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Série de décès sur les pelouses : La rançon de la négligence

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Série de décès sur les pelouses : La rançon de la négligence

La longue liste des footballeurs décédés sur le terrain au Sénégal donne à réfléchir davantage sur leur aptitude à pratiquer ce sport. La visite médicale peu respectée par les équipes est pointée du doigt par les joueurs eux-mêmes. Mais il y a aussi  les autres facteurs tels que la température et l’alimentation.

Avant de pratiquer tout métier, il est conseillé, au préalable, de subir une visite médicale. Les candidats au concours d’entrée à l’armée, les enseignants, les policiers de profession y sont presque tous soumis. Personne ne devrait être épargné. Cependant, cette visite médicale est conçue désormais comme une simple  formalité, même dans les activités comme le sport où  elle  doit  être observée avec rigueur. La mort, vendredi 4 mai, du capitaine de l’Association sportive des Forces armées (Asfa), Amath Coly, a relancé le débat sur l’aptitude des footballeurs à jouer la haute compétition ou le championnat populaire appelé ‘’navétanes’’. Le défenseur de 27 ans a rendu  l’âme au cours de son évacuation à l’hôpital, après un malaise en plein match face à la Jeanne d’Arc de Dakar, lors de la 20e journée du National 1 (division 3). Si certains joueurs passent la visite  médicale, d’autres par contre affirment ne ‘‘jamais’’ l’avoir subie avant le début des compétitions.

Aujourd’hui encore, on continue de pratiquer le football professionnel comme le faisaient les générations antérieures. Il suffit tout simplement que quelqu’un sache manipuler le ballon et il fera l’objet de toutes les convoitises. La plupart des équipes misent sur la qualité technique et oublient souvent de mettre en avant l’aspect sanitaire. Pendant ce temps, les joueurs continuent d’en subir les conséquences avec parfois des pertes en vie humaine. Les statistiques indiquent que trois joueurs sont déjà victimes d’une mort tragique sur les terrains de football. La disparition d’Amath Coly vient porter le nombre désormais à quatre décès. Avant lui, Pape Ousmane Mbaye, l’international sénégalais de la sélection U20, est décédé en début du mois de novembre des suites d’un malaise, alors que ses coéquipiers et lui étaient en pleine séance d’entraînement. Ce jeune joueur de 19 ans est mort sur la pelouse du Centre national d’éducation populaire et sportive (Cneps) de Thiès.

Selon plusieurs sources, la victime a rendu l’âme suite à un arrêt cardiaque. Les nombreux témoignages faits par ses camarades dans la presse après le drame indiquent que le latéral gauche était en pleine forme. D’après ces derniers, le coach de l’équipe, Gaoussou Dramé, n’avait pas trop voulu bousculer ses joueurs lors de la séance d’entraînement.

Après un quart d’heure de jeu, il leur a demandé d’observer une petite pause. Pape Ousmane Mbaye lui, était sous le chaud soleil, alors que ses coéquipiers étaient admis à observer une pause. ‘‘Croyant qu’il était blessé au tibia, le technicien de l’équipe l’interpella. Mais il poussa un cri aigu avant de s’affaler sur la pelouse. Le coach a ensuite posé sa main sur la poitrine du gosse, et n’a pas senti de mouvements respiratoires. Alors il a été conduit aux urgences de l’hôpital Ahmadou Sakhir Ndiéguène où le médecin légiste a constaté le décès du footballeur, suite à un arrêt cardiaque. C’est comme ça que Pape Ousmane est parti’’, révélait une source proche du drame, en début du mois de novembre. Pape Ousmane Mbaye était pourtant appelé à prendre part à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) des moins de 20 ans en Zambie. Il était l’un des vrais ‘‘commandos’’ de la bande à Joseph Koto. Le décès de ce jeune footballeur vient ainsi allonger la liste des joueurs sénégalais qui sont morts dans des circonstances pareilles. Au mois de septembre 2016, un autre joueur de ‘’navétanes’’ du nom de Pape Alioune Samb, plus connu sous le nom de Bo, a été emporté par un arrêt cardiaque alors qu’il était en pleine séance d’entraînement. Ses partenaires n’ont pas réussi à le sauver. Le sociétaire de l’Asc Hlm Grand-Yoff et de l’équipe nationale cadette est décédé sur le coup.

