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Pierre Ndaye Mulamba, un héros du football congolais devenu exilé

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Pierre Ndaye Mulamba, un héros du football congolais devenu exilé

Pierre Ndaye Mulamba est décédé à 70 ans suite à des problèmes de santé, ce 26 janvier 2019, a confirmé sa famille à RFI. L’attaquant-vedette de l’équipe du Zaïre avait gagné la Coupe d’Afrique des nations 1974 dont il avait fini meilleur buteur avec 9 réalisations (un record pour une phase finale). Agressé avec sa famille à Kinshasa en 1994, l’ancien footballeur avait quitté son pays pour se réfugier en Afrique du Sud où il est mort.

Ses neufs buts inscrits lors de la Coupe d’Afrique des nations 1974 – un record pour une phase finale de CAN – sont restés dans la légende du football africain. Pourtant, Pierre Ndaye Mulamba, avait presque sombré dans l’oubli ces dix dernières années.

Celui qui a marqué l’histoire du foot congolais en remportant la CAN 1974 et en disputant le Mondial la même année a succombé à des ennuis de santé, ce 26 janvier, après plusieurs semaines passées dans une clinique sud-africaine.

C’est en effet au pays de Nelson Mandela, très loin de son Luluabourg natal – ville du centre de la RDC devenue Kananga – que l’ancien attaquant-vedette de la RDC a rendu son dernier soupir.

La passion du football

Pierre Ndaye Mulamba a grandi dans une famille de huit enfants, sous la vigilance d’un père obsédé par les études et décidé à en faire un instituteur. Mais le gamin, surnommé « Mutumbula » (le « croque-mitaine ») à cause d’une mauvaise blague qu'il avait jouée aux habitants de son quartier, n’a alors qu’un seul centre d’intérêt : le ballon rond.

Le pasteur luthérien qui gère son école le nomme ainsi « délégué football » à l’âge de 10 ans. Il faut dire que le talent de Pierre Ndaye Mulamba ne passe pas inaperçu. A 14 ans, il dispute ainsi un match devant le président de la République, Joseph Kasa-Vubu, avec deux buts à la clé. Pas impressionné par cet exploit, son père lance : « Il n’est pas question que mon fils fasse du football. Ce n’est pas un métier. Le football, c’est pour les bons à rien. »

Mais Georges Mulamba est obligé de lâcher du lest sous la pression grandissante des autorités locales, trop heureuses de voir émerger cette icône du Kasaï-Central.

Le temps de l’insouciance

Pour Pierre Ndaye Mulamba, c’est le temps de l’insouciance et des buts en pagaille inscrits avec la Renaissance du Kasaï, puis avec le club rival l’Union Saint-Gilloise. A 17 ans, Pierre Ndaye Mulamba est convoqué pour la première fois en équipe nationale. S’il n’est pas retenu pour la CAN 1968 (que le Congo remportera), à son grand dam, sa réputation est déjà faite.

Et c’est donc tout naturellement qu’après un court passage à l’AS Bantous, l’avant-centre rallie l’équipe-phare de la capitale, Vita Club, en 1972. L’année suivante, avec ce même « V Club », il remporte la prestigieuse Coupe d’Afrique des clubs champions.

Et en août 1973, après avoir été appelé à maintes reprises en sélection sans jouer, il dispute enfin son premier match officiel avec l’équipe nationale du Zaïre.

Une CAN 1974 d’anthologie…

Pierre Ndaye Mulamba est alors au sommet de son art. Lors de sa première CAN, en 1974 en Egypte, le Congolais martyrise les gardiens adverses, réussissant un doublé face à la Guinée (2-1) et scorant face à Maurice (4-1), au premier tour. En demi-finale, ses deux nouveaux buts contribuent à l’exploit face au pays-hôte (3-2). En finale, face à la Zambie, l’intéressé fait encore trembler les filets deux fois. Mais les Zambiens égalisent durant la prolongation, à 2-2. Le règlement de la compétition prévoit de rejouer le match, en cas de score de parité.

Pas perturbé, Pierre Ndaye Mulamba inflige la même sanction aux « Chipolopolo », deux jours plus tard. Mais cette fois, ses coéquipiers tiennent bon en défense : victoire 2-0.

A leur retour, les « Léopards » ont le droit à un accueil triomphal. Le joueur-vedette est adoubé par le chef de l’Etat, Mobutu Sese Seko, qui lui lance : « Je vous avais demandé la semaine dernière par téléphone de ramener la coupe au pays et vous l’avez fait. Je saurai m’en souvenir. »

…Mais un Mondial 1974 qui vire au cauchemar

La suite prouve toutefois l’inverse. L’équipe du Congo s’est certes qualifiée pour la Coupe du monde 1974 en RFA, devenant ainsi la première nation d’Afrique noire à prendre à part à cet événement. Mais, en dépit du soutien du public allemand, les « Léopards » vivent un Mondial cauchemardesque. Furieux de ne pas avoir touché leurs primes de la CAN 1974, les champions d’Afrique se relâchent totalement après une première défaite pourtant honorable face à l’Ecosse (2-0). Ils sont humiliés par la Yougoslavie 9-0 puis battus par le Brésil 3-0.

