la présidentielle, et à s’unir pour ne pas aller aux législatives. 50 000 nouveaux électeurs viennent de s’ajouter à la liste des électeurs. Ils ne se sont pas inscrits pour boycotter les législatives. Les « rumeurologues » du président, parmi lesquels sont chef de cabinet, ont déjà annoncé qu’il pourrait aller jusqu’à reporter les élections, pour ouvrir de nouvelles négociations avec la classe politique. C’est un piège que l’opposition ne peut malheureusement pas éviter.



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