Les années passent et se ressemblent. L’année 2015 a également plongé le monde du football sénégalais dans la douleur. Elle a été marquée par le décès du jeune Mamadou Salif Ndiaye. L’international sénégalais U23 et pensionnaire de la Suneor a perdu la vie au mois d’août 2015. Pour lui aussi, c’était à la suite d’un arrêt cardiaque en plein regroupement avec ses camarades au centre technique Jules François Bocandé de Toubab Dialaw. Mamadou Salif Ndiaye et ses coéquipiers préparaient activement les Jeux africains de septembre 2015.

Séance d’entraînement de 15 à 17 heures

Malgré tout, ceux qui optent pour l’effectivité et la rigueur des visites médicales ne sont pas assez nombreux. En tout cas, certains comptent désormais faire de cette nécessité, leur véritable cheval de bataille. Rencontré au stade Demba Diop, Maguette Ndiaye, entraîneur principal de l’équipe cadette de l’ASC Diankhalaar de la zone 4 A de Dakar, trouve qu’il est ‘‘nécessaire’’, voire ‘‘fondamental’’ pour chaque équipe de football professionnel ou une simple ASC, d’organiser des visites médicales avant le début des championnats. Pour lui, pas question d’ignorer cette étape cruciale qui peut coûter la vie aux jeunes joueurs. ‘‘La visite médicale doit être obligatoire pour les joueurs de ‘‘navétanes’’ comme c’est le cas pour les pensionnaires de Ligue 1 ou de Ligue 2. Malheureusement, au Sénégal, celle-ci est souvent banalisée par certains dirigeants de clubs et d’ASC. Quand on voit tous ces morts subites au cours des matchs ou des séances d’entraînement, on ne peut que se demander si les victimes ont subi une visite médicale normale, avant le début des compétitions’’, s’interroge Maguette Ndiaye. Réagissant à propos des joueurs qui décèdent subitement sur les terrains de football au Sénégal, le sieur Ndiaye estime qu’il est de la responsabilité des dirigeants de les ‘‘protéger’’. ‘‘Le staff technique et l’ensemble des dirigeants de tout club doivent contrôler le rythme cardiaque, en organisant des journées de visite médicale à l’attention de leurs joueurs pour éviter au maximum les cas de décès subits sur les terrains. Il n’y a pas longtemps, un joueur de ‘’navétanes’’ de l’ASC Hlm Grand-Yoff a perdu la vie en pleine séance d’entraînement.

C’est pour dire qu’il existe peu de suivi médical dans les ASC’’, déplore le ‘‘Special one’’ de l’ASC Diankhalaar. Chargé de la formation de la petite catégorie de son ASC, ce dernier invite  à être  ‘‘très regardant’’ sur les séances d’entraînement. D’après le propriétaire de l’école de foot ‘‘Guélwars’’ de Grand-Dakar, la première des choses à faire dans toutes les équipes de football, c’est un suivi médical de qualité. Autrement dit, l’organisation de visites médicales régulières. ‘‘Si on veut éviter les morts subites, il faut arrêter de faire jouer les gens au hasard. Il est temps qu’on arrive à mettre en avant l’aspect sanitaire. Sans cela, on continuera à enregistrer des morts subites sur les pelouses’’, prévient-il. Dans certaines ASC, les joueurs s’entraînent de 15 à 17 heures et ils ne font que courir. Cette stratégie est tout simplement un ‘‘gros risque’’ pour les joueurs, affirme le coach de l’ASC Diankhalaar. Cet interlocuteur milite pour la réduction de la durée du temps d’entraînement qui, selon lui, peut provoquer autant de difficultés aux joueurs.

‘‘Qu’est-ce qu’une visite médicale ?’’