Quant à Pierre Ndaye Mulamba, il vit un triste tournoi. Il est en effet exclu lors du match face à la Yougoslavie pour un coup de pied administré à l’arbitre... par un coéquipier. Pour cet acte qu'il n'a pas commis, le sanctionné se voit même gratifié d’une suspension d’un an qui sera plus tard annulée par la FIFA. « Pour la première fois depuis bien longtemps, Ndiaye ne se sent plus l’âme du Mutumbula. Il n’a aucune envie de rentrer au pays », écrit la journaliste Claire Raynaud dans sa biographie du joueur, La Mort m’attendra.

Du lent déclin…

Après cette année 1974 folle, la carrière de Pierre Ndaye Mulamba se poursuit durant plus d’une décennie. A 38 ans, il raccroche enfin les crampons. S’il reste une gloire dans son pays et même sur le reste du continent, sa vie n’en est toutefois pas moins devenue modeste.

Seule une cérémonie organisée par la Confédération africaine de football (CAF) en son honneur, en marge de la Coupe d’Afrique des nations 1994, rappelle ses belles heures. A Tunis, Issa Hayatou, le patron de la CAF, lui rend un vibrant hommage avant de lui remettre entre autre une médaille. Sitôt décoré, le ministre des Sports du Congo, présent à la fête, demande cependant à Pierre Ndaye Mulamba de lui remettre sa distinction pour qu’il puisse l’offrir à Mobutu, est-il écrit dans La Mort m’attendra. Furieux, le héros du jour refuse catégoriquement.

…à l’enfer

Pierre Ndaye Mulamba ne le sait pas encore mais il va payer cher cet affront, renouvelé par la suite à Kinshasa. Quelques jours après son retour de Tunisie, dans la nuit du 17 au 18 avril 1994, sa femme, ses trois enfants et lui sont attaqués chez eux. « Mutumbula » est torturé, mutilé, laissé pour mort près d'un pont, avant d’être découvert, inerte, par des gamins des rues. Transféré dans un centre de soin, il échappe de peu à son funeste destin, après plusieurs arrêts cardiaques et après avoir été dans le coma.

En revanche, son plus jeune fils, Tridon, 9 ans, a succombé, lui, à un coup de crosse que lui avait asséné les agresseurs. Durant sa longue convalescence, Pierre Ndaye Mulamba doit lutter pour que la haine ne le fasse pas sombrer dans la folie.

Envoyer en Afrique du Sud en 1995 pour se soigner, l’ancienne gloire n’est plus que l’ombre d’elle-même. A la dérive, Pierre Ndaye Mulamba doit partir chercher de quoi survivre au Cap, au bout de quelques mois. Sitôt descendu du train, il craque, rapporte sa biographie : « Dans ce hall de gare du bout du monde, perdu, seul, il s’autorise enfin à faire ce qu’il n’a jamais fait : pleurer la mort de son petit garçon, pleurer sa famille qu’il a abandonnée, pleurer sa jambe dont il ne recouvrera jamais l’usage, pleurer sa vie d’autrefois, quand il était Mutumbula et que rien ni personne ne lui résistait. »

Réfugié et misérable

Au Cap, Pierre Ndaye Mulamba survit grâce à la solidarité et à l’admiration des autres réfugiés congolais, ainsi qu’à un petit boulot de car parker. Il touche le fond en 1998 lorsqu’il apprend dans les journaux… sa propre mort. Soi-disant suite à l’effondrement d’une mine en Angola. Les médias congolais ont en effet annoncé son décès juste avant la demi-finale de Coupe d’Afrique des nations au Burkina Faso entre les sélections de RDC et d’Afrique du Sud. Le speaker du stade à Ouagadougou a même appelé à une minute de silence, juste avant cette rencontre décisive… La vérité sera vite rétablie.

En avril 2005, Pierre Ndaye Mulamba a le droit à un nouvel hommage, bien réel celui-là, de la part de Joseph Blatter, le patron de la FIFA, mais à Kinshasa. Revenu pour la première fois dans son pays, l’ancien goleador consent à se prêter à une cérémonie pleine d’hypocrisie où il est prié de taire son exil et ses souffrances.

Reparti en Afrique du Sud, ce n’est qu’en décembre 2009, avant le tirage au sort de la Coupe du monde 2010 qu’il reçoit l’hommage qu’il espérait tant. Aux côtés du Ghanéen Abedi Pelé, lui aussi récompensé, il lâche, les yeux embués de larmes : « Ma vie n’a pas été toujours facile. Le football m’a apporté autant de joies que de peines. Mais aujourd’hui, je suis heureux. Heureux parce que cette Coupe du monde va se disputer dans mon pays, l’Afrique du Sud. Heureux parce que ce n’est pas un mais six pays africains qui vont participer à la compétition, et je les soutiendrai de tout mon cœur et de toutes mes forces. Heureux parce qu’en m’invitant ici aujourd’hui, vous m’avez fait un immense honneur. » C'était il y a neuf ans.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Janvier, 2019 (02:44 AM)
    R.I.P

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