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Economie

Zakaria SAMBAKHE, sociologue, coordonnateur de Rosa : ‘ Les paysans sont encore nostalgiques de l’Oncad et de la Sodeva ’

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Zakaria SAMBAKHE, sociologue, coordonnateur de Rosa : ‘ Les paysans sont encore nostalgiques de l’Oncad et de la Sodeva ’

Coup dur pour le président Wade ! L’Oncad dont il s’est plu à pourfendre pendant des années, durant le règne du président Senghor, est encore dans le cœur des paysans. C’est la conviction du sociologue Zakaria Sambakhé. Ce dernier est membre d’une association (Rosa) qui lutte contre l’insécurité alimentaire. Et il ne fait que restituer une étude commanditée par Rosa et réalisée dans le monde rural. C’est au cours du séminaire international du Cadre de concertation et de coopération des ruraux (Cncr) tenu les 21, 22 et 23 janvier dernier que nous l’avons accroché.

Wal Fadjri : L’association Rosa dont vous êtes membre, a commandité une enquête réalisée sur le monde rural. Pourquoi une telle enquête ?

Zakaria Sambakhé : L’enquête est une initiative du Réseau des organisations de la société civile pour la sécurité agriculture (Rosa) qui regroupe, entre autres, plusieurs organisations de la société civile dont Action Aid, le Cncr et la Coalition des jeunes contre la faim qui s’occupent d’agriculture. La cible, c’étaient les organisations paysannes et les producteurs dans le monde rural de façon générale. Dans chaque filière, il s’agissait d’analyser les contraintes au plan économique, politique et socio-culturel. L’objectif était aussi de se faire une idée sur le plan de la sécurité alimentaire et ses conséquences sur les ménages urbains et ruraux.

Wal Fadjri : Au cours de cette enquête, il a été découvert que la couverture céréalière est très faible…

Zakaria Sambakhé : Effectivement ! On est arrivé à la conclusion que la couverture céréalière est très faible. Il y a même des zones où l’on n’arrivait pas à deux mois de couverture céréalière. Le reste de l’année, les populations se débrouillent pour vivre. Nous avons aussi noté la contrainte relative à la question foncière. Les femmes qui produisent 80 % de la nourriture, ne disposent que de 2 % des moyens de production, à savoir les terres, le crédit, les équipements agricoles, etc. Ces femmes sont laissées pour compte. Dans le monde rural, on aide certaines femmes à disposer de lopins de terre, ce qui ne leur permet pas de s’épanouir. L’autre contrainte est consécutive aux programmes qui ne répondent pas de manière efficace aux besoins en alimentation. Les Etats ont signé des engagements comme le Pacte international économique socio-culturel. Ce Pacte qui garantit l’accès à une alimentation équilibrée et disponible n’est pas respecté. On se demande même si l’agriculture est une priorité pour l’Etat. Car ce secteur n’est pas accompagné par des moyens techniques conséquents et le conseil susceptible d’augmenter les rendements.

Wal Fadjri : En quoi, les paysans sont-ils nostalgiques des structures d’encadrement comme l’Oncad et la Sodeva ?

Zakaria Sambakhé : C’est l’enquête qui a révélé que les paysans sont nostalgiques de l’Oncad et de la Sodeva. Ce que nous constatons sur le terrain, c’est que l’Agence nationale de conseil agricole rural (Ancar) et la Direction régionale du développement rural (Drdr) ne sont pas en mesure de couvrir les besoins. C’est en général un seul agent qui couvre toute une communauté pour des attentes multiples. Or, il faut, souvent, être sur place à temps pour cerner le problème posé. Ce sont les paysans eux-mêmes qui nous ont dit qu’à l’époque de l’Oncad, c’était bien. Ils nous ont dit qu’on leur donnait des semences, des moyens de production au moment opportun, on les formait à l’utilisation de l’engrais et des produits phytosanitaires. Aujourd’hui, tout cela a disparu.

