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Afrique du Sud : un confinement dur et une lutte contre le Covid-19 exemplaire?

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Afrique du Sud : un confinement dur et une lutte contre le Covid-19 exemplaire?
L'Afrique du Sud est le pays du continent africain qui a recensé le plus grand nombre de cas positifs au coronavirus : 12 739 au 14 mai. C'est aussi le premier État à d'Afrique à avoir imposé un confinement national total. Retour sur l'apparition de l'épidémie dans le pays et sa gestion par les autorités. 

Jeudi 5 mars, l’Afrique du Sud confirme son premier cas de coronavirus. Il s’agit d’un homme de 38 ans, résidant dans le KwaZulu-Natal, rentré cinq jours auparavant avec sa femme d’un séjour touristique à Milan, en Italie. L’homme développe des symptômes à son retour de voyage, consulte un médecin, et est placé en isolement.

Deux jours plus tard, un deuxième cas. Une femme vivant à Johannesbourg, qui a voyagé en Italie dans le même groupe touristique que le patient zéro.

Cinq jours plus tard, six nouveaux cas. Des Sud-Africains rentrés d’Europe. Mais cette fois-ci, la contamination provient de plusieurs pays.

Dix jours après le premier cas, le président sud-africain Cyril Ramaphosa déclare l’état de catastrophe nationale. « Étant donné l’ampleur et la vitesse avec lesquelles le virus se répand, il est maintenant clair qu’aucun pays ne va être épargné », avertit-il dimanche 15 mars lors d’un discours télévisé.

L'Afrique du Sud interdit l’entrée sur son territoire à tout citoyen provenant de pays touchés par le virus : l’Italie, la Chine, mais également le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis, et ferme également 35 de ses 53 postes frontières terrestres.

Un semaine plus tard, l’Afrique du Sud compte plus de 400 cas de coronavirus. Et, alors qu’elle n’a enregistré aucun décès, elle devient le premier pays d’Afrique subsaharienne à mettre en place un confinement national, dès le vendredi 27 mars minuit.

« Un confinement national sera mis en place pendant vingt-et-un jours », annonce le président Ramaphosa qui précise que cette mesure vise à prévenir une « catastrophe humaine aux proportions énormes ».

Le chef de l’État exhorte les Sud-Africains à respecter le confinement. « La population sud-africaine est particulièrement vulnérable », insiste-t-il, en raison de la prévalence du VIH dans le pays.

Et pour faire respecter ces mesures, près de 3 000 militaires sont déployés dans les villes. « Il s’agit d’un confinement parmi les plus stricts au monde », estime l’analyste politique Daniel Silke.

Le coronavirus, plus dangereux pour les personnes dont l’immunité est affaiblie

Avec plus de 7,5 millions de Sud-Africains atteints du VIH – Sida (17 % chez les Sud-Africains âgés de 15 à 49 ans), la propagation du coronavirus pourrait faire de nombreuses victimes parmi une population jeune et active dont le système immunitaire est déjà affaibli, explique le professeur Atiya Mosam, spécialiste de santé publique. « Le coronavirus est beaucoup plus dangereux pour les gens qui ont une immunité fortement affaiblie. Des gens qui ont des maladies infectieuses comme le VIH ou la tuberculose, mais également tous ceux qui ont des maladies chroniques. Ceux qui travaillent dans les mines, par exemple et qui ont développé des maladies respiratoires. »

L’Afrique du Sud compte également plus de 300 000 cas de tuberculose. Ironiquement, admet le professeur Salim Abdool Karim, membre d’un comité de médecins chargé de conseiller le gouvernement en matière de stratégie sanitaire, l’épidémie de tuberculose a contraint les autorités à mettre en place une infrastructure pour diagnostiquer les malades atteint de tuberculose, limiter la contagion et dépister l’entourage du patient. Un système qui va pouvoir être utilisé rapidement pour lutter contre le Covid-19.

« Tous les Sud-Africains devront rester à la maison », met en garde le gouvernement.

À partir du 27 mars, date d’entrée en vigueur du confinement, quasiment toute l’activité du pays est à l’arrêt, sauf pour les catégories professionnelles jugées essentielles : santé, sécurité, ravitaillement, eau et électricité, secteur financier.

Mais avec un cinquième de la population vivant dans des bidonvilles – des « habitations informelles » où des familles vivent parfois à 5 ou 6 personnes dans une seule pièce –, le gouvernement craint que la situation ne devienne incontrôlable.

Aussi les autorités lancent alors une campagne ambitieuse de dépistage du coronavirus. Des milliers d’agents de santé sont déployés sur le terrain pour repérer les gens présentant des symptômes. Il s’agit de détection préventive, explique le ministre de la Santé Zweli Mkhize : « Pour commencer, nous allons cibler les zones sensibles. Là où un malade a été identifié, nous allons nous rendre dans son quartier et essayer d’identifier ceux qui auraient des symptômes. Et à partir de là, déterminer ceux qui doivent être testés, ou aller à l’hôpital ou être isolés. »

Le programme démarre dans les plus gros townships du pays : Alexandra – dans Johannesburg – où plus de 200 000 personnes habitent sur 7 km² et Diepsloot au nord de la ville, ainsi que Kayelitsha dans la ville du Cap. Le programme doit ensuite être étendu au reste du pays.

Une épidémie dans ces quartiers – souvent sans eau courante – serait impossible à contenir, craignent les autorités sanitaires.

La réponse à la pandémie a été largement saluée par les acteurs de la santé. « Nous n’allons pas échapper à l’épidémie », avertit le professeur Salim Abdool Karim. « Notre but a été de gagner du temps, freiner l’évolution de l’épidémie, ajoute-t-il, afin de nous préparer, pour que nos hôpitaux ne soient pas débordés. »Au départ, l’Afrique du Sud avait la même courbe de nouveaux cas similaire à celle de la Grande-Bretagne, explique ce spécialiste, et après trois semaines, la trajectoire est totalement différente, la courbe s’est rapidement aplanie.