Dans certaines ASC, les joueurs ignorent même le sens de la visite médicale. C’est du moins ce qu’ils affirment. A Boune, une localité située dans la commune d’arrondissement de Keur Massar, la surprise du joueur de l’ASC Médinatoul en dit long : ‘‘Qu’est-ce qu’une visite médicale ?’’ questionne-t-il. Et pourtant, ce dernier a rejoint Médinatoul depuis juin 2008. Après explication, il affirme n’avoir pas souvenance d’une initiative allant dans ce sens. ‘‘Depuis que je suis ici, je n’ai jamais participé à une visite médicale. Vous pouvez demander à tous mes camarades. Ils vous diront la même chose. Nos dirigeants sont bien au courant des morts subites sur les terrains. Mais ils ne respectent toujours pas l’étape de la visite médicale’’, souffle Mansour. Selon son témoignage, la restauration l’emporte sur l’aspect sanitaire. Pourtant, les accidents mortels répétés ne manquent de susciter des inquiétudes. ‘‘C’est vrai que les navétanes sont des pratiques sportives informelles, mais cela ne veut pas dire que les gens doivent omettre la visite médicale. C’est aussi valable dans les autres ASC du village de Boune’’, insiste le latéral rencontré à l’école primaire de Boune où s’entraînent les joueurs de l’ASC Médinatoul.

A l’image de Mansour, la majeure partie des joueurs rencontrés à Boune et à Fass Mbao disent n’avoir ‘‘jamais bénéficié’’ d’une quelconque visite médicale. Cela ne devrait pas étonner, puisque même certaines équipes évoluant dans le championnat professionnel n’en font pas une nécessité. ‘’ C’est du n’importe quoi dans certaines équipes de L1 et de L2. De loin, on croit que tout est rose dans les clubs professionnels. Mais de près, on s’aperçoit qu’il n’y a rien de bon. La visite médicale est souvent banalisée et très mal faite. Ce qu’on nous fait subir parfois, ce sont des consultations et non de vraies visites médicales. Ils te font un petit diagnostic et c’est tout’’, regrette un de nos interlocuteurs qui joue pour une équipe de Ligue 2 de Dakar.

La ligue 1 aussi

Ce joueur plaide pour une rupture et l’adoption d’une nouvelle orientation du foot sénégalais. ‘‘La Ligue sénégalaise de football professionnel a exigé la visite médicale pour toutes les équipes. Mais celle-ci n’est pas souvent trop prise au sérieux. La ligue ne le fait pas pour le simple plaisir, mais plutôt pour protéger les joueurs. Je n’ai jamais été examiné sérieusement par un médecin depuis que je suis là. Et pourtant j’ai ma licence et je continue à jouer’’, s’indigne-t-il, sous le couvert de l’anonymat. Son camarade de la même équipe s’empresse d’ajouter : ‘‘Si vous voyez tous ces morts subites, c’est parce qu’il n’y a pas de rigueur dans la pratique de la visite médicale. C’est vraiment dommage. Mais nous sommes obligés de faire avec, parce que nous avons opté pour le football. C’est vrai que nous sommes payés à la fin de chaque mois, mais il faut être plus regardant sur le côté sanitaire’’, prône-t-il. Ces deux interlocuteurs savent en fait que, pratiquée de façon régulière, la visite peut épargner les joueurs des risques pouvant conduire à des morts subites sur les pelouses. Il en appelle, de ce fait, à rompre avec tout le dispositif classique.

En réalité, le problème se trouve à toutes les échelles du football sénégalais. D’après un pensionnaire de la L1 sénégalaise, les négligences sont aussi notées à ce niveau. ‘’Ce qu’on voit dans le championnat local ne peut pas être qualifié de visite médicale. C’est tout simplement une petite séance de consultation et on attribue au joueur sa licence sportive, et c’est tout’’, déplore-t-il.

Dans certaines équipes par  contre, la  pratique  est de rigueur. L’AS Douanes est de ce lot. Ass Ndoye et ses camarades sont soumis au même rituel chaque année, avant le démarrage de la  saison. ‘‘AS Douanes dispose d’un centre médical à Colobane. Nous y allons au début du championnat pour faire la visite médicale. Il se fait régulièrement’’, se réjouit le défenseur des douaniers, trouvé en pleine séance d’entraînement avec ses coéquipiers au stade Demba Diop. Mais As Douanes est peut-être l’une des rares oasis dans ce ‘’désert médical’’. A noter également que l’alimentation et la chaleur sont aussi d’autres facteurs. Dans tous les cas, qu’il soit professionnel ou amateur, le footballeur peut certes se livrer à son sport favori, mais celui-ci se fait généralement à ses risques et périls…sanitaires.

GAUSTIN DIATTA



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2018 (08:33 AM)
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