Wal Fadjri : Votre affirmation est étonnante, d’autant que l’Oncad a été considérée par le président Wade, alors dans l’opposition, comme un gouffre de d’argent sans aucune efficacité…

Zakaria Sambakhé : C’est le procès qu’on a fait à ces structures d’encadrement. Mais, nous rapportons fidèlement les préoccupations des paysans qui ont exprimé leur nostalgie pour ces structures. Quelles que soient les défaillances de l’Oncad et de la Sodeva, il faut reconnaître qu’elles ont servi de déclic pour la production. Parce que le paysan pouvait, avec l’accompagnement technique nécessaire et le suivi de proximité, accroître son revenu, assurer à ses enfants une scolarité plus ou moins correcte et subvenir à ses besoins sans le concours de personne. Les structures d’encadrement en place n’ont pas les moyens pour aller suivre les communautés à la base. Ils n’ont pas les possibilités de porter le discours à la base pour que les paysans se l’approprient. Il y a tout un écart entre le discours des pouvoirs publics et les réalités sur le terrain.

Wal Fadjri : Mais les paysans sont-ils vraiment ouverts et attentifs aux agents des structures d’encadrement comme l’Ancar ?

Zakaria Sambakhé : Il ne faut pas perdre de vue que le monde rural est organisé. Les gens avaient des valeurs traditionnelles en matière d’utilisation de l’engrais et autres. Le travail des structures techniques était d’accompagner ce qui existe déjà. Or, à ce niveau, le problème, c’est qu’un seul agent est affecté dans une zone qu’il ne peut pas couvrir entièrement. Et puis, cet agent n’est pas parfois motivé. Il se pose des problèmes de carburant ou autres détails de ce genre qui font qu’on accède difficilement au paysan.

Wal Fadjri : Votre enquête souligne des problèmes de terres…

Zakaria Sambakhé : Bien sûr ! Nous avons constaté que la mise en place de programmes comme la Goana et le Plan Reva ont, quelque part, accentué la pression foncière. Beaucoup de paysans sont aujourd’hui expropriés. C’est le cas de la compagnie Azilia Gomme dans le Ferlo ou à Kédougou où 80 hectares sont attribués à un privé espagnol pour un projet touristique. Nous pensons que la terre est le premier capital. Si cette terre est expropriée, on viole des droits comme celui à l’alimentation.

Wal Fadjri : Quelles solutions préconisez-vous pour triompher de l’insécurité alimentaire ?

Zakaria Sambakhé : Dans une situation de crise, on pense à des alternatives, mais au niveau local. C’est ainsi que les paysans ont mis en place des activités de transformation, de diversification comme la culture de l’anacarde dans certaines zones. C’est le cas à Passy où nombre de personnes s’activent dans ce créneau de l’anacarde. Ça permet d’oublier les périodes de soudure et de crise. Les tendances aux cultures à cycle court (pastèque, haricot, etc.) sont de mise également.

Wal Fadjri : Pourquoi cette enquête ?

Zakaria Sambakhé : L’enquête découle de plusieurs constats, notamment celui relatif à la baisse de la couverture céréalière. C’est le cas durant la campagne agricole 2007-2008. Et cette baisse a eu des répercussions néfastes dans la vie des paysans. Nous avons constaté que les discours politiques sont en déphasage avec la réalité sur le terrain. Il y a des programmes qui existent comme celui sur le maïs, le manioc ou le bissap. Ce sont de bonnes initiatives, mais on constate que les paysans ne sont pas consultés ou associés. Cette étude nous a permis de bâtir un plaidoyer sur la question foncière, les moyens de production, la gestion des ressources naturelles et le respect des engagements.

Wal Fadjri : Quelle crédibilité peut-on accorder à votre enquête ?

Zakaria Sambakhé : Il souvent difficile d’affirmer qu’une enquête est crédible. Ce que nous cherchons, c’est de susciter le débat autour de l’agriculture parce que nous pensons qu’un pays qui dépend d’un autre pour vivre, est en danger.  



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