Au total, près de 30 agents de santé ont été déployés sur le terrain, se félicite-t-il. « Au lieu d’attendre que les malades arrivent à l’hôpital, nous sommes allés les chercher ce qui a permis de réduire la propagation de l’épidémie avant que nous ne soyons dépassés. »

Une politique qui a ses limites

Mi-avril, après trois semaines de confinement strict, celui-ci est prolongé d’encore deux semaines. La grogne monte dans un pays où le taux de chômage dépasse les 30 % (50 % chez les jeunes), et où 20 % de la population vit grâce au secteur informel, sans la moindre chance d’épargner. 

Les plus vulnérables descendent dans la rue. Des incidents se multiplient : manifestations, pillages de magasins et de camions transportant des vivres, et détournements de colis alimentaires destinés aux plus démunis.

Maintenir ce genre de confinement sur la durée – surtout parmi les populations les plus défavorisées - s’avère très difficile, explique l’analyste politique Daniel Silke : « Après cinq semaines de confinement, le niveau de tension est très élevé. Il y a également beaucoup de frustration envers le gouvernement qui a promis de l’aide et des colis alimentaires qui ne sont pas toujours arrivés. De nombreux Sud-Africains sont préoccupés de ne pas pouvoir mettre de la nourriture sur la table. »

« C’est un succès d’un point de vue sanitaire, précise Mohamed Diatta, chercheur à l’Institut des études de sécurité, à Pretoria. Mais, en terme de mise en œuvre du respect des règles de confinement, on a constaté que les populations défavorisées qui vivaient au jour le jour, et qui ne pouvaient pas se nourrir durant ce confinement, ont commencé à sortir dans la rue. »

Une grogne relayée par les acteurs économiques du pays qui craignent un effondrement de l’économie ainsi qu’une une explosion du chômage et demandent un allègement du confinement. « Avant cette crise, nous avions déjà un déficit budgétaire d’environ 7 à 8 % de notre PIB, explique l’analyste financier George Glynos, aujourd’hui nous pensons que nous allons encore perdre 8% de croissance d’ici la fin de l’année, ajoute-t-il, avant de s’insurger : ce confinement doit cesser. L’Afrique du Sud n’est pas une économie développée ; nous devons arrêter de nous comporter comme si nous étions les États-Unis ou l’Europe, nous devons comprendre nos limites et faire en fonction. »

Le 21 avril, le gouvernement sud-africain annonce un important plan de soutien économique et social de plus de 24 milliards d’euros pour soutenir les entreprises et les personnes les plus vulnérables  dont les deux tiers proviendront de partenaires internationaux – suivi d’un allègement partiel du confinement à partir du 1er mai.

L’Afrique du Sud est-elle allée trop loin ?

Après 35 jours de confinement très strict, le président Cyril Ramaphosa a donc décidé une reprise partielle de l’activité économique. Plusieurs millions de Sud-Africains ont pu reprendre le travail le 1er mai. Les secteurs de nouveau autorisés à fonctionner sont tenus de respecter scrupuleusement des protocoles sanitaires pour éviter la propagation du virus.

Cette réouverture partielle est motivée par des raisons économiques plus que sanitaires, car l’annonce de cet allègement a coïncidé avec la plus forte augmentation de cas de coronavirus en une journée. « Comme de nombreux pays africains, souligne l’analyste Mohamed Diatta, l’Afrique du Sud cherche le difficile point d’équilibre entre concilier la santé publique et la relance de l’économie. »

Fallait-il imposer un confinement aussi strict au détriment d’une partie de la population et de l’économie ? Le nombre de cas de coronavirus dans le pays est-il si alarmant ?

Alors que le nombre de cas de coronavirus augmente lentement – 12 739 au 14 mai 2020, et 238 morts –, des voix s’élèvent pour remettre en question les choix de politique sanitaire du gouvernement sud-africain.

Selon Koffi Kouakou, analyste sur les questions africaines, les réactions des dirigeants africains sont disproportionnées vis-à-vis de la pandémie et ne correspondent pas du tout avec les données sur le terrain en Afrique. Dans certains endroits, le confinement total n’a pas été si respecté, ajoute-t-il, et pourtant nous n’avons pas assisté à une explosion de l’épidémie.

Le chercheur remarque qu'en 2014, l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest a fait plus de 12 000 victimes, et pourtant il n’y a pas eu toute cette panique. « Y a-t-il vraiment une crise Covid ? », demande-t-il. « En tout cas, cette crise va désormais créer une crise économique. »

Avant d’ajouter : « Si gouvernement s’intéresse vraiment aux gens qui meurent, il y en a tous les jours qui meurent de pauvreté, d’inégalité... Pourquoi le gouvernement ne s’en est pas occupé avant ? »

« Nous allons devoir vivre avec le virus probablement encore un an », estime le président Ramaphosa

Les virologues sud-africains estiment que la pandémie est loin d’être terminée.

« Les gens demandent pourquoi nous allégeons le confinement alors que le nombre de cas continue de grimper, remarque le professeur Salim Abdool Karim. Je leur réponds que les chiffres allaient de toute façon augmenter. Une baisse n’est pas possible, nous n’avons pas d’immunité contre ce virus, pas de vaccin. La question est plutôt de savoir à quelle vitesse le nombre de cas augmente. C’est cela que nous essayons de contrôler. »

Selon lui, le pic dans le pays n’est pas encore atteint. Il devrait avoir lieu entre la fin juillet et début septembre